La neutronique est l'étude du cheminement des neutrons dans la matière et des réactions qu'ils y induisent, en particulier la génération de puissance par la fission de noyaux d'atomes lourds. Entre autres, la neutronique permet d'étudier les flux de neutrons (nombre de neutrons par unité de surface et par unité de temps : n/cm²/s), de la réactivité du milieu (ce paramètre permet de rendre compte de l'auto-entretien des réactions nucléaires) et des taux de réactions (fission, absorption, diffusion) dans les milieux. Les études de neutroniques sont à la base du fonctionnement des réacteurs nucléaires à fissions contrôlées tels que les réacteurs à eau sous pression (REP) utilisés par EDF ou les réacteurs à neutrons rapides (RNR) pour produire de l'énergie et la délivrer sous forme électrique.
La neutronique est une branche de la physique qui a la particularité d'être intermédiaire entre des phénomènes microscopiques, à l'échelle atomique (Angström), et des phénomènes macroscopiques, à l'échelle d'un cœur de réacteur nucléaire (Mètre). Fondamentalement, c'est la description d'interaction des particules élémentaires que sont les neutrons avec les noyaux des atomes de la matière. Sur le principe physique, la neutronique dérive donc de la physique nucléaire. Cependant, la population de neutrons étant très nombreuse (de l'ordre de 108 neutrons libre par cm3 dans un REP), on est amené à traiter les interactions neutrons/noyaux de manière globale en l'assimilant à un fluide comme en mécanique des fluides. L'étude de la neutronique se ramène alors au traitement de l'équation de Boltzmann (voir Ludwig Boltzmann) pour les neutrons.
Les principales réactions neutron-matières sont :
On suppose que le seul matériau fissile est 235U. Les nombres indiqués sont des ordres de grandeur. 100 fissions d'uranium 235 libèrent en moyenne 250 neutrons, qui donnent lieu aux réactions suivantes :
On suppose que le seul matériau fissile est 239Pu. 100 fissions de 239Pu libèrent en moyenne près de 300 neutrons. Ces neutrons vont subir les réactions suivantes :
Calculons dans les deux cas le taux de régénération TR, soit par définition le rapport du nombre de noyaux fissiles produits par capture fertile au nombre de noyaux fissiles détruits par fission et capture stérile. Pour un REP, on obtient TR=0,6. Pour Superphénix, on obtient 0,8 en ne comptant que le cœur et 1,25 en comptant les couvertures. On voit donc qu'un réacteur tel que Superphénix est surgénérateur grâce à la présence de couvertures. À l'inverse, entourer un REP de couvertures ne servirait à rien, étant donné le faible nombre de neutrons qui fuient hors du cœur.
Pour obtenir un surgénérateur, on voit donc qu'il faut favoriser la transmutation de 238U en 239Pu dans les couvertures, sous l'effet du flux neutronique. La probabilité d'une telle réaction est donnée par sa section efficace, laquelle dépend de la vitesse du neutron incident. Un neutron issu d'une réaction de fission a une énergie moyenne de 2 MeV. À cette vitesse, la section efficace de la réaction cherchée est d'environ 1 barn. Cependant, pour une énergie comprise entre 5 et 5000 eV, la section efficace devient énorme, de plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers de barns. Il s'agit d'un phénomène de résonance, car si l'on continue à diminuer la vitesse du neutron (l'énergie d'un neutron thermique à 400°C est comprise entre 10-2 et 10-1 eV), la section efficace retrouve des valeurs faibles. Par conséquent, en utilisant des neutrons thermiques, comme dans un REP, on n'a aucune chance de favoriser la transmutation de l'uranium. Par contre, des neutrons non ralentis, en perdant de l'énergie dans des collisions inélastiques avec 238U, passent progressivement d'une vitesse de l'ordre de 2 MeV à une vitesse favorable à la transmutation. C'est là tout l'intérêt des réacteurs à neutrons rapides (RNR) tels que Superphénix.
L'utilisation de neutrons rapides a d'ailleurs un autre avantage. En effet, pour des vitesses de l'ordre du keV, les réactions intempestives de capture stérile des neutrons par des noyaux de la structure du cœur est de l'ordre du barn, alors qu'elle est de plusieurs centaines de barns pour des neutrons thermiques. La conception d'un RNR est donc moins limitative en termes de choix de matériaux que celle d'un REP.
Pour autant, le phénomène physique qui justifie dans les REP l'utilisation de neutrons thermiques se retrouve dans les RNR. À une vitesse de l'ordre du keV, un neutron n'induit la fission d'un noyau de 235U ou de 239Pu qu'avec une section efficace de l'ordre du barn. À l'inverse, l'emploi d'un neutron thermique hausse la même section efficace à plusieurs centaines de barns. L'utilisation de neutrons rapides doit donc compenser une faible section efficace de fission par une importante densité en plutonium fissile.
Dans les réacteurs à neutrons thermiques, la majorité de l'énergie est fournie par l'uranium 235, directement fissible mais présent seulement à 0,7 % dans l'uranium naturel. La filière des RNR promettrait donc d'obtenir au final environ 100 fois plus d'énergie à partir d'une même masse initiale de matière fissile.