De manière générale, le Moyen Âge européen voit une dépréciation progressive de la place symbolique de l'ours brun, notamment sous l'influence des autorités chrétiennes, qui contribuèrent à faire du lion le roi des animaux, particulièrement au cours du XIIe siècle. Le prestige de l'ours semble cependant s'être plus ou moins maintenu dans les Pyrénées.
Durant le haut Moyen Âge, l'ours fut célébré dans une grande partie de l'Europe, en particulier le 11 novembre, qui correspond à la fois à la date théorique de son début d'hivernation et à l'hivernage pour les paysans. Cette fête symbolisait « le passage du dehors au dedans, de la vie à la mort » en relation avec le calendrier ; elle donnait lieu à des rites païens impliquant des déguisements, des danses et des jeux sexuels. De même, le 2 ou le 3 février étaient associés à la sortie de l'hivernation, et les fêtes impliquaient des viols et des rapts simulés. Ces festivités étaient particulièrement fréquentes dans les Ardennes et le croissant alpin, deux régions où étaient vénérées des déesses celtes liées à l'ours, Arduinna et Artio. Une très ancienne légende, probablement issue d'un motif indo-européen, veut que l'ours expulse les âmes des morts qu'il porte dans son ventre en émettant un pet à son réveil de l'hivernation, et chevaucher un ours était censé guérir divers maux.
Dans la Bible, David le berger doit défendre ses brebis contre un ours et un lion et Élisée prononce une malédiction au nom de Yahvé contre deux enfants qui se moquent de lui : aussitôt, une ourse jaillit des bois et les dévore. De manière générale, les apparitions de l'ours y sont celles d'un animal dangereux et féroce.
La place de l'ours dans la Bible et la volonté de lutter contre les rituels et traditions païens qui célébraient les saisons, la nature, la position des astres et les animaux expliquent pourquoi ils furent peu à peu remplacés au cours du Moyen Âge par des fêtes chrétiennes célébrant les saints, le Christ ou la Vierge. Le 11 novembre devint la fête de saint Martin dans une grande partie de l'Europe de l'Ouest. De même, les mois d'hiver où l'ours était traditionnellement célébré furent associés à des « saints à l'ours », et le 2 février devint la Chandeleur, parfois nommée jusqu'au XVIIIe siècle « Chandelours » en souvenir de son origine.
La vénération des animaux allait à l'encontre des préceptes de la foi chrétienne médiévale, fortement imprégnée des récits de saint Augustin. Il prônait la supériorité de l'homme sur les animaux, considérés comme des êtres inférieurs et imparfaits. Ainsi, il dit dans son Sermon sur Isaïe que « l'ours, c'est le Diable ». Tous les rituels liés à une forme de vénération de l'ours, ainsi que les déguisements souvent associés à des pratiques transgressives liées à la fertilité, furent interdits et sévèrement combattus par les autorités chrétiennes. Ainsi, Hincmar de Reims ordonna vers 852 aux évêques de sa province de ne pas les tolérer, tout comme Adalbéron de Laon quelques décennies plus tard. Les déguisements d'ours furent eux aussi interdits, de même qu'au IXe siècle les « jeux avec des ours », peut-être inspirés de ceux du cirque de la Rome antique.
![]() Peinture murale représentant saint Gall et son ours, nef de l’église Saint-Venance de Pfärrenbach. | ![]() Saint Arige porté en terre, peinture murale de l’église d’Auron datant de la première moitié du XVe siècle. | ![]() Saint Corbinien ordonne à l’ours de porter ses bagages. |
L'hagiographie abonde d'exemples où des saints apprivoisent des ours, tels saint Blaise, saint Colomban et saint Gall. Tous avaient pour fonction de lutter contre les cultes païens liés à l'ours. L'ours sauvage y dévore souvent la monture ou la bête de trait d'un saint, ce dernier forçant l'ours à remplacer son animal (généralement un âne, une mule ou un bœuf) et à porter ses bagages ou tirer une charrue ; saint Éloi, saint Claude, saint Arige, saint Corbinien et saint Viance apprivoisèrent chacun un ours de cette façon. Saint Florent de Saumur parvient à faire garder ses moutons par un ours, Aventin de Larboust ôte une épine de la patte d'un ours, et il existe de nombreuses histoires de saintes épargnées par un ours. Selon la légende, sainte Richarde bâtit l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Andlau grâce à une ourse qui lui montra l'emplacement ; des fouilles archéologiques ont révélé les restes d'un ancien sanctuaire celtique probablement dédié à Artio dans les fondations de l'église.
L'ours dompté de saint Corbinien figure sur les armes du pape Benoît XVI.
Selon Michel Pastoureau, de nombreux théologiens s'inspirèrent de saint Augustin et de Pline l'Ancien pour dresser un portrait diabolique de l'ours et le dévaloriser. Ainsi associé au diable, l'ours devint son animal favori ou l'une de ses formes. Dans l'iconographie chrétienne, le diable possède souvent les pieds, le mufle et le pelage d'un ours, et prend la forme de l'animal dans les rêves des saints, des rois et des moines. L'apparence velue de l'ours et sa couleur brune devinrent un signe de bestialité diabolique, l'animal se vit chargé de péchés capitaux tels que la tromperie, la luxure, la goinfrerie, la colère, l'envie et la paresse. D'autres études arrivent à la même conclusion, il s'agissait d'une façon de mettre un terme aux survivances du culte de l'ours en Europe, tout comme la généralisation des montreurs d'ours, l'interdiction des « jeux » et l'hagiographie contribuèrent à y mettre fin.
Les légendes se firent l'écho de cette représentation. La malebeste de Vendée était réputée dévorer les troupeaux, toutes les jeunes filles du bourg d'Angles finirent sous ses crocs et seul un homme d'Église parvint à la vaincre grâce à sa foi.
Ce sont principalement des clercs et des prélats qui, dès l'époque de Charlemagne, luttèrent impitoyablement contre les traditions du paganisme germanique et scandinave afin de convertir ces peuples au christianisme. Michel Pastoureau évoque l'effroi qu'ont dû inspirer les légendes sur la proximité entre l'ours et l'homme comme justification à cette lutte et Régis Boyer la peur des pratiques visant à s'approprier la force de l'animal. Les traditions liées à l'ours ont perduré jusqu'aux environs de l'an mille, période à laquelle l'ensemble des peuples qui pratiquaient le paganisme nordique furent christianisés.
Preuve de cette proximité, une légende saxonne rapportée par Guillaume d'Auvergne parle d'un ours d'une force prodigieuse qui enleva la femme d'un chevalier et l'amena jusqu'à la caverne où il hivernait chaque année. Il la viola pendant plusieurs années et trois enfants naquirent, jusqu'au jour où la femme fut délivrée par des charbonniers, retrouva son mari et éleva ses enfants qui devinrent tous trois chevaliers, mais se distinguaient par une pilosité abondante et l'habitude d'incliner la tête sur la gauche, comme les ours. Ils furent nommés Ursini, les fils de l'ours. Il s'agit d'un thème symbolique que l'on retrouve très fréquemment dans d'autres cultures et à toutes les époques.
L'ours resta un animal royal jusqu'au XIIe siècle environ, mais quelques traces de cet ancien statut subsistèrent plus longtemps, ainsi, une tradition féodale se maintint jusqu'à la fin du Moyen Âge et le début de l'époque contemporaine dans quelques vallées alpines : il s'agissait pour les villageois d'offrir plusieurs pattes d'ours en redevance à leur seigneur. Les rois faisaient parfois capturer des ours et les gardaient ou les envoyaient dans des ménageries princières, ainsi, Håkon IV de Norvège offrit deux ours blancs, l'un à la reine Isabelle d'Angleterre, l'autre au roi Henri III. Jean de Berry est également réputé pour avoir gardé plusieurs ours dans sa ménagerie ; il vouait un grand respect à cet animal, au point qu'il fut sculpté sur son monument funéraire.
Vaincre un ours fut longtemps considéré comme un exploit héroïque, et Baudouin Ier de Flandre, dit « bras-de-fer », est réputé avoir tué une bête qui ravageait Bruges, tandis que Godefroi de Bouillon, héros des croisades, passe pour avoir sauvé un pèlerin attaqué par un ours en affrontant l'animal au corps à corps, bien que selon Michel Pastoureau ce combat n'ait jamais eu lieu, la légende associée ne servait donc qu'à renforcer son prestige.
Depuis le XIIe siècle et durant des siècles, en Europe, les montreurs d'ours furent très présents, parcourant les villes et les villages avec des ours dressés à réaliser des tours comme jongler ou faire du vélo. Il semble que ces spectacles aient bénéficié d'une certaine tolérance de la part des autorités chrétiennes, qui par ailleurs s'opposaient à toute mise en scène d'animaux, afin de lutter contre les derniers cultes liés à l'ours et de présenter cet animal sous l'aspect d'une bête domptée et ridicule. De même, après les grands massacres d'ours à l'époque de Charlemagne, la chasse à l'ours fut peu à peu dévalorisée de son statut de chasse royale au profit de la chasse au cerf, plus facile à contrôler et plus « civilisée ».
À la fin du Moyen Âge, il n'était plus rare de voir des montreurs d'ours et des ours « bêtés », c'est-à-dire enchaînés et muselés, puis forcés à combattre plusieurs chiens.
La plupart des ouvrages savants du Moyen Âge traitant des animaux sont inspirés de sources antiques. Les bestiaires reflétaient la conviction que Dieu a créé les animaux et les plantes. L'ours y est très présent, associé à plusieurs légendes sur sa reproduction et ses mœurs sexuelles, en relation avec la symbolique christique. Ainsi, en plus de la légende de l'accouplement ventre à ventre et des plaisirs que l'ours est censé ressentir comme les humains, relatée par Pline l'Ancien, figure très souvent la croyance (colportée par les encyclopédistes) selon laquelle l'ourse donne naissance à des oursons à peine ébauchés, afin de pouvoir copuler le plus souvent possible, car le mâle refuse de la saillir tant qu'elle est pleine. Les auteurs des bestiaires ajoutent que l'ourse lèche ensuite longuement ses petits pour les ranimer et leur donner forme, et mettent cet acte en relation avec le repentir, la résurrection divine et le baptême. Hildegarde de Bingen évoque l'ours de manière ambivalente, insistant sur la symbolique christique de la femelle qui ressuscite ses petits en les léchant, mais aussi sur l'attrait du mâle pour les jeunes femmes, et sa violence lorsqu'il a été « mal léché » par sa mère.
L'ours avait aussi la réputation de survivre à l'hivernation en se léchant les pattes. Cette croyance répandue semble être influencée par la consommation de pattes d'ours, attestée un peu partout autour du monde.
Le Roman de Renart, rédigé aux alentours de 1200, met en scène des animaux anthropomorphes représentatifs de la perception que l'on avait d'eux à l'époque, ainsi, le lion, nommé « Noble », y est un roi débonnaire, tandis que l'ours, nommé « Brun », y est un goinfre naïf, sot, maladroit et peureux, constamment humilié par Renart. Il est même le seul animal dont la mort est mise en scène par une branche du roman. Trompé par Renart, Brun est abattu lâchement par un paysan qui en fait des réserves de viande pour l'hiver. Il semble que ce passage fasse écho à la déchéance de l'ours du trône de roi des animaux en Europe.
L'histoire de Pierre de Béarn rapportée par les chroniques de Jean Froissart conte sa lutte sans pitié contre un ours gigantesque. Après avoir vaincu cette bête, l'homme fut frappé de somnambulisme. Dans les mêmes chroniques, le comte de Biscaye chassait un ours lorsque ce dernier se retourna afin de lui prédire une mort indigne pour avoir traqué un animal innocent. Jean Froissart suppose que les ours pyrénéens sont d'anciens chevaliers qui furent changés en ours par les dieux païens en punition d'une faute, et Michel Pastoureau voit dans ces histoires une survivance d'un rite de passage dans les Pyrénées, consistant à tuer un ours.
La chanson de geste Valentin et Orson, probablement composée au milieu du XIVe siècle, raconte qu'une ourse énorme enleva l'un des fils de l'impératrice Belissant et l'éleva comme son fils. Le bébé acquit bientôt une force prodigieuse et un corps couvert de poils. Il s'agit, là encore, d'un thème très fréquent.
L'usage des armoiries se généralise au milieu du XIIe siècle, et l'ours figure dans cinq blasons sur mille au Moyen Âge, ce qui est très peu et s'explique probablement par le fait que cet animal avait déjà acquis une symbolique négative à l'époque. Ainsi vers 1240, dans un poème de Huon de Méry, le blason à l'ours se voit associé à la félonie. La plupart des blasons à l'ours appartiennent à des familles portant un nom qui évoque lui-même l'ours, à l'instar de certaines familles allemandes et danoises qui portaient un nom de roi ou de chef. Les devises se développèrent à partir du XIVe siècle, et Jean de Berry adopta celle d'un ours, qu'il faisait figurer partout.