Un bon Plan lumière vise à économiser l'énergie et à limiter les impacts environnementaux de l'éclairage, tout en répondant aux besoins de vision et de sécurité
Comment éclairer mieux, en consommant moins d'électricité, de haut en bas et non de bas en haut ? A quelle heure et en quelles saison interrompre l'éclairage pour protéger la faune nocturne ? Ce sont des questions environnementales auxquelles le Plan lumière devrait répondre.
Le " Plan-Lumière " est un concept récent, souvent lié au soucis d'image ou de mise en valeur.
Il est parfois une réponse au développement anarchique de l'éclairage.
Il est généralement produit par une ville, une agglomération ou une communauté de communes, ou encore par une entreprise, une zone d’activité (commerciale, industrielle).
Il vise habituellement à produire un système global et cohérent d'éclairage, avec des investissement planifiés dans l'espace et dans le temps.
Ce n'est pas un moment anodin, puisqu'il mobilise beaucoup d'argent et que l’éclairage installé l'est pour 20 à 30 ans, voire plus.
C'est très rarement le cas, mais un Plan-lumière peut aussi être conçu pour générer d'importantes économies d'énergie (50 % est généralement possible, et 30 % facile, à sécurité et confort constants ou améliorés).
Il peut viser la sécurité des espaces public et routiers et/ou l'éclairage d'églises ou de grands monuments, voire l'éclairage de paysage ou "monuments naturel" (option très contestée et éventuellement illégale en raison des dégâts induits par l'éclairage artificiel sur les espèces protégées par la loi que sont notamment les oiseaux nocturnes, les chauve-souris ou sur les amphibiens et insectes typiquement nocturnes, qui trouvent souvent dans ces milieux quelques uns de leurs derniers refuges).
Il est le produit d'ingénieurs énergéticiens, électriciens et/ou d'éclairagistes d'architectes-lumière, ou de concepteurs-lumière (nouveaux métiers, issus du savoir-faire des techniciens ou ingénieurs responsables de l’éclairage de mise en scène (Cinéma, théâtre, opéra concerts, manifestations nocturnes).
Analyse critique : Certains plans lumières sont critiqués non pour leur résultat esthétique, mais pour la pollution lumineuse qu'ils génèrent, pour leur contribution à la dégradation du paysage nocturne, ainsi que pour les nuisances lumineuses qu'ils imposent aux astronomes amateurs et professionnels et aux citoyens. D'autre part leur généralisation et leur permanence dans le temps tend à les banaliser ; les effets de lumière surprennent de moins en moins, ce qui encourage des éclairages de plus en plus colorés ou violents qui sont imposés à ceux qui voudraient jouir de la simple beauté du ciel nocturne et pouvoir dormir au rythme du coucher et lever du soleil, sans devoir subir la lumière intrusive des éclairages décoratifs, ou de sécurité mal orientés.
Il y a là un défi à relever pour les éclairagistes, qui pourront y être aidés par l’apparition récente de formations d’éclairagistes ou sur le thème de la gestion rationnelle de l’éclairage. Les ingénieurs écologues ou de l’équipement ou de grandes écoles, ou les éclairagistes commencent en effet à bénéficier d’une offre de formation sur le thème de la pollution lumineuse, généralement sous forme de modules de 2 à 4 heures, associé avec d’autres modules sur le thème de la gestion efficiente de l’énergie et la gestion des déchets liés à l’éclairage. Les ONGs et notamment l’IDA (International Darksky Association) dans le monde, et l’ANPCN en France ont également contribué à sensibiliser de nombreux acteurs via des conférences, formations publications et éléments mis à disposition via l’Internet.
Contenu
Il n'existe pas de définition normé ou légale d'un plan-lumière, et selon les pays ou les cas, leurs contenus sont très variés.
Dans une approche de service public, et donc de Développement soutenable et de HQE (Haute Qualité Environnementale), pour des raisons de bon sens, et si l'on s'inspire des éléments de formation et d'information disponibles auprès des administrations et des ONG qui se sont intéressé aux aspects énergétique, sécuritaires et environnementaux, voire sanitaires de l'éclairage nocturne, ont peut toutefois considérer qu'un bon Plan-Lumière devrait au moins comporter :
Phases possibles
Analyse de l’existant
Il s’agit d'appuyer et justifier le plan par un bilan technique complet et préalable, quantitatif et qualitatif (forces/faiblesses, honnête de l'éclairage existant.
Ce bilan doit être précisément documentée et comprendre l’état du parc des luminaires (à renouveler à quelle échéance ? adaptable ou condamné à être changé au gré des modes ? avec quels besoins d’entretien, d’assurances ? quels coûts de fonctionnement ? nombre de sources et supports ? puissances ? état ? efficience ? etc.
Ce bilan devrait aussi comprendre un bilan des " pertes " :
pertes d’énergie électrique (ou lumineuses dans le cas de fibres optiques), par exemple suite à des défaut de câblages, de connectique, dysfonctionnement d’horloges ou armoires électriques mal entretenues..)
pertes liées aux flux mal orientés de lumière (qui contribuent au halo produit par la lumière diffusée au delà de sa cible). Ces pertes sont illustré par des photos au sol, des mesures de fond de ciel, des imagerie satellitaires ou extraits de cartes de modélisation, et idéalement par des photographies aériennes datées, prises par nuit claire et sèche et/ou brumeuse.
Ce bilan doit aussi intégrer tous les éclairages extérieurs à la zone considérée qui contribuent à la luminance des zones connexes.
Il peut aboutir à des propositions qui peuvent être traduite en un cahier des charges pour la préparation d'un Plan-lumière.
Il est souhaitable que le service ou bureau d’étude en charge de cette phase préalable soit complètement indépendant de celui qui construira le projet technique et des vendeurs d’énergie ou de matériel, et donc que cette étude soit une première phase, qui pourrait d'ailleurs éventuellement conclure à l'absence de nécessité d’un plan lumière.
Identification préalable des réseaux d’acteurs concernés
Cette liste inclue les acteurs concernés par les nuisances potentielles ou la pollution lumineuse, parmi lesquels figurent au moins les astronomes, écologues, médecins spécialisés, techniciens de l’éclairage, communicants, riverains exposés au phénomène d'éclairage intrusif, etc.
Le commanditaire devrait veiller à ce qu’ils puissent s’exprimer librement et s’appuyer sur une expertise indépendante tant que de besoin.
Il et utile d’honnêtement informer et former ces acteur et les autres usagers quant aux coûts et bénéfices apportés par les différentes solutions d’éclairage et sur la manière dont ils peuvent individuellement et collectivement contribuer à réduire le gaspillage et la pollution lumineuse.
Analyse préalable des besoins de sécurité
Cette phase doit être conduite en se gardant des approches uniquement subjectives
Ex 1 : Éclairer " plus " une route ou un pont est parfois accidentogène (encouragement à la vitesse, sous-estimation des effets de la fatigue visuelle et de l’éblouissement. Les dispositifs de ralentisseurs, de protection des piétons et cyclistes, ou les dispositifs rétro-réfléchissants ou encore l’asservissement des éclairages peuvent être plus efficaces et moins coûteux que des lampadaires). La diminution progressive de l’intensité lumineuse peut induire le ralentissement. Un passage piétons, un carrefour, dont l’éclairage est isolé, sont mieux perçus que noyés dans un halo lumineux continu.
Ex 2 : Contrairement aux idées reçues, suréclairer les centres-villes ou des lisières villes/campagnes ou villes/nature n’améliore pas nécessairement la sécurité. Les centres tardivement illuminés favorisent les rassemblements nocturnes et la consommation tardive d’alcool qui génèrent les actes de violences les plus graves, et secondairement nombre d’accidents de circulation.
Des éclairages déclenchés par l’intrusion ou l’approche d’une personne ou d’un véhicule sont plus dissuasifs et plus efficaces contre les cambriolages et pour la surveillance. Dans tous les cas, éclairer le ciel n’a pas d’intérêt pour la sécurité, et peut gêner certaines interventions de secours aériens.
Analyse de la variation spatiale et/ou saisonnière des besoins
Exemple : une station balnéaire ne nécessite pas d’illuminations hors saisons (c’est au printemps et en automne que les impacts pour les oiseaux sont importants). Brouillard, neige, pluies ou verglas impliquent des éclairages puissants aux carrefours/ronds-points. Par nuit claire et sans vent, le même éclairage est éblouissant. Il peut être réduit. Les monuments ne doivent pas être puissamment éclairés toute la nuit, ni sur toutes leurs faces, ni même après 22 ou 23 H hors saison touristique.
Analyse préalable des besoins d'image et de " mise en valeur "
La qualité prime sur la quantité : Mettre " en valeur " quoi ? Quand ? Comment, Pour qui ? Pourquoi ? Irréversiblement ? Avec quelle acceptabilité des impacts secondaires ? Quelle éthique ? Le ciel nocturne, les étoiles et la voie lactée sont aussi un patrimoine à restaurer, préserver et mettre en valeur (ex. : Canaries, couvre-feu lumineux sur l’île de Palma).
=> Analyse des besoins liés à la publicité commerciale, à l’image. Comment éviter la surenchère ? Doit-on, peut-on, veut-on illuminer puissamment des enseignes commerciales à 4 h du matin ? les quais, les gares et entrepôts ou les parkings et supermarchés vides ? Attention aussi aux enseignes (lumineuses ou suréclairées) qui peuvent détourner l’attention des conducteurs.
Analyse coûts*/avantages des variantes et alternatives
Cette phase doit intégrer tous les coûts de fonctionnement, avec justification documentée des choix, sur les aspects économie, consommation, sécurité, durabilité, sensibilité au vandalisme, spectres et puissances, sensibilité des objets éclairés (justifiant par exemple un choix entre fibre optique et sources chaudes), aspects socio-sanitaires et environnementaux (impacts directs et indirects sur les riverains, la faune, la flore et les écosystèmes) en fonction du contexte (impact de l’air salin, présence effective ou potentielle, permanente ou ponctuelle d’espèces sensibles à la lumière, vent, contexte architectural, risque industriel et nucléaire, sécurité, gestion des déchets (spéciaux ou toxiques) liés aux lampes ou systèmes électriques ou électroniques en fin de vie, contribution à l’empreinte écologique ou aux modifications climatiques, lutte contre l'effet de serre, etc.).
Indicateurs de suivi
Ils sont à déterminer en fonction des objectifs initiaux et du contexte.
Ils peuvent par exemple concerner :
- la sécurité routière, la sécurité des biens et des personnes,
- les politiques d’image, à rendre " soutenables ", i.e. compatibles avec le long terme, la qualité de vie, la sécurité, l’environnement nocturne, et intégrant écobilans et économies d’énergie,
- les aspects qualitatifs et quantitatifs (quelle puissance, pour quelles raisons, à quels moments précis, en tenant compte des variabilités saisonnières ?).
- la pollution lumineuse, l’intrusion lumineuse, la formation et sensibilisation des riverains et usagers, etc.
Intérêt économique du (bon) Plan-lumière
Les fabricants et professionnels n'ont pas à craindre une réduction de l'éclairage, ni les riverains une perte de confort, au contraire. Éclairer mieux implique une professionnalisation accrue de ce secteur, et la rénovation d'un parc important (75 % des réseaux seraient à restaurer ou à renouveler en France, et 30 % de l’énergie pourrait être économisée pour une efficacité et un confort d’utilisation au moins égal).
Il y a pour les éclairagistes et les collectivités une opportunité de marché et de bénéfices durables, ce qui devrait rendre la réflexion sur ce thème sereine : les économies d'énergie, la réglementation (ex : évaluation des effets sur la santé dans les études d’impact), les pollutions et nuisances doivent être prises en compte par les éclairagistes et en amont par les maîtres d’ouvrage et les financeurs.
Les emplois créés (type économe de flux ou écoconseiller spécialisés en réduction de la pollution lumineuse verraient leurs salaires rapidement remboursés par les économies faites.
En moins de 2 ans, la ville de Lille avait début 2006 déjà économisé 35% de ses factures d’électricité pour un qualité d’éclairage et un confort accru, et elle n’était qu’au début de son plan visant l’amélioration qualitative de l’éclairage. Avec une approche d’amélioration continue, cette ville réinvestit les économies faites à l’année N pour financer l’installation de matériels plus efficient à l’année N+1.
Conditions de réussite
Un bon plan lumière devrait être co-construit avec les citoyens, par exemple dans le cadre d'un Agenda 21 en prenant le temps de bien les renseigner sur les coûts, nuisances et la pollution lumineuse que l'éclairage artificiel peut générer.
Une double approche Investissement et Gestion (fonctionnement) est souhaitable pour tous les thèmes développés ci-dessus, car des coûts de fonctionnement et d'entretien souvent mal évalués en amont et s'avèrent ensuite poser des problèmes durables et coûteux aux collectivités.
A titre d'exemple, le nettoyage des verres et le changement d'ampoule sont une nécessité. Mais ils peuvent être fastidieux et coûteux en raison de la présence de fils électriques, obstacles, véhicules mal garés, etc. Dans les rues fréquentées ou étroites, deux voire trois ou quatre personnes sont nécessaires pour assurer la sécurité et ne pas trop perturber la circulation. A proximité des zones polluées, sous les arbres ou à proximité de l'eau, les luminaires se salissent plus vite. Les fabricants cherchent à produire des formes et des matériaux plus "autonettoyants", mais il est parfois difficile d'anticiper leur vieillissement .
Dans certaines villes allemandes, on profite de de ce type d'opération pour - à la demande des riverains - ajouter un cache (peinture noire) dans le luminaire de manière à limiter l'intrusion de lumière non désirée dans leur domicile (source Colloque Ademe / Anger 2005).
Il convient aussi de prévoir une augmentation logique et probable des coûts de l'énergie électrique, et inversement une diminution des coûts des panneaux solaires, des leds ou d'autres technologies inovantes.
Objectifs de soutenabilité:
Les experts recommandent de :
- Diminuer les halos lumineux de 30 à 70 % selon qu'ils soient faibles ou importants et dans la mesure ou leur source est bien dans le périmètre d'étude et de travail; Un travail à plus long terme peut concerner la capacité de réflexion des surfaces éclairées (luminance)] qui contribue aussi au halo. En réduisant le halo on réduit aussi le gaspillage d’électricité en diminuant la lumière inutilement perdue vers le ciel, source par ailleurs d’impacts qui semblent avoir été très sous-estimés pour l’Environnement et vraisemblablement pour la santé.
- Bannir les lampes gaspillant l’énergie et à faible durée de vie, ou émettant dans l’ultraviolet, les lampadaires-boules, les lasers, les canons à lumière, et de manière générale toutes les sources mal fixées et/ou éclairant de bas en haut ou n’éclairant pas exclusivement des éléments d’architecture.
- Asservir à la présence humaine les éclairages de sécurité/alarme et/ou susceptibles d’éclairer les berges, l’eau ou des zones humides, et limiter les effets " clignotants " aux fonctions de sécurité (cf. gêne/fatigue/déclenchement crises d’épilepsie),
- Protéger l'environnement nocturne : Pour les monuments ou éléments du paysage susceptibles d’abriter des espèces sensibles (chauves-souris, rapaces nocturnes, oiseaux cavernicoles et papillons de nuit en particulier), conserver des zones d’ombre et des Corridors biologiques de noir.
- Améliorer la réglementation locale contre les nuisances, les troubles et les atteintes au cadre de vie générés par les publicités lumineuses, les projecteurs à faisceaux mouvants et de manière générale tous les dispositifs préjudiciables à la qualité et à l'équilibre de l'environnement nocturne ou favorisant la lumière intrusive.
Pour le cas des usines SEVESO ou à risque (de déflagration notamment), prendre l’attache de spécialistes et des administrations compétentes.
Rappel : les lampes basse consommation, à Leds notamment, pour les feux tricolores existent aussi. Elles ont permis des économies significatives et ont une très longue durée de vie. Les Leds et la fibreoptique offrent des solutions nouvelles. L'alimentation solaire va sans doute également se développer.
Seuils et limites volontaires de consommation énergétique
Les cahiers des charges peuvent limiter la puissance des lampes, ou le nombre de lux (pour la protection de l’Environnement nocturne). Ils peuvent aussi imposer un certain type de luminaire et de spectre (bafflage minimal de la lampe, spectre sans UV et plutôt dans le jaune par ex), et/ou aussi privilégier une limite en Puissance Electrique Spécifique (PES) en fixant des limites et valeurs cibles en termes de consommation énergétique par mètre (ou kilomètre) de voirie.
Ainsi, en Suisse, pour des voies larges de moins de 10 mètres, la valeur cible de la SAFE [2] est de 2 kW/km, avec un plafond de 3 kW/km (4 à 6 kW/km pour les voies d'une largeur de plus de 10 m).
À titre d'exemple, en France, un diagnostic du réseau d’éclairage public (EP) comprenant 910 points lumineux à Orgeval (78) a donné fin 2006 une PES de 3 à 13 kilowatts/km, selon les voies, indiquant un gaspillage d'énergie par suréclairement. Mais depuis 2001, les PES après rénovation du réseau sont descendues à 3 à 4 kW/km, le seuil de 3 kW/km devenant la règle pour les rénovations/réalisations futures (communales et privées). Ce niveau peut être atteint par la baisse de puissance (matériels efficients) et l'écartement et le positionnement des luminaires et l’absence de fuites de courant.
Législation
Dans la plupart des pays, ces plans n'ont pas ou peu de cadre légal, de cahier des charges minimal.
Quelques villes (ex. : Tucson, USA), quelques pays (Tchéquie, Royaume-Ini…) ou régions (régions italiennes) ont émis des lois ou prescriptions cadrant l'éclairage pour limiter les impacts sur l'observation astronomique et l'environnement nocturne.
Le Royaume-Uni a produit en 2006 une loi incluant les impacts sur la santé, dans le cadre d'un texte plus général sur les nuisances lumineuses.
En 2006, un projet de loi est en préparation mais n'a pas réuni un nombre suffisant de signatures pour être étudié au parlement.