Une chaîne de désintégration, ou chaîne radioactive, ou désintégration en cascade, ou encore filiation radioactive, désigne une série de désintégrations, apparaissant par transformation spontanée d'un radioisotope instable, permettant d'arriver à un élément chimique dont le noyau atomique est stable (c'est-à-dire non radioactif). Le plomb est généralement le point stable auquel les chaînes de désintégration s'arrêtent.
Dans une chaîne de désintégration, le noyau instable appelé « mère » est stabilisé par une succession de désintégrations. Chaque étape est caractérisée par un état intermédiaire correspondant à un radionucléide appelé « fille » de l'élément mère. Une chaîne de désintégration peut être représentée graphiquement par un schéma de désintégration, particulièrement utile lorsque la chaîne est complexe.
Lors d'une désintégration simple, l'élément radioactif subit différents modes de désintégration : il peut émettre un rayonnement α, β+ ou β-, et se transforme en un autre élément appelé produit de désintégration. Le rayonnement α consiste en l'émission d'un noyau d'hélium, constitué de deux neutrons et deux protons ; le rayonnement β- consiste en l'émission d'un électron (chargé négativement) ; le rayonnement β+ par celle d'un positron (ou anti-électron, chargé positivement).
À échelle des temps géologiques, c'est le radionucléide dont la demi-vie est la plus longue qui domine la chaîne. Quand ses descendants sont à l'équilibre, le nombre d'atomes d'un descendant dans le minerai est pratiquement proportionnel à sa demi-vie. Ainsi, accompagnant de l'uranium 238 (4500x106 ans), on trouve toujours à l'équilibre dynamique une faible proportion de son descendant l'uranium 234 (0,25×106 ans) dans une proportion de 0.25/4500=0,0056 %. Mais l'activité d'un radionucléide étant inversement proportionnelle à sa durée de vie, chaque maillon de la chaîne a finalement la même contribution en termes de nombre de désintégration par seconde (becquerel) : l'activité globale d'une chaîne de désintégration à l'équilibre est celle de son maillon dominant, multipliée par le nombre d'étapes de la chaîne. En particulier, pour un minerai d'uranium (majoritairement 238U), la radioactivité due au radon est du même niveau que celle due à l'uranium proprement dit, c'est-à-dire 7 % de la radioactivité globale (parce que la chaîne de désintégration a quatorze étapes).
Pour certains éléments il peut se produire spontanément non pas une désintégration, mais une fission nucléaire, initialisant plusieurs chaînes de désintégration. Par exemple, l'uranium 235 se transforme dans une très faible proportion en deux produits de fission en émettant quelques neutrons. Un autre exemple est constitué par le californium 252, pour lequel le taux de fission spontanée est d'environ 3 %.
Il n'y a que quatre chaînes de désintégration, compte tenu du mode de décroissance des actinides : la radioactivité α fait perdre quatre nucléons, tandis que la radioactivité β- (et le cas échéant, la radioactivité β+) ne modifie pas le nombre de nucléons. Pour cette raison, pratiquement toutes les désintégrations radioactives conduiront à un radionucléide dont le nombre de nucléons reste constant modulo quatre.
Trois de ces chaînes se rencontrent dans la nature : celles de l'uranium 235, de l'uranium 238, et du thorium 232. La quatrième chaîne, celle du neptunium 237, ne comporte que des radionucléides artificiels. Ces chaînes se prolongent en amont par les actinides artificiels transuraniens, plus lourds et plus instables.
Le plutonium 240 est produit en réacteur à partir du plutonium 239, par capture neutronique. La proportion de plutonium 240 dans les produits d'activation de l'uranium sera d'autant plus élevée qu'il aura subi une irradiation prolongée en réacteur. À long terme, la radioactivité du Pu 240 est dominée d'abord par l'uranium 236, et à échelle de temps géologique, par le thorium 232, quasiment stable (il est présent dans l'écorce terrestre en quantité quatre fois plus importante que l'uranium).
Élément chimique | Rayonnement | Demi-vie | |
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Plutonium 240 | 240Pu | Radioactivité α | 6 560 ans |
Uranium 236 | 236U | Radioactivité α | 23 millions d'années |
Thorium 232 | 232Th | Radioactivité α | 14,05×109 a |
Radium 228 | 228Ra | Radioactivité β- | 5,75 ans |
Actinium 228 | 228Ac | Radioactivité β- | 6,15 heures |
Thorium 228 | 228Th | Radioactivité α | 1,19 an |
Radium 224 | 224Ra | Radioactivité α | 3,63 jours |
Radon 220 | 220Rn | Radioactivité α | 55,6 s |
Polonium 216 | 216Po | Radioactivité α | 0,145 s |
Plomb 212 | 212Pb | Radioactivité β- | 10,64 h |
Bismuth 212 | 212Bi | Radioactivité β- | 60,55 min |
Polonium 212 | 212Po | Radioactivité α | 0,3 μs |
Plomb 208 | 208Pb | Stable | - |
Cette série est entièrement artificielle. La durée de vie de cette série est insuffisante pour que l'on en trouve des traces minéralogiques.
Le plutonium 241 est un isotope fissile, mais rarement utilisé séparément en raison de la difficulté à le produire en grande quantité, du coût élevé de sa production, de sa demi-vie brève, et de sa radioactivité plus élevée que celle du plutonium 239. Le plutonium 241 possède un descendant radiotoxique, l'américium 241, qui, s'il s'accumule dans les tissus, en particulier les reins et les os, y crée un danger semblable à celui du plutonium.
À long terme (échelle du millénaire) la radioactivité du plutonium 241 est dominée par son descendant le neptunium 237, dont la demi-vie est de 2 millions d'années.
Élément chimique | Rayonnement | Demi-vie | |
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Plutonium 241 | 241Pu | Radioactivité β | 14,4 ans |
Américium 241 | 241Am | Radioactivité α | 432,7 ans |
Neptunium 237 | 237Np | Radioactivité α | 2 140 000 ans |
Protactinium 233 | 233Pa | Radioactivité β | 27 j |
Uranium 233 | 233U | Radioactivité α | 159 000 ans |
Thorium 229 | 229Th | Radioactivité α | 75 400 ans |
Radium 225 | 225Ra | Radioactivité β | 14,9 j |
Actinium 225 | 225Ac | Radioactivité α | 10 j |
Francium 221 | 221Fr | Radioactivité α | 4,8 min |
Astate 217 | 217At | Radioactivité α | 32 ms |
Bismuth 213 | 213Bi | Radioactivité α | 46,5 min |
Thallium 209 | 209Tl | Radioactivité β | 2,2 min |
Plomb 209 | 209Pb | Radioactivité β | 3,25 h |
Bismuth 209 | 209Bi | Radioactivité α | ~19×1018 a |
Thallium 205 | 205Tl | stable |
L'uranium 238 est l'isotope d'uranium qui représente plus de 99,3 % de l'uranium naturel, il se désintègre naturellement en plomb 206, stable et non radioactif. Parmi les descendants de l'uranium 238, le radon est un gaz radiotoxique qui peut provoquer le cancer du poumon en cas d'inhalation.
Élément chimique | Mode de désintégration | Observable en spectrométrie gamma | Demi-vie | |
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Uranium 238 | 238U | Radioactivité α | ~4,5 milliards d'années | |
Thorium 234 | 234Th | Radioactivité β | oui | 24 j |
Protactinium 234 | 234Pa | Radioactivité β | oui | 1,2 min |
Uranium 234 | 234U | Radioactivité α | 250 000 ans | |
Thorium 230 | 230Th | Radioactivité α | oui | 75 000 ans |
Radium 226 | 226Ra | Radioactivité α | oui | 1 600 ans |
Radon 222 | 222Rn | Radioactivité α | 3,8 j | |
Polonium 218 | 218Po | Radioactivité α | 3 min | |
Plomb 214 | 214Pb | Radioactivité β | oui | 27 min |
Bismuth 214 | 214Bi | Radioactivité β | oui | 20 min |
Polonium 214 | 214Po | Radioactivité α | 160 μs | |
Plomb 210 | 210Pb | Radioactivité β | oui | 22,3 ans |
Bismuth 210 | 210Bi | Radioactivité β | 5 j | |
Polonium 210 | 210Po | Radioactivité α | 138 j | |
Plomb 206 | 206Pb | stable |
La longue demi-vie de l'uranium 238 explique qu'on en trouve encore sur Terre à l'état naturel et qu'il n'ait pas encore été complètement transformé en plomb.
Le plutonium 239 est un métal lourd artificiel, utilisé pour fabriquer des têtes nucléaires et du combustible MOX. Le plutonium 239 est aussi contenu dans certains déchets radioactifs, il est cependant difficile à détecter.
Il se désintègre dans sa première étape en uranium 235, qui est 30 000 fois moins radioactif que lui : en première approximation, le plutonium 239 se convertit en uranium 235 qui est un élément fissile et présent à 0,73 % de l'uranium à l'état naturel. La chaîne de désintégration du plutonium 239 se confond ensuite avec celle de l'uranium 235. Une chaîne de désintégration simplifiée du plutonium 239 est illustrée ci-dessous.
Élément chimique | Rayonnement | Demi-vie | |
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Plutonium 239 | 239Pu | Radioactivité α | 24 110 ans |
Uranium 235 | 235U | Radioactivité α | 704 000 000 ans |
Thorium 231 | 231Th | Radioactivité β | 25,2 h |
Protactinium 231 | 231Pa | Radioactivité α | 32 700 ans |
Actinium 227 | 227Ac | Radioactivité β | 21,8 ans |
Thorium 227 | 227Th | Radioactivité α | 18,72 j |
Radium 223 | 223Ra | Radioactivité α | 11,43 j |
Radon 219 | 219Rn | Radioactivité α | 3,96 s |
Polonium 215 | 215Po | Radioactivité α | 1,78 ms |
Plomb 211 | 211Pb | Radioactivité β | 36,1 min |
Bismuth 211 | 211Bi | Radioactivité α | 2,15 min |
Thallium 207 | 207Tl | Radioactivité β | 4,77 min |
Plomb 207 | 207Pb | stable |
Cette chaîne présente trois diverticules où les désintégrations successives α et β- sont inversées :