Dystopie - Définition

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Introduction

Une dystopie — ou contre-utopie — est un récit de fiction peignant une société imaginaire, organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur, et contre l'avènement de laquelle l'auteur entend mettre en garde le lecteur. La dystopie s'oppose à l'utopie : au lieu de présenter un monde parfait, la dystopie propose le pire qui soit. La différence entre dystopie et utopie tient moins au contenu (car après examen, nombre d'utopies positives peuvent se révéler effrayantes) qu'à la forme littéraire et à l'intention de son auteur.

Cette forme littéraire a été rendue célèbre par Le Meilleur des mondes (1932) d'Aldous Huxley, La Kallocaïne de Karin Boye (1940), 1984 (1948) de George Orwell, Fahrenheit 451 (1954) de Ray Bradbury, Nous autres (1920) de Ievgueni Zamiatine et, dans une moindre mesure, par Les Fils de l'homme (1992) de Phyllis Dorothy James.

Les mondes parfois terrifiants décrits dans ces romans ont laissé à penser qu'une dystopie était, par définition, la description d'une dictature sans égard pour les libertés fondamentales. L'impact que ces romans ont eu sur la science-fiction a souvent amené à qualifier de dystopie tout texte d'anticipation sociale décrivant un avenir sombre.

Etymologie du mot dystopie

Le mot dystopie vient de l'anglais dystopia, qui a été formé par l'association du préfixe dys- et du radical d'origine grecque, τόπος (« lieu »). Cette association a été conçue pour rappeler le terme utopie, auquel il s'oppose.

Le préfixe dys- est emprunté au grec δυσ-, et signifie négation, malformation, mauvais, erroné, difficile. Il a surtout une valeur péjorative. Il s'oppose ainsi clairement au préfixe εὖ- (« heureux ») que Thomas More avait en vue lorsqu'il a forgé le mot utopia. (« Utopia » constitue en effet une sorte de jeu de mots : la prononciation anglaise de l'époque ne distingue pas la prononciation des préfixes εὖ- (« heureux ») et οὐ- (« négation », « inexistence »). L'utopie est donc étymologiquement un lieu heureux et un lieu inexistant). D'un point de vue étymologique, dystopie signifie donc « mauvais lieu », « lieu néfaste », un lieu en tout cas connoté négativement.

La première utilisation du terme dystopia est habituellement attribuée à John Stuart Mill, dans un discours de 1868 au parlement britannique.

La dystopie : une mise en perspective de l'utopie

Points communs entre utopie et dystopie

Les univers utopiques et contre-utopiques ont en commun de ne pas être simplement des mondes imaginaires. Ils sont le résultat d'un projet politique. Ce projet vise à rendre possible un idéal : idéal d'égalité dans l'utopie collectiviste de Thomas More ou dans celle de Campanella, idéal de pouvoir absolu dans 1984, idéal d'ordre et de rationalité dans Nous Autres. L'idéal de bonheur est peut-être un peu plus ambigu. Il est défini comme la suppression de toute souffrance dans Le Meilleur des Mondes, et comme la sécurité et la stabilité dans Un bonheur insoutenable d'Ira Levin.
Les sociétés décrites dans les utopies aussi bien que dans les contre-utopies ont pour caractéristique d'être « parfaites ».

« Certes, ce Taylor était le plus génial des anciens. Il est vrai, malgré tout, qu'il n'a pas su penser son idée jusqu'au bout et étendre son système à toute la vie, à chaque pas, à chaque mouvement. »

— Zamiatine, Nous autres, p. 64

Leur perfection tient en ce que d'une part, elles réalisent parfaitement l'idéal qu'elles se sont assignées (égalité parfaite chez More, oppression parfaite chez Orwell et bonheur parfait chez Huxley) et que, d'autre part, elles sont inaltérables. En effet, un monde parfait ne saurait être menacé ou provisoire et se doit d'être, d'une manière relative du moins, éternel. Le principal défi posé à l'utopiste consiste, en effet, à empêcher toute possibilité de retour en arrière.

Passage du descriptif au narratif

Les nombreuses utopies créées depuis la Renaissance (La Cité du Soleil de Campanella, L'Utopie de Thomas More, La Nouvelle Atlantide de Francis Bacon et bien d'autres encore) sont des textes de type descriptif, voire philosophique. Ils débutent assez souvent par une courte partie narrative où un voyageur raconte comment il a abordé les terres inconnues qu'il décrit ensuite en détail. Il n'y a pas d'action dans une utopie, ce qui est d'ailleurs bien naturel car que pourrait-il s'y passer ?

À l'inverse, les contre-utopies sont des romans ou des récits. Le monde de 1984 ou de Nous Autres ne nous apparaît qu'au travers d'une intrigue et de personnages. Le plus souvent, la nature réelle de l'univers d'une contre-utopie ainsi que les intentions profondes de ceux qui la dirigent ou l'ont créée n'apparaissent que très progressivement au lecteur.

Le sens de la contre-utopie, en tant que genre s'opposant à l'utopie, réside davantage dans ce changement de type textuel que dans la nature des univers décrits. À l'exception notable de 1984 qui décrit un monde maléfique de par son projet même, les univers contre-utopiques se distinguent assez peu de leurs pendants utopiques : les deux sont également motivés par la recherche du bonheur de tous. Seul le point de vue change.

Passage du collectif à l'individuel

Les utopies classiques portent leur regard sur la construction sociale, politique et culturelle dans son ensemble. Le cas des individus ne trouvant pas leur bonheur dans un tel monde, ou refusant d'en suivre les règles, est considéré comme un problème marginal. Thomas More envisage par exemple l'éventualité que des citoyens de son île refusent de se plier aux règles communes et propose que ceux-ci soient condamnés à l'esclavage. Il ne considère pourtant pas cette impossibilité d'intégrer tout le monde à sa société parfaite comme une faille à l'ensemble de son système.
À l'inverse, les contre-utopies sont des romans dont les personnages principaux sont justement des inadaptés qui refusent ou ne peuvent se fondre dans la société où ils vivent.

La contre-utopie n'est donc pas tant une utopie maléfique qu'une utopie classique vue sous un angle différent : celui de l'individu.

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