Controverses du cartésianisme - Définition

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Querelles philosophiques

Je pense ou ça pense ?

Le cogito est au fondement de la doctrine cartésienne :

« Et remarquant que cette vérité : "je pense, donc je suis", était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeais que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. »

Pour Hobbes comme pour Gassendi, la conscience de la pensée n'assure pas nécessairent l'existence d'un ego. Ce qui pense, en soi, est-ce pour autant soi ? Ces critiques sont d'ordre nominaliste ou théologiques,

La critique nomminaliste de Gassendi

Le raisonnement cartésien "tout ce qui pense est, or je pense, donc je suis, repose d'après le "bon prêtre" de Digne sur une hypothèse non formulée. Descartes écarte cet argument avec mépris, la certitude d'être devant primer selon lui sur tout autre formalisation du raisonnement. Gassendi précise alors sa pensée:

« vous concluez que cette proposition : je suis, j'existe, autant de fois que vous la proférez ou que vous la concevez en votre esprit, est nécessairement vraie. Mais je ne vois pas que vous ayez eu besoin d'un si grand appareil, puisque d'ailleurs vous étiez déjà certainde votre existence, et que vous pouviez inférer la même chose de quelque autre que ce fût de vos actions, étant manifeste par la lumière naturelle que tout ce qui agit est ou existe. »

Descartes répond négativemnt. Pour lui « je me promène, donc je suis » serait ne serait pas d'une aussi grande certitude que « Je pense, donc je suis ».

La démarche de Gassendi consiste en une toute autre approche de la philosophie que le cartésianisme. Elle est d'abord nominaliste, au sens double où seuls les concepts sont universels et Il n'y a d'existence que singulière. Ce point de vue réduit la philosophie des catégories substantialistes à néant, évacue la métaphysique et réclame dès lors de ne faire porter les raisonnements que sur la physique. Dans ce domaine, Gassend adopte le point de vue de Démocrite et d'Epicure ; l'épicurisme de Gassend est la solution aux apories que révèle son nominalisme. Il en retient la théorie corpusculaire et l'interprétation de la lumière. Contrairement à Descartes, pour qui le propre de la matière est l'étendue et qui en tient pour la théorie des quatre éléments, Gassend relie la nature de la matière à son impénétrabilité. Il s'oppose donc à Descartes sur l'existence du vide, mais plus profondément sur la consistance de toute la philosophie cartésienne.

Pour Gassendi, tout le savoir provient de l'expérience sensible ; il rejette les idées innées, et s'accorde avec la méthode expérimentale de Blaise Pascal. Fidèle à l'érudition des savants de la première moitié du XVIIe siècle, il s'oppose donc naturellement au tabula rasa cartésien.

Enfin, à l'opposée des certitudes du philosophe de la Haye, Pierre Gassendi maintient un scepticisme curieux. Alors que Descartes explique l'Univers par sa vision mécaniste, Gassend y devine une complexité sensible due à l'interaction des atomes et du vide. Il demande à Descartes par quel mécanisme une âme immatérielle pourrait mouvoir un corps matériel ; questions qui irritent le philosophe de la Haye. D'autre part, Gassendi voudrait que soit reconnu à l'imagination une place aussi importante que celle de la raison ; que le doute cartésien demeure un doute sceptique et non une simple prétérition du discours. Leur querelle oppose deux philosophes d'égales renommée à l'époque mais Descartes en retour le traite avec mépris de philosophe charnel, de disciple d'Epicure. Dans ses lettres, il l'appelle mon très chair ou « bonne grosse bête », selon Tannery et Adam « ô Caro optima » dans le texte... À ce jeu, Gassendi gagne l'avantage car, selon le mot d'Adolphe Franck, il sait mieux que Descartes, railler sans blesser

Hobbes

La seconde controverse entre Hobbes et Descartes s'ouvre sur la nature de la substance, corporelle ou matérielle, la nature du sujet et les facultés de DIeu lors de la publication des Méditations métaphysiques. Elle s'envenime du fait que les deux philosophes s'accusent mutuellement de vouloir conquérir une gloire imméritée et se soupçonnent de plagiat. Cette concurrence bénéficie à l'œuvre de Thomas Hobbes, qui de ce fait radicalise ses positions et les érige en système à la lecture de Descartes. La querelle se double probablement d'une difficulté sémantique, esprit et mind ne recouvrant pas en français et en anglais tout à fait le même champ lexical. Hobbes, comme Gassendi range l'imagination parmi les facultés de l'esprit ; Descartes l'exclut, mais surtout, pour Hobbes, la pensée n'est que le mouvement du corps. Mersenne, qui a transmis les Méditations à Hobbes, renvoie ses commentaires à Descartes et par prudence préserve son anonymat ; il se contente de le mentionner comme le "philosophe anglais". Dans ses Objections, Hobbes reproche à Descartes un glissement sémantique de “je suis pensant”, à “je suis pensée”. Selon le même raisonnement, “je me promène” (sum ambulans) deviendrait “je suis une promenade” (sum ambulatio) affirme-t-il. Cette objection agace Descartes, qui demande explicitement à Mersenne de ne plus avoir de contact avec son "anglois" :

Plus fondamentalement, la représentation du monde est au centre de la conception de Hobbes, les questions du cogito sont, pour Hobbes, des questions préalablement linguistiques. Alors que pour Descartes, la vérité est son propre signe, la signification universelle présuppose, pour Hobbes, l'existence d'un espace du langage et de locuteurs. Aristote et Descartes constituent à ses yeux les différentes fictions de l'âme spirituelle. Pour lui, on ne peut faire l'économie d'une critique historique du langage quand on prétend libérer le cerveau de ses "fictions".

Les animaux-machines

La théorie cartésienne de l'âme

Pour Descartes, les animaux n'ont pas d'âme. Ce sont de pures mécaniques. Il écrit au Marquis de Newcastle, le 23 novembre 1646 : "Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas, car cela même sert à prouver qu'elles agissent naturellement par ressorts ainsi qu'une horloge, laquelle montre bien mieux l'heure que notre jugement ne nous l'enseigne"

Objections de Gassendi

Pour Gassendi, tout le savoir provient de l'expérience sensible. Son courant de pensée tient du phénoménalisme et de l'éclectisme. Gassendi est un rationaliste et un pragmatique. La théorie des animaux machines le choque : un animal a une petite âme, écrit-il, (pour ajouter aussitôt : Pas aussi grande que celle des hommes). Il marque ainsi sa préférence pour les idées de Hobbes, qu'il admire pour la force et la liberté de sa pensée. Plus généralement, chez Gassendi toute la matière est traversée de spiritualité... Sa profession de foi atomiste lui ayant attiré de sévères critiques de la part de Campanella. Il a nuancé son matérialisme en supposant les atomes sensibles... Pour lui, la matière est active ; ce qu'on a pu appeler un matérialisme dynamique. Il défend ce point de vue dans trois ouvrages :

  • De Vita, moribus et doctrina Epicuri libri octo (Lyon, 1647, in-4),
  • De Vita, moribus et placitis Epicuri, seu Animadversiones in librum X Diogenis Laertii (Lyon, 1649, in-fol.; dern. édit., 1675)
  • Syntagma philosophiae Epicuri (Lyon, 1649, in-4; Amsterdam, 1684, in-4).

Ce système, où les atomes sont mortels, mais l'âme non, est le ferment qui donnera naissance au sensualisme de Locke et de Condillac.

On retrouve des traces de cette opposition dans l'enseignement de Jacques Rohault et le traité de physique d'Hercule-Savinien Cyrano de Bergerac

Objections de Hobbes

La querelle des animaux-machines oppose Hobbes et Descartes sur la même ligne de fracture que Gassendi. Pour Hobbes, l'animal même est doué de sensibilité, d'affectivité, d'imagination, de prudence. Au delà des animaux, cette dispute renvoie en fait à la conception même de la philosophide de Hobbes. Elle se retrouve dans le Leviathan ; le monstre étatique, mécanique, est lui aussi doué de souveraineté, donc d'une âme artificielle, ce que Descartes n'admet pas, voulant réserver ce concept aux seuls hommes.

Les idées innées

La seconde querelle d'Utrecht avec Regius

Pendant la querelle d'Utrecht, Henricus Regius tente de publier ses propres réflexions sur la physique et sur la philosophie naturelle. Il en est à chaque fois fermement dissuadé par son maître (Descartes est de deux ans son aîné). Regius, en effet, lorsqu'il expose la "Méthode" s'écarte de la philosophie officielle de Descartes sur deux points essentiels : pour Regius l'âme n'est pas une substance propre, elle n'est que la forme du corps et la pensée peut s'expliquer par des voies mécaniques, comme le mouvement ou la digestion. Pour lui, ce sont les vues intimes de Descartes et il se plaint qu'elles différent de ce que Descartes a publié (en cela il rejoint les critiques de leurs opposants, Voetius et son élève, Martin Schoock). Descartes refuse cette lecture matérialiste de sa philosophie (soit par prudence et dissimulation comme l'en accuse Voetius et le confirme Adrien Baillet; soit parce que sa pensée est plus religieuse qu'il n'y a longtemps paru). Regius refuse cependant de se plier à l'ordre de présentation "cartésien". Selon lui, le philosophe s'est discrédité en publiant ses "Meditations". De son côté, Descartes craint que cette liberté prise avec ses écrits n'évacue toute métaphysique de son œuvre. Leur opposition devient inévitable.

En 1646, la publication par Regius de Fundamenta physices marque la fin de leur collaboration. Il s'agit clairement d'une alternative matérialiste à la métaphysique et à l'épistémée cartésienne. Un élève de Descartes, Tobias Andreœ, est chargé de développer ses arguments. En 1648, Descartes publie contre Regius : , Notes sur un Certain Manifeste. Regius y répond dans : une brève explication de l'esprit humain. En 1649, Descartes publie Les Passions de l'Ame, qui sonnent comme une dernière réponse à Régius. Parallèlement, Regius va encore plus loin dans sa différence avec Descartes ; jusqu'à nier les idées innées, y compris l'idée de Dieu (si essentielle à Descartes), qu'il explique comme « résultant de l'observation du monde, ou de ce que les autres nous en ont transmis ». Il affirme que tout, sauf ce qui est dans les Écritures" est un acquis de l'expérience. Enfin sur les attributs de Dieu que, s'il existe, il existe de façon nécessaire plutôt que contingente car en tout cas il ne serait pas capable de ne pas exister. La seule preuve qu'il laisse à cette existence étant l'expérience de la révélation.

Déjà en 1648, la connexion entre l'esprit et le corps de l'homme n'était-elle plus chez lui accidentelle comme en 1641, mais définitivement "organique".

« L'esprit humain, quoique ce soit une substance distincte du corps, est cependant organique dans toutes ses actions, du moins pendant qu'il réside dans le corps… Il ne peut accomplir aucune de ses actions sans le secours d'organes corporels. »

En 1654, quatre ans après la mort du philosophe (Descartes aurait regretté de s'être querellé avec Regius sur son lit de mort d'après le témoignage de Robert Creighton), Regius se débarrasse définitivement de l'idée de pur intellect.

Les objections d'Hobbes et de Gassendi

Pour eux, il n'y a pas d'idées innées, car celles-ci devraient demeurer perpétuellement présentes à l'esprit. Descartes répond à cette objection en nommant faculté innée la possibilité d'émettre des idées que n'a pas enseignées l'expérience.

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