Voici les titres principaux qui constituent la partie musicale du film :
Le compositeur Alex North, initialement retenu par les sociétés de production pour écrire la musique du film, fut mis à l’épreuve par Stanley Kubrick (qui avait déjà sélectionné les célèbres musiques additionnelles). Le réalisateur mit la pression sur le compositeur qui, enfermé de décembre 1967 à janvier 1968 dans un appartement londonien spécialement aménagé, n’en sortit en ambulance que pour livrer quelque 40 minutes de partition. Tout cela en pure perte puisque Kubrick obtint finalement gain de cause avec son choix premier. Néanmoins, en 1993, la Musique pour 2001 d’Alex North fut posthumément enregistrée aux Studios Abbey Road de Londres par The National Philharmonic Orchestra dirigé par Jerry Goldsmith.
Il ne nous est jamais possible d’aborder toutes les composantes de 2001 : L'Odyssée de l'espace, toute sa richesse, d'en épuiser toutes les interprétations. Impalpable, ce film se décèle dans le domaine de l’abstraction, de l’esthétique, et du symbolisme.
« J'ai essayé de créer une expérience visuelle, qui contourne l'entendement et ses constructions verbales, pour pénétrer directement l'inconscient avec son contenu émotionnel et philosophique. J'ai voulu que le film soit une expérience intensément subjective qui atteigne le spectateur à un niveau profond de conscience, juste comme la musique ; « expliquer » une symphonie de Beethoven, ce serait l'émasculer en érigeant une barrière artificielle entre la conception et l'appréciation »
— Stanley Kubrick
« Quand un film a de la substance ou de la subtilité, on ne peut jamais en parler de manière complète. C'est souvent à côté de la plaque et forcément simpliste. La vérité a trop de facettes pour se résumer en cinq lignes. Généralement, si le travail est bon, rien de ce qu'on en dit n'est pertinent »
— Stanley Kubrick
« Vous êtes libres de vous interroger tant que vous voulez sur le sens philosophique et allégorique du film – et une telle interrogation est une indication qu'il a réussi à amener le public à un niveau avancé – mais je ne veux pas donner une grille de lecture précise pour 2001 que tout spectateur se sentirait obligé de suivre de peur de ne pas en saisir la signification. »
— Stanley Kubrick
Bien que Clarke ait participé à la rédaction du scénario, le film porte nettement la patte de Kubrick, notamment de son pessimisme. Ainsi, le premier effet de l'intelligence est, pour notre ancêtre, l'invention d'une arme et un meurtre. Les personnages sont singulièrement inactifs : les astronautes sont totalement sous le contrôle d'un ordinateur, et seul un sursaut permettra au dernier survivant de se sauver au prix d'un nouveau meurtre symbolique. La question de savoir si la fin du film est optimiste ou non est incertaine. Est-ce la préfiguration d'un dépassement de l'espèce humaine (ce que suggère le titre musical Ainsi parlait Zarathoustra) ? D'une évolution ou d'autre chose ?
Du point de vue des avancées technologiques au début du XXIe siècle, 2001 : L'Odyssée de l'espace donne une vision assez optimiste. Dans la représentation de ce qu'étaient au milieu des années 1960 les technologies du futur, Kubrick a poussé la précision et le réalisme à un point qui ne s'était pas encore vu dans un film de science-fiction. Il aurait méticuleusement détruit toutes ses maquettes (ce qui n'est pas sûr puisqu'on voit le vaisseau Explorer 1 dans un épisode de la série Cosmos 1999) avant de proclamer : « Si d'autres veulent faire un film plus réaliste, il faudra qu'ils aillent le tourner sur place. » L'obsédant silence du vide spatial, où l'astronaute, enfermé dans sa combinaison, n'entend que sa propre respiration, joue un rôle de premier plan dans le film. La Guerre des étoiles n'en a pas retenu l'idée, ni même 2010 (la suite de 2001) où l'on entend des bruits d'explosion dans le vide (ce qui est une absurdité du point de vue physique).
La qualité de ce travail et le perfectionnisme du réalisateur ont permis aux effets spéciaux utilisés dans le film de conserver une force qui crée encore aujourd'hui l'illusion. De plus, les thèmes soulevés par ce film : la nature de l'humanité, l'intelligence, notre place dans l'univers, restent toujours d'actualité, plus de quarante ans après sa sortie .
Si 2001 : L'Odyssée de l'espace devait être réduit à une scène emblématique, ce serait sans doute (du moins dans la conscience collective, d'après les nombreuses parodies qu'elle engendra) celle où le singe premier-homme lance en l'air le premier outil de l'humanité (un os) et que celui-ci s'élève (sur la musique de Richard Strauss) puis retombe (sur la musique de Johann Strauss, musicien paradoxalement antérieur au précédent) et se « transforme » soudain en un satellite lanceur d'engins nucléaires flottant dans l'espace et qui semble même « tomber » dans le prolongement de la trajectoire de l'os. La particularité de cette scène tient essentiellement en sa forme (le montage). Cet enchaînement extrêmement simple, puisqu'il n'y a nulle utilisation de transitions (ex : fondu, etc.), peut être qualifié à la fois de brutal et de cohérent. Brutal parce qu'il oppose deux situations très différentes et surtout deux âges très éloignés. Cohérent parce que les formes de ces deux objets sont à l'écran, très semblables et que le mouvement n'est pas rompu. Ce montage est inhabituel puisque traditionnellement, un fondu au noir aurait été utilisé pour signifier le changement de contexte.
Ceci a pour effet d'effectuer un certain rapprochement entre les deux outils, en l'occurrence l'os et le lanceur d'engins nucléaires. La force de cette scène se trouve précisément dans l'ellipse que le réalisateur choisit d'opérer. Ainsi pour Kubrick les millions d'années d'évolution de l'homme ne représentent qu'une fraction de seconde. Toute cette évolution n'est qu'une transition qui a permis à l'homme de passer des premières inventions à la marche sur la Lune, étape jugée comme révélatrice de maturité puisque c'est ici que l'on découvre le monolithe. L'homme n'évolue donc, dans 2001, que par paliers successifs.
Il est intéressant de remarquer la forte valeur attribuée aux formes dans ce film, deux modèles ressortent principalement de cette observation : le cercle et le rectangle. Le cercle semble représenter ce qui se rapporte à l’homme, notons par exemple l’œil du héros filmé en gros plan, les premiers hommes qui forment un cercle autour du point d’eau ou le fœtus astral. De même, au niveau des réalisations techniques, la station orbitale est composée de deux gigantesques roues qui tournent harmonieusement dans le vide, la partie habitable du vaisseau Discovery est de forme cylindrique et beaucoup de vaisseaux (comme les Pods) sont sphériques. La forme rectangulaire prend, quant à elle, une signification que l'on peut associer au monolithe. Ce parfait parallélépipède rectangle, symbole évolutif, peut nous amener à percevoir la forme rectangulaire comme la représentation de l'intelligence supérieure. Dès lors, un détail révèle toute son importance concernant l’interface de l’ordinateur HAL. Celui-ci communique avec les astronautes par un objectif circulaire encadré d'un rectangle aux proportions du monolithe. Ainsi on peut concevoir HAL comme un intermédiaire entre l’homme et l’entité supérieure.
La dualité, idée récurrente dans les œuvres de Stanley Kubrick (la dualité présente en chaque homme et qui en fait un être pouvant choisir) le plus souvent représentée par les célèbres parquets noir et blanc dans ses films, se retrouve dans 2001 d'une manière inattendue. En effet Kubrick choisit ici de filmer les deux principaux astronautes de Discovery d'une manière spécifique. Ainsi ces deux héros ne se rencontrent presque jamais dans 2001 (alors qu'ils sont pourtant sur le même vaisseau !) et même lors de l'une de leurs rares discussions, celle qu'ils tiennent en mangeant, ils ne se regardent pas une seule fois. Kubrick va même plus loin dans les scènes de sortie dans l'espace. Il est alors très intéressant de remarquer que leurs positions semblent s'inverser parfaitement lors de la deuxième sortie. En effet lors de la première, c'est Dave qui va chercher la balise radio dans un Pod pendant que Franck l'assiste depuis le vaisseau avec l'aide de HAL. Puis quand HAL propose d'aller replacer la balise à sa place, les rôles s'inversent : Franck sort avec le Pod et Dave l'assiste de la même manière. De plus, coïncidence encore plus troublante, les gestes des deux héros pour aller chercher la balise sont sensiblement identiques. Enfin dernier indice, alors que l'un est gaucher, l'autre est droitier. On le remarque de façon très nette lors de la scène où les deux astronautes mangent l'un à côté de l'autre en regardant chacun leur interview sur des écrans positionnés sur la table : lors de cette prise, si on prend pour axe de symétrie l'axe qui coupe la table dans sa largeur, tous les objets, même les acteurs et leur raie sur le côté, sont disposés de façon parfaitement symétrique de part et d'autre de l'axe. Certains critiques ont même avancé l'idée que ces deux héros n'en formeraient qu'un. Mis à part ces théories, il est cependant évident que Kubrick exprime une fois de plus son obsession de la dualité humaine.
« Bowman et Poole se comportent durant leur voyage comme d'étranges miroirs l'un de l'autre (...) Kubrick a d'ailleurs choisi intentionnellement deux acteurs qui se ressemblent extrêmement. »
Il est aussi intéressant de remarquer que, dans cette dualité, Kubrick réserve généralement la partie gauche de l'écran (celle tournée vers le passé) à Franck et la partie droite (celle de l'avenir, de la progression chronologique) à Dave. Ceci peut être vu comme une annonce de la fin du film : Dave est l'humain qui va passer au stade d'évolution suivant, qui va atteindre le rang de « fœtus astral » et dépasser son statut d'homme. Le fait que Dave soit l'« élu » est aussi prévisible dans le sens où il est le seul personnage principal à ne pas être encore lié à la Terre : Floyd parle depuis l'espace à sa fille, Franck à ses parents mais Dave, lui, semble seul.
Comme Michel Chion le fait remarquer dans son livre, il existe un passage précis où le spectateur assiste au changement de comportement de HAL 9000 qui annonce sa future tentative de tuer les astronautes. Cette scène est celle où HAL questionne Bowman sur sa motivation et ses craintes concernant leur mission. Après quelques phrases échangées, Bowman demande à HAL si ces questions ont pour but de permettre à l'ordinateur de préparer un rapport psychologique. Après quelques instants, HAL le reconnaît et s'en excuse. C'est à partir de ce moment que les deux astronautes vont commencer à se méfier de HAL et que celui-ci va chercher à les éliminer. Il s'est produit dans cette scène un véritable changement dans l'attitude de la machine. Le spectateur peut ressentir cette rupture dans les longues secondes où HAL a hésité avant de donner sa réponse. Une sorte de malaise s'installe dans l'esprit du spectateur car ce temps d'attente n'est pas normal étant donné qu'une machine ne peut pas hésiter mais seulement calculer ou répondre rationnellement. Il s'est donc produit une véritable rupture sous les yeux du spectateur et cela s'est fait par un silence.