La tablette d'argile YBC 7289 (abréviation de Yale Babylonian Collection, no 7289) est une pièce archéologique babylonienne écrite en cunéiforme et traitant de mathématiques. Son intérêt réside dans le fait qu'elle est la plus ancienne représentation connue d'une valeur approchée de la racine carrée de deux, notée aujourd'hui √2. Depuis 1912, elle est en possession de l'Université Yale.
Cette tablette a la forme d'un disque d'environ 8 cm de diamètre et 8 mm d'épaisseur.
Une face représente un carré et ses diagonales. Sur un côté de ce carré, on peut lire le chiffre suivant, dans le système sexagésimal babylonien :
signifiant : | (30) | ||||||||||
À l'intérieur, le long d'une diagonale, se trouvent les deux séries de chiffres : | |||||||||||
signifiant : | (1, | 24, | 51, | 10) | |||||||
signifiant : | (42, | 25, | 35) |
La forme et les dimensions de la tablette laissent supposer qu'elle a été écrite, dans le sud de l'Irak actuel, par un apprenti scribe utilisant des valeurs connues issues d'une liste. De telles tablettes, rondes et petites (entre 8 et 12 cm en général) tenaient aisément dans la main.
Le système babylonien de numération étant sexagésimal, la suite 1 ; 24 ; 51 ; 10 peut être interprétée comme 1 + 24/60 + 51/60² + 10/60³ (soit 30547/21600, notons le a) et 42 ; 25 ; 35 comme 42 + 25/60 + 35/60² (soit 30547/720, notons le b). Les trois nombres qui apparaissent sur la tablette (le troisième étant c=30 soit aussi 1/2) sont liés par la relation b=a×c ou encore a = b / 2.
Le nombre c est noté près d'un côté du carré, les deux autres étant situés le long d'une diagonale. D'autre part, le théorème « de Pythagore » a pour conséquence que le rapport entre la diagonale b et le côté c d'un carré est égal à la racine carrée de deux. La suite 1 ; 24 ; 51 ; 10 peut donc être interprétée comme une valeur approchée de ce nombre. Un calcul de valeurs approchées décimales donne :
La précision du calcul de la racine carrée de deux par les Babyloniens est donc (si on le transpose dans le système décimal) de l'ordre du millionième près, soit six décimales.
La tablette YBC 7243, qui donne des listes de nombres, contient, dans sa dixième ligne :
sous-entendu : il faut multiplier le côté du carré par 1 24 51 10 pour obtenir sa diagonale. La tablette YBC 7289 consistait peut-être à calculer la diagonale d'un carré de côté 30 (ou 1/2 comme expliqué ci-dessus) à partir d'une liste semblable à celle de YBC 7283, éventuellement apprise par cœur.
Le système de numération babylonien ne permet pas de noter la valeur exacte d'un nombre, mais seulement celle-ci à un exposant 60 près. Ainsi peut-il signifier 30 comme 30×60, 30×60² ou 30/60, etc. Une hypothèse est que le qui apparait sur le côté du carré de YBC 7289 signifie 30/60, c'est-à-dire 1/2. Si c'était le cas, alors la série
serait égale à 42/60 + 25/60² + 35/60³, soit 30547/43200, et serait donc une valeur approchée de la moitié de la racine carrée de deux (notée de nos jours √2/2). Comme ils effectuaient des divisions par multiplication par l'inverse, les mathématiciens babyloniens s'intéressaient beaucoup aux inverses des nombres. Cette hypothèse peut laisser supposer qu'ils connaissaient la relation
Le « 30 » représente donc sans doute le nombre 1/2. Ainsi, la tablette donne (en valeur approchée) le couple de nombres inverses l'un de l'autre : √2 et 1/√2. Cette hypothèse est confortée par le fait que de tels couples de nombres apparaissant souvent dans les tablettes mathématiques babyloniennes : les scribes, plutôt que de diviser, multipliaient par l'inverse et de nombreuses tablettes contenant des listes de nombres et leurs inverses ont été retrouvées.