Ours dans la culture - Définition

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Cultes et traditions de l'Antiquité au Moyen Âge en Europe

Les nombreuses traces des traditions et des cultes liés à l'ours dans l'Antiquité semblent tous issus de traditions « païennes » et concernent des rites de passage ainsi que des initiations dont on retrouve trace dans les récits héroïques qui ont marqué l'Europe entière.

L'ours brun voyait sa force et sa combativité mises en valeur parmi les animaux du cirque de la Rome antique. Les mœurs de cet animal furent étudiées puisque l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien évoque l'hivernation, la vie de l'ours au rythme des saisons, son amour du miel, son anthropomorphisme, et conclut en disant qu'« aucun autre animal n'est plus habile à faire le mal ». Il servira d'inspiration aux nombreux auteurs de bestiaires et d'encyclopédies du Moyen Âge et de la Renaissance.

Antiquité grecque

La déesse Artémis est étroitement associée à l'ours.

Selon Michel Pastoureau, bien que les auteurs de la mythologie grecque n'évoquent pas directement leurs croyances concernant l'ours, il est évident que cet animal possède une symbolique particulière en Grèce antique au regard des preuves apportées par les textes de la mythologie : il n'était pas une divinité, mais l'attribut de certains dieux. La plus vieille légende archétypale d'ours amateur de femmes serait celle de Pâris, nourri du lait d'une ourse, qui enlève ensuite Hélène et provoque la ruine de Troie. Un rituel est mentionné par Pausanias : les guerriers d'Arcadie revêtaient des peaux d'ours avant de partir en guerre contre Sparte.

Artémis est parfois désignée comme « déesse aux ours » : elle prend en effet l'apparence de cet animal et son nom dérive de la racine indo-européenne de l'ours ; de plus, les prêtresses de ses temples (dont certains sont en lien avec une légende d'ours) étaient parfois nommées arktoi, qui signifie « petites ourses ».

Il existe plusieurs variantes de l'histoire de la nymphe Callisto, qui avait fait vœu de chasteté sous la protection d'Artémis mais fut séduite et trompée par Zeus. Tombée enceinte et incapable de cacher son état, elle reçut une flèche d'Artémis qui la changea en ourse et la délivra de son enfant, Arcas (dont le nom fait de nouveau référence à l'ours).

L'ours a donné son nom à deux constellations, la Grande Ourse et la Petite Ourse, liées à la légende de Callisto et d'Arcas.

Arcas grandit et devint roi d'Arcadie. Durant une partie de chasse, il aperçut sa mère sous forme d'ourse et s'apprêtait à la tuer quand Héra (ou Zeus) changea Callisto en constellation de la Grande Ourse, tandis qu'Arcas devenait la Petite Ourse ou l'étoile Arcturus. Selon les versions, ils sont tous deux punis par l'Océan qui les condamne à tourner autour du pôle Nord sans jamais pouvoir se reposer, ou par Héra qui exige cette punition.

Il existe aussi une version ancienne de la légende d'Iphigénie où elle est sauvée de la mort par une métamorphose, non pas en biche, mais en ourse. L'héroïne Atalante aurait été recueillie et nourrie par une ourse après sa naissance ; après son mariage avec Hippomène, le couple oublia de remercier Aphrodite qui, selon la version la plus courante, les changea en lions. Cependant, il existe une version dans laquelle Artémis les change en ours. Pâris, héros de la guerre de Troie, a lui aussi été allaité par une ourse. Des cas de passions entre humains et ours sont évoqués, ainsi Polyphonte eut-elle Agrios et Orios de son union avec un ours, et une ourse enfanta Acrisios avec Céphale.

Peuples celtes et pyrénéens

Statuette votive dédiée à Artio, parmi une collection de figurines en bronze gallo-romaines du IIe siècle trouvées en Suisse, près de Berne 1832.

Tout porte à croire que les anciens Celtes ont associé l'ours à l'idée de force et de virilité, mais surtout de royauté. Il fut peut-être même divinisé puisque le vieil irlandais art, désignant l'ours, est devenu un synonyme de dia, signifiant « Dieu », et se retrouve lorsqu'on disait du prince Eochaid qu'il était « beau comme un ours » (art), c'est-à-dire comme un Dieu. La même racine linguistique se retrouve chez le roi Arthur, figure probablement issue de la tradition orale et de la mémoire populaire préchrétienne (arth, vieux gallois, ou ard, vieux breton, arzh en breton moderne, signifiant "ours"). Une théorie en fait un roi-ours, souvenir d'un ours sacré de la mythologie celtique qui aurait peu à peu perdu sa nature animale au cours des adaptations successives de sa légende ; de plus, les Gallois nomment traditionnellement la Grande Ourse « char d'Arthur ». Dans la légende arthurienne, certains chevaliers de la Table ronde, dont Yvain et Lancelot, combattent des ours, et le roman arthurien d'Yder raconte comment ce jeune chevalier a combattu puis vaincu un ours échappé de la ménagerie royale d'Arthur à mains nues. Tous témoignent d'un statut d'animal royal.

D'anciennes divinités liées à l'ours suivirent les migrations des peuples celtes vers l'occident, telles qu'Andarta et Arduinna. La déesse helvète Artio a pour attribut un ours, comme le prouve une statuette en bronze retrouvée au IIe siècle, et il existait un dieu gaulois nommé Matugenos, ce qui signifie « fils de l'ours ». Des inscriptions sur des autels votifs évoquent les dieux pyrénéens honorés localement dans le Comminges du Ier au IVe siècle. Le dieu Artahe, Artehe ou Arte, lié étymologiquement à l'ours, y figure en bonne place.

Dans le système tripartite indo-européen, l'ours fut emblème de la classe guerrière, par opposition à la classe sacerdotale symbolisée par le sanglier.

Peuples germains et scandinaves

Dessin de Thor par Lorenz Frølich en 1907.
Dans ce jeu d'échecs, les pions sont des berserkir (en haut à gauche) portant une chemise d'ours et mordant leur bouclier.

Chez les peuples germaniques et scandinaves à l'époque du paganisme nordique, l'ours est célébré pour sa force, son courage et son invincibilité, considéré comme le roi des animaux, mais aussi attribut des puissants et objet de rituels, et même intermédiaire entre le monde humain et animal en raison de ses ressemblances avec l'homme.

Au VIIIe siècle, les cultes et vénérations de l'ours étaient qualifiés de « frénétiques » et « démoniaques » en Saxe et dans les régions avoisinantes. Saint Boniface, évangélisateur de la Germanie, a ainsi mentionné avec horreur à son retour de Saxe ces rituels païens consistant à se déguiser en ours, à boire le sang de cet animal et à manger sa chair avant les batailles, afin de voir sa puissance transmise symboliquement. Jacob Grimm évoque la place de l'ours chez les Germains comme celle de « l'animal totémique par excellence ». Des emblèmes à vocation prophylactique et militaire, comme des talismans composés de griffes d'ours, étaient utilisés. Le dieu des guerriers et du tonnerre de la mythologie nordique, Thor, semble avoir été très tôt surnommé « Thorbiörn », c'est-à-dire Thor-ours, et l'ours était particulièrement associé aux guerriers et uniquement aux hommes. Lors des rites de passage des jeunes Germains à l'âge adulte, chez les Goths par exemple, une épreuve consistait à affronter un ours au corps-à-corps.

Les peuples germano-scandinaves ont aussi utilisé une foule de noms construits autour de celui qu'ils attribuaient à l'ours en vieux norrois : « Björn ». Tous évoquent l'idée de force et de violence.

Attestations dans les sagas

L'ours est également évoqué dans les sagas, où il se fait un ancêtre de l'homme à l'instar de ce que l'on retrouve dans de multiples mythes et légendes autour du monde. La Geste des Danois mentionne la lutte à mains nues du jeune Skioldius contre un ours et la naissance de Torgils Sprakeleg, issu d'une femme et d'un ours. Bjarki (« le petit ours ») est transformé par sa belle-mère et Bodvar se voit affublé de pieds d'ours pour avoir mangé la viande de l'arrière-train d'un ours injustement abattu. Le héros Beowulf, issu du légendaire scandinave, porte un nom signifiant « ennemi des abeilles », qui est aussi l'un des surnoms de l'ours. Il est possible qu'il ait été à l'origine un ours ou l'enfant d'un ours et d'une femme. Il arrive que des morts se réincarnent dans le corps d'un ours et tourmentent ainsi leurs ennemis.

Les légendes liées aux rois danois les font descendre d'un ours, mais, historiquement, il s'agit d'une invention pour justifier un nom ressemblant à celui de l'ours, tout comme les légendes qui entourent la famille italienne Orsini.

Berserk

Le plus célèbre rituel lié à l'ours chez les anciens Scandinaves est celui des berserkir, guerriers-ours et guerriers-loups réputés pour l'état de fureur guerrière dans lequel ils entraient. Les auteurs qui les évoquent parlent de leur démarche imitant celle de l'ours, de la peau d'ours dont ils se revêtaient, des cris qu'ils poussaient, de leur quasi-invincibilité et d'un rituel chamanique où ils absorbaient des drogues leur ôtant tout sentiment de peur et de pitié avant les combats. Cette capacité à se « transformer » en ours porte le nom de Bärenhaftigkeit.

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