Pont en béton précontraint - Définition

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Introduction

Un pont en béton précontraint est un pont dont la structure porteuse (arc ou poutre), est en béton précontraint. Un pont dont le tablier est en béton précontraint, mais qui serait haubané ou suspendu n’est pas considéré comme un pont en béton précontraint et est classé dans les ponts à haubans ou pont suspendus.

Voussoir du pont de l'île de Ré

Histoire

Débuts de la précontrainte

Dès les dernières années du XIXe siècle, on commença à utiliser le béton armé, matériau composite où le béton reprend les efforts de compression et où les armatures en acier travaillent en traction. Mais comme le béton ne peut pas s’allonger autant que les armatures, des micro-fissures apparaissent à leur voisinage et il ne reprend que partiellement son état initial lorsque la charge est enlevée. Ces micro-fissures sont des voies privilégiées d’entrée de l’eau dans la structure qui peut à terme entraîne des dommages graves à la structure.

Il revient à Eugène Freyssinet d’avoir l’idée de pré-comprimer le béton avant qu’il ne soit soumis à une charge le faisant travailler en flexion pour éviter l’apparition de ces fissures. Un brevet est déposé le 2 octobre 1928 définissant le principe même de la précontrainte et le procédé de mise en œuvre par pré-tension et fils adhérents. Le principe est particulièrement adapté pour la fabrication de pièces de dimensions modestes : poutrelles, traverses, poteaux, tuyaux. Il utilise d’abord sa technique pour réparer et renforcer les ouvrages de la gare maritime du Havre en 1934, puis les conduites d’eau de l’oued Fodda en Algérie en 1936.

Ce procédé éveille l’intérêt du directeur de l’entreprise Wayss et Freytag en Allemagne. Le premier pont en béton précontraint est ainsi construit en 1938, d’après les plans de Freyssinet, en 1938 à Oelde, sur l’autoroute de Dortmund à Hanovre. Il fut suivi en 1941, d’un autre pont, sous autoroute, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Wroclaw (alors Breslau), en direction de Katowice pour le franchissement de la Nysa Kłodzka (alors Neisse). Long de 42 mètres, cet ouvrage était en 1994 encore en parfait état.

En 1939, Eugène Freyssinet invente le cône d’ancrage et le vérin de mise en tension. Il s’agit d’une avancée majeure qui va faciliter la mise en tension des armatures et permettre ainsi la précontrainte d’ouvrages de toutes sortes et de toutes dimensions. Ce type de précontrainte est appelé précontrainte par posttension.

Eugène Freyssinet construit peu d’ouvrages pendant la guerre : un pont de 10 m à Elbeuf-sur-Andelle en 1942, un autre de 20 m à Longroy et une passerelle ferroviaire dans le Pas-de-Calais, mais surtout le pont de Luzancy qui fut inauguré le 2 mai 1946. L’ouvrage ne disposait que d’un gabarit de 1,30 mètre pour une portée de 54 mètres. Seul un pont suspendu pouvait répondre aux contraintes. Grâce à la précontrainte, Eugène Freyssinet put proposer un arc extrêmement tendu. Le tablier est supporté par trois poutres-caissons, composées chacune de 22 voussoirs préfabriqués aux abords de l’ouvrage puis assemblés et tendus par post-tension.

Edme Campenon avait créé en 1943 la Société technique pour l’utilisation de la précontrainte (STUP) pour donner à Freyssinet l’autonomie nécessaire et lui permettre d’exploiter ses brevets avec d’autres entreprises. Dans les années 1945-1950, une petite dizaine de ponts de dimensions moyennes (20 à 50 m) sont construits, tous situés dans les Pyrénées orientales et la région grenobloise, certains par Sainrapt et Brice, mais aussi par l’entreprise Pascal, Dalberto et d’autres. Eugène Freyssinet remporte ensuite un concours pour construire plusieurs ponts sur la Marne qui sont construits entre 1949 et 1950.

Un nouveau procédé est breveté au début des années 1950 par l’entreprise Edmond Coignet et est expérimenté au pont de Vaux-sur-Seine. Jusqu’à présent la mise en tension des câbles de pré-contrainte se faisait par ancrage à une extrémité et traction puis ancrage à l’autre. Or le déplacement obtenu peut être assez important et plus la poutre est longue, plus les frottements peuvent modifier la distribution des tensions. Les Constructions Coignet imaginèrent d’ancrer les câbles aux deux extrémités puis de réaliser la précontrainte par écartement. Ce procédé supposait le passage des câbles dans le vide du caisson, ce qui sera appelé ultérieurement la précontrainte extérieure.

Jusqu’à la fin des années 1950, quelques ponts sont construits en France, dont le pont sur la Voulte-sur-Rhône, premier grand pont de chemin de fer français en béton précontraint. Avec 5 travées de 56 mètres, soit une longueur de 300 mètres, il est alors le pont le plus long au monde de cette catégorie.

Années 60 : expansion de la précontrainte

Avec les besoins liés à la reconstruction suite aux destructions de la dernière guerre et à l’accroissement continu du trafic automobile, il fallait pouvoir construire vite et avec le moins de matériaux possibles. De nouvelles techniques allaient être inventées.

Les voussoirs coulés en place

Ainsi en Allemagne est construit le premier pont en porte-à-faux, dit pont cantilever, en béton précontraint avec voussoirs coulés en place. C’est Ulrich Finsterwalder, directeur de la firme Dyckerhoff & Widman, qui utilise cette technique en 1952 pour la construction du pont de Balduinstein sur la Lahn et de Coblence sur la Moselle. Chaque pile portait un équipage mobile qui permettait de réaliser symétriquement deux éléments, ou voussoirs, de 3 m.

En France, cette technique fut expérimentée pour la première fois par Jean Courbon, directeur de GTM, qui construisit le pont sur le RN84 sur l’Ain à Chazey-sur-Ain. Mais c’est avec le pont de Savines, construit de 1958 à 1960, que la technique est mise en œuvre de façon spectaculaire. Le pont mesure en effet 924 mètres de longueur en onze travées de 77 mètres et deux travées de rive de 38 m. Bien d’autres ouvrages vont alors être fabriqués avec cette technique.

La préfabrication des poutres

Si la technique de coulage en place constituait un progrès, la pose d’un voussoir devait attendre la prise du voussoir précédent. On ne pouvait ainsi dépasser une moyenne de deux voussoirs (un de chaque côté) par semaine. La préfabrication des voussoirs, technique déjà expérimentée pour la préfabrication de petites poutres depuis 1943, fut utilisée pour la première fois pour la construction d’un grand ouvrage, le viaduc de Moret-sur-Loing en 1956. Un peu plus tard l’entreprise Léon Ballot construira en 1964-1965 le viaduc de Roberval, quelques kilomètres au nord de Senlis, avec des poutres précontraintes de 34 mètres de longueur.

La préfabrication des poutres avait pour limite celle de leur longueur. On ne pouvait guère songer dépasser 40 ou 50 mètres, même si en juxtaposant de courtes portées, on pouvait atteindre de grandes longueurs. Palmer et Baker, associés à l’entreprise Fougerolle, construisirent ainsi le pont le plus long du monde, sous licence Stup, sur le lac Pontchartrain au Nord de la Nouvelle-Orléans : 38 km de longueur en 2 232 travées de 17 mètres de longueur à la vitesse de 100 m de pont par jour. Avec le viaduc d’accès du pont de Tancarville, les ponts préfabriquées ont 50 m de longueur.

Avec la préfabrication des voussoirs, les portées vont s’allonger. Les travées du pont de l’île d’Oléron, construit par l’entreprise Campenon-Bernard et inauguré le 19 mars 1966 atteignent 80 mètres. Il est constitué de 860 voussoirs préfabriqués de 3,30 m de longueur. Cinq ans plus tard le pont de Noirmoutier présente des portées de 88 mètres.

La précontrainte aujourd’hui

Avec le pont sur le Rhin d'Ottmarsheim, la plus grande longueur de travée atteint 110 mètres, mais ce sont les arcs en béton précontraint qui vont permettre des travées encore plus importantes. Dès 1979, une portée de 390 mètres est atteinte avec le pont de Krk en Croatie qui n’est battu que par le pont de Wanxian sur la Yangzi Jiang en Chine qui atteint la portée remarquable de 420 mètres et qui fut construit en 1997.

En France le plus grand pont en béton précontraint est aussi un pont en arc, le pont Châteaubriand, construit en 1991 et franchissant la Rance près de Dinan. Il présente un arc de 260 mètres d’ouverture.

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