Louis Isadore Kahn, né le 20 février 1901 et décédé le 17 mars 1974, était un architecte américain. Né sur l'île estonienne d'Osel, aujourd'hui Saaremaa, il avait quatre ans lorsque sa famille émigra aux États-Unis, pour vivre dans un quartier pauvre de la périphérie de Philadelphie. Il fut naturalisé américain le 15 mai 1914.
Doué pour le dessin et la musique, il obtient une bourse lui permettant de suivre des études de dessin parallèlement à l'école publique et d'entrer à l'école d'architecture de l'université de Pennsylvanie dans les années 1920. Il y suit les cours d'un professeur français, Paul Philippe Cret, gagnant un temps sa vie en jouant du piano dans les cinémas. Puis il découvre et admire Le Corbusier. Kahn a aussi reçu un enseignement classique dont Auguste Choisy et Julien Guadet étaient la référence. Il voyage un an en Europe, dessine beaucoup, puis travaille comme dessinateur dans divers agences de Philadelphie. Intéressé par le logement social, il crée un groupe de recherche sur les problèmes d'urbanisation et de logement social à Philadelphie. Il fonde sa propre agence à la fin des années 1940, à près de 50 ans, avec sa partenaire Anne Tyng, tandis qu'il est nommé professeur d'architecture à Yale (1947-1957), avant d'enseigner jusqu'à sa mort à l'université de Pennsylvanie (1957-1974).
Il connut la notoriété en tant qu'architecte après la Seconde Guerre mondiale, avec des bâtiments comme le Centre de recherches médicales Newton-Richards (à Philadelphie, 1958-1961), le Salk Institute for Biological Studies (La Jolla, Californie, 1966), la bibliothèque d'Exeter (New Hampshire, 1972) ou l'Assemblée nationale du Bangladesh à Dhaka (1974). Il dessina de nombreux plans de bâtiments sur les campus universitaires américains, avec l'exigence de l'éclairage par la lumière naturelle.
Il est lauréat en 1951 du prix de Rome américain (Rome Prize) en architecture, il est élu en 1971 membre de l'Académie américaine des arts et des lettres.
Il est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands architectes du XXe siècle. Ses bâtiments témoignent d'un souci de monumentalité et d'harmonie formelle. Ses matériaux de prédilection étaient la brique et le béton brut.
Un documentaire sur Louis Kahn intitulé My Architect a été réalisé par son fils illégitime, Nathaniel Kahn, en 2003.
Louis Kahn appartient à la génération qui suit les fondateurs du Modernisme (il a 15 ans de moins que Ludwig Mies van der Rohe et 14 de moins que Le Corbusier). À ce titre, il prend la suite du mouvement moderne et le dépasse.
Il a étudié l'ouvrage Vers une architecture de Le Corbusier et est tributaire de nombreux principes miesiens (visible par exemple dans la conception de la façade métallique de l'Art gallery de Yale University).
Mais le fonctionnalisme de ses édifices aboutit à la définition de concepts nouveaux: l'opposition entre le servant & le servi et la notion d'architecture creuse.
Servant/Servi: Aux laboratoires de l'université de Pennsylvanie à Philadelphie (1957-1965), les tours des circulations (espaces servants) se distinguent clairement des plateaux des laboratoires (espaces servis). De même, le Salk institute de La Jolla est doté de niveaux techniques intermédiaires (espaces servants), plus bas que les plateaux des laboratoires (espaces servis).
Architecture creuse: Louis Kahn est soumis, comme ses contemporains, à un autre problème fonctionnel: l'intégration des conduites et réseaux techniques qui se multiplient dans les bâtiments modernes (eau, ventilation, électricité...). Pour ce faire, il va générer une architecture creuse : les conduites, mais aussi les circulations, seront intégrées dans des espaces interstitiels ménagés dans l'épaisseur des murs (ou dans les planchers comme on l'a vu au Salk Institute). Cette idée est déjà développée à l'Art gallery de Yale university où Kahn place l'escalier dans un cylindre de béton, à l'image d'un fût de colonne qui serait creux.
Par ailleurs, Kahn renouvelle l'emploi des formes géométriques. Le cercle, le triangle, le carré étaient déjà employés par les Modernistes des années 1920 mais Kahn en fait un usage esthétique nouveau, notamment dans ses réalisations en Inde (Institut de gestion d'Ahmedabad) et au Bangladesh (Capitole de Dhaka). Dès sa première réalisation d'importance, la Yale university art gallery, on perçoit le complet renouvellement en cours : les plafonds sont formés d'un réseau de caissons triangulaires en béton, la cage d'escalier est un cylindre dont la lumière zénithale modèle une forme triangulaire. Cet usage des formes géométriques élémentaires correspond également à un héritage des Beaux-arts (Rappelons que cet héritage Beaux-arts est aussi présent sous d'autres formes chez Le Corbusier ou chez Mies van der Rohe).
L'un des apports majeurs de Louis Kahn est sa recherche de monumentalité et de spiritualité. La massivité de ses édifices, le choix des matériaux, l'emploi esthétique de formes géométriques élémentaires concourent à cela. La position du Salk institute face à l'océan Pacifique ou les immenses volumes du capitole de Dacca émergeant d'un lac artificiel en sont deux exemples. Cette monumentalité rompt avec les principes du Modernisme (Notons qu'à la même époque, Le Corbusier fait évoluer son art dans la même direction avec la chapelle de Ronchamp ou les édifices de Chandigarh).
L'emploi particulier que fait Louis Kahn de la brique, du bois et du béton brut en fait un initiateur du Brutalisme. En effet, l'architecte laisse apparaître les défauts de ses matériaux (texture irrégulière, scories…) et crée de forts contrastes entre eux. Le Salk institute oppose le bois au béton brut, la bibliothèque d'Exeter le bois à la brique, le Kimbell art museum le béton brut au travertin, etc.
Enfin, Louis Kahn est un maître de la lumière. Venant souvent du haut par des percements géométriques, la lumière ajoute à la monumentalité des espaces. L'éclairage zénithal du Kimbell art museum est exemplaire de ce point de vue : deux demis-berceaux plein-cintre sont juxtaposés au-dessus de chaque travée intérieure pour laisser entrer la lumière dans la fente interstitielle ; cette lumière est alors renvoyée sur l'intrados du voûtement par des réflecteurs. Un jour de plusieurs centimètres permet un autre apport de lumière entre le couvrement et les murs.
La singularité de l'œuvre de Louis Kahn a influencé une partie des architectes émergeant à la fin des années 1970, et toujours en activité, tels Tadao Ando, Mario Botta ou Ieoh Ming Pei.