Les travaux n'ont commencé qu'en 1947. On a prié les habitants de ne pas déplacer les jalons en bois rouge et blanc délimitant le futur Royan. Ils habitaient alors dans des ruines, ou dans des tentes, ou des cités provisoires (Faupigné et Clémenceau). Ceux qui habitaient encore chez eux, dans le centre, savaient qu'ils seraient expropriés pour les travaux.
La somme allouée par le MRU pour la reconstruction était d'abord de 2,5 MF en 1945, puis 54 MF en 1947. Il y avait alors une rivalité régionale entre la Rochelle et Royan pour démarrer au plus vite la reconstruction. Les habitants de Royan s'impatientant, ils ont organisé des manifestations pour faire accélérer les travaux auprès des architectes qui campaient dans des baraques sur la plage, et qui avaient planté un drapeau vert, couleur de l'espérance. Il fallait aussi penser à l'avenir balnéaire et touristique de Royan, ce que les habitants ne comprenaient pas toujours.
C'est dans ce contexte que les architectes désignés par le MRU (René Coty) en 1948, Claude Ferret, et ses deux adjoints Louis Simon, de Paris, (1901-1965) et André Morisseau, de Pons, ont tracé les plans du futur Royan. Il fallait donc faire vite.
Le projet urbain commençait par une refonte totale du plan des rues, s'appuyant sur une étude d'avant guerre, le "plan Danger" (1939). En effet, on pensait déjà à l'importance du trafic automobile. Le projet, futuriste, épouse la forme de l'extrémité de la conche de Royan, courbe, englobant le port qu'on a pensé mettre à un moment derrière la pointe du Chay. Le centre est coupé par un axe perpendiculaire à la mer, le boulevard Aristide Briand (petite vallée de la Font de Cherves), et l'ensemble se voulait comme un arc avec une flèche pointée vers la mer. On a aussi prévu la rocade contournant le centre, de la gare, le haut de Royan (St-Pierre-de-Mons) et Pontaillac.
Le style architectural de l'époque en France, figé par la guerre, était resté le style classique, Beaux-Arts, ou Art déco, des années 1920-30 (Trocadéro de Paris...). Ce n'était pas encore les idées de Le Corbusier, lui aussi contemporain de cette époque.
Il faut noter que Le Corbusier avait présenté un projet pour la reconstruction de Royan, futuriste, mais que celui-ci n'avait pas été retenu car il ne faisait pas suffisamment station balnéaire, à cause principalement de constructions trop en hauteur.
L'architecte Ferret a proposé un style régional saintongeais à son projet, immédiatement adopté ne serait-ce que pour les habitants à reloger (on échappait ainsi au "faux basque" ou au "faux normand"). Ainsi les lignes sobres, les fines moulures charentaises, l'usage de la pierre calcaire, l'ordonnancement des ouvertures verticales et les tuiles canal coloraient un peu le style Beaux-Arts. Après avoir arasé et évacué tous les gravats, les premières constructions ont eu lieu en 1948 le long du boulevard Aristide-Briand, perpendiculaire à la mer, et reflètent ce style : classicisme avec des lignes très droites, et régionalisme en plus.
Des immeubles, des villas et d'autres constructions ont complété ces réalisations. On a ainsi construit la poste centrale (1951-52), l'église du parc (1951-53), l'entrée de la ville (place Gantier, près de la gare, 1956-60), la galerie Botton (1954-56) sur le Front de mer et son auditorium, le temple (1957), le stade (1957-61), la gare routière (1953-64), les châteaux d'eau de St-Pierre et Belmont (Gillet, 1960), la piscine (1968).
Dans les villas, on peut citer Ombre Blanche (arch. Claude Bonnefoy, 1958) (p.138)
Villa "Grille-pain" | |||
Résidence des congrès à Foncillon | |||
Château d'eau de Belmont | ![]() Avenue Gambetta | ||
Vue sur l'église Notre-Dame depuis la place Charles de Gaulle | |||
![]() Villa dite « des Ponts et Chaussées » | Villa 50' | ||
La piscine couverte | Château d'eau Saint-Pierre | Plage et Château d'eau Saint-Pierre |
Le centre administratif, prévu en plein centre-ville sur la place De Gaulle au carrefour des avenues Aristide-Briand et Gambetta ne verra jamais le jour, et sera remplacé en 1955 par le magasin Nouvelles Galeries.
On a aussi construit le marché central (Simon et Morisseau, 1953-56), utilisant à fond la technique du "voile mince de béton" : couche très fine de béton (7 cm), mais qui par sa forme pliée et courbe rend la structure robuste. Le marché a la forme d'un immense coquillage. On retrouve cette architecture au Brésil, au Mexique, et le marché de Royan a servi de modèle à d'autres réalisations (marché de Nanterre, cirque de Bucarest, ...).
On élève aussi un portique fermant le front de mer (1955), et déjà discuté à l'époque par certains Royannais car fermant la vue sur la mer depuis le centre, mais cher à l'architecte Simon. Ce portique sera un des premiers éléments à être démolis en 1985 avec le casino.
Enfin, cerise sur le gâteau, le casino, projet longuement réfléchi dès 1945 et maintes fois modifié, (arch. Ferret, Courtois, Marmouget), en forme de rotonde, est achevé en 1962 au bout de la conche, achevant ainsi la réalisation du Front de mer.
Pierre Marmouget a aussi participé à la construction de nombreuses villas, mettant en œuvre la technique du brise-soleil (ou claustra), assez nouvelle en France.
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Royan, enfin terminée, est devenue très célèbre en France et même dans le monde à cause de ce style architectural moderne et unique, véritable « laboratoire de recherches sur l'urbanisme », et ce style propre a été qualifié d'« École de Royan ».
La ville a attiré de nombreux résidents secondaires, de Paris en plus des proches habitants de la région, Bordeaux en particulier.