Le PGM-17 Thor est un missile balistique de portée intermédiaire américain déployé au Royaume-Uni en 1958 à une soixantaine d'exemplaires pour contrer la menace de missiles soviétiques de portée équivalente alors que la guerre froide battait son plein. Développé pour le compte de l'Armée de l'air américaine en un temps record par la société Douglas Aircraft à partir de composants déjà mis au point pour d'autres missiles, il a une portée de 2 400 km. Il emporte une charge nucléaire de 2 mégatonnes et est propulsé par un moteur-fusée à ergols liquides. Sa carrière opérationnelle est très brève puisqu'il fut retiré du service en 1963. Quelques exemplaires furent utilisés en tant que missile anti-satellite jusqu'en 1972. Alors qu'il vient tout juste d'être mis en service, le missile sert de point de départ pour le développement des familles de lanceurs Thor et surtout celle des Delta. Le lanceur Delta II, toujours opérationnel en 2009, utilise comme premier étage une version allongée et plus puissante du missile.
En 1954, en pleine guerre froide, l'Armée de l'air américaine veut disposer dans un délai très court d'un missile balistique d'une portée d'environ 2 000 km pour faire face à la menace du missile balistique R-5 soviétique en cours de déploiement dans les pays de l'Est et qui est pointé sur les pays d'Europe occidentale. La portée du missile à développer doit permettre de menacer Moscou depuis le Royaume-Uni, où seront stationnées ces armes. Après avoir envisagé d'utiliser le deuxième étage du missile balistique lourd Titan I, l'Armée de l'air américaine lance un appel d'offres pour le développement d'un nouveau missile avec une contrainte de délai très forte. À l'époque, l'Armée de terre américaine développe un missile aux caractéristiques équivalentes, le PGM-19 Jupiter, qui est délibérément ignoré par les responsables de l'Armée de l'air américaine du fait des rivalités entre les 2 armes (syndrome NIH Not Invented Here).
Pour réduire la durée de la mise au point, les composants les plus complexes du nouveau missile sont repris de projets existants : ainsi le moteur-fusée d'une poussée de 68 tonnes et les moteurs-vernier ont été développés initialement pour le missile intercontinental Atlas. Le projet bénéficie d'une priorité nationale et le 17 décembre 1955 le développement du missile est adjugé à la société Douglas Aircraft. Le Thor est développé en un temps record et le tir du premier prototype intervient 13 mois après le début du projet. Pour sa mise au point 18 prototypes et 28 exemplaires de pré-série sont tirés. 22 exemplaires sont également tirés pour l'entrainement des unités qui les prendront en charge. En 1959 le système est déclaré opérationnel. 225 missiles Thor ont été produits dont 160 engins de série. Le cout du développement du programme est estimé de 500 millions USD 1958.
Une soixantaine d'exemplaires est déployée au Royaume-Uni en 1960 dans le cadre du Projet Emily. 20 squadrons de la Royal Air Force comportant chacun 3 missiles sont répartis du Yorkshire au Suffolk. Mais leur carrière opérationnelle est brève puisque les missiles sont retirés du service en 1963 à la suite d'un accord secret passé entre les gouvernements américain et soviétique. Le missile Jupiter, dont la responsabilité a été transférée en 1958 à l'Armée de l'air américaine, sera déployé en Turquie et en Italie.
Peu après la crise de Cuba, les essais nucléaires à l'air libre reprennent : côté américain il s'agit des opérations Dominic I (Océan Pacifique) et Dominic II (Nevada). Plusieurs missiles Thor sont tirés. L'essai baptisé Starfish Prime fait partie de l'Operation Fishbowl destinée à tester les conséquences d'une explosion atomique à très haute altitude. La tête nucléaire est déclenchée à une altitude d'environ 400 km à environ 31 km au sud ouest de l'île Johnston dans l'Océan Pacifique. Les conséquences sont plus dramatiques que prévu : l'explosion déclenche des coupures d'électricité aux îles Hawaï et plusieurs satellites sont mis hors service dans la période qui suit. Un autre missile Thor explose au décollage dispersant ses composants radioactifs dans les environs.
Certains missiles Thor connaissent un prolongement de leur vie opérationnelle comme missile antisatellite. Après plusieurs tests menés en 1964 le Thor est déclaré opérationnel dans ce nouveau rôle. Jusqu'à fin 1972 deux missiles Thor sont maintenus en alerte. Certains Thor désarmés seront réutilisés pour effectuer des tests de rentrée atmosphérique de têtes nucléaires. Les autres seront utilisés comme premier étage des lanceurs civils Thor et Thor-Delta (voir ci-dessous).