Afin d'en déterminer la densité lagrangienne, puis les équations, il est nécessaire de développer un peu certaines considérations abordées ci-dessus, et même quelques nouvelles.
Du fait de l'invariance de la trajectoire du champ par rapport aux référentiels d'où on l'observe, l'action qui la caractérise
doit être invariante par changement de référentiel.
Soient
l'action dans deux référentiels différents.
On a :
et
où
est le jacobien du changement de variables.
On a :
Or :
, en prenant les déterminants.
Donc :
Ainsi
est une constante du champ par rapport aux changements de référentiels.
L'objectif est donc de trouver les scalaires du champ, invariants par rapport aux changements de référentiels.
En notant
le scalaire du champ, invariant par rapport aux changements de référentiels, la densité lagrangienne sera :
Définitions des tenseurs de Riemann, de Ricci, et de la courbure
À la manière d'Élie Cartan
En termes mathématiques, l'espace quadri-dimensionnel défini par les considérations ci-dessus est une variété C2 où les quadri-vitesses sont des vecteurs appartenant à l'espace vectoriel tangent au point où on a dérivé, cet espace vectoriel étant muni de la métrique
.
Rappelons que les coordonnées (x0;x1;x2;x3) sont les coordonnées des points de la variété, munie d'un système de coordonnées quelconque, représentant le choix arbitraire du référentiel physique de l'observateur.
La mesure de la gravitation, qui influe sur les géodésiques, peut se faire à travers la différence d'orientation entre deux vecteurs résultant du transport d'un seul vecteur d'origine par deux chemins géodésiques différents vers un même point final.
Du fait que
, on déduit :
; sachant que l'on a
comme on le voit à partir de sa définition, on pourrait aussi bien écrire
.
De manière similaire, on obtient
Un vecteur
est dit transporté parallèlement le long d'une géodésique si les variations de ses coordonnées vérifient
quand il est déplacé de
le long de la géodésique.
À partir d'un point M quelconque de la variété, considérons deux variations infinitésimales
et
le long de deux géodésiques quelconques, et considérons les deux trajets distincts qui utilisent alternativement l'une puis l'autre de ces géodésiques.
1er trajet :
2ème trajet :
Afin que ces deux trajets aboutissent au même point, on suppose que
, ce qui est réalisable car les géodésiques utilisées à partir des points
et
sont quelconques.
Étudions les variations des coordonnées d'un vecteur
transporté parallèlement le long de chacun des chemins :
1er trajet :
2ème trajet :
On a :
Après quelques calculs, on obtient :
On définit le tenseur de Riemann par :
L'égalité
indique que ce tenseur mesure la différence entre deux vecteurs issus du même vecteur d'origine
par transport parallèle par deux chemins différents.
On définit le tenseur de Riemann par :
Le tenseur de Ricci est une contraction du tenseur de Riemann :
Sa formule montre que c'est un tenseur symétrique :
La courbure riemannienne est le nombre obtenu par contraction du tenseur de Ricci :
Toutes les égalités utilisées dans « détails de la méthode d'Élie Cartan » étant indépendantes du référentiel choisi, et c'est aussi le cas pour les définitions des tenseurs de Riemann et de Ricci (c'est d'ailleurs pourquoi on se permet de les nommer tenseur ). C'est aussi le cas de la courbure
qui est donc candidat pour être
le scalaire invariant du champ de gravitation.
Élie Cartan a démontré que les scalaires invariants par changement de référentiel sont de la forme
.
indique simplement qu'un changement d'unité est toujours possible,
permet d'introduire la constante cosmologique.
Outils analytiques
Une application du principe d'inertie dans l'espace courbe
Pour que notre travail soit bien une conséquence du principe de moindre action, la méthode utilisée ici consiste à déterminer les propriétés de la variété à partir de la métrique de ses espaces tangents.
Les espaces vectoriels tangents (de dimension 4) sont munis de leur base « naturelle » {
} : si
est le point où l'on considère l'espace tangent, on pose
; ce que l'on écrit souvent
.
Les équations des géodésiques sont des propriétés concernant les coordonnées
ou
de la quadri-vitesse le long de cette trajectoire, elles ne donnent pas d'indication pour la variation (la dérivation) d'un quadri-vecteur d'un point à un autre de l'espace, ni même pour la dérivation du quadri-vecteur vitesse
.
Pour cela, nous pouvons utiliser un principe physique réécrit sur mesure pour la relativité générale :
Principe d'inertie : le long d'une géodésique, et en l'absence d'intervention extérieure, le (quadri-)vecteur vitesse d'une particule est constant.
C'est-à-dire :
On en tire :
Le quadri-vecteur vitesse initial étant quelconque, on obtient :
En analysant les équations des géodésiques ou en tenant compte du fait que les « axes » des coordonnées ne sont pas obligatoirement des géodésiques, on ne peut pas affirmer que les coordonnées du quadri-vecteur vitesse sont constantes.
Dériver signifie « déterminer la droite qui indique la direction du mouvement ». Tout le problème est de savoir ce qu'est une droite quand le système de coordonnées est quelconque, voire dans un espace courbe ; une fois les droites déterminées, la dérivation peut être définie.
Dans le cadre qui nous intéresse, quand l'expérimentateur est dans un espace de Minkowski et qu'il a choisi un système de coordonnées quelconque, ce qui y induit éventuellement une gravitation, les droites de la dérivation sont celles de l'espace de Minkowski, qui sont aussi celles du mouvement inertiel. À moins de définir une nouvelle dérivation, l'égalité
s'impose.
Quand l'expérimentateur est dans un référentiel où il y a de la gravitation, et en l'absence d'information sur les causes de cette gravitation (due à une masse ou due à un référentiel accéléré, ou les deux) les seules droites auxquelles il a accès, en tant que physicien, sont celles du mouvement inertiel : la dérivation est donc définie par
.
Mais ce choix est basé sur l'hypothèse que, dans son référentiel, le mouvement inertiel suit bien une droite. Si l'expérimentateur choisit comme droites les axes de son référentiel, il impose donc
, le mouvement « inertiel » observé n'est pas droit (
) et est interprétable comme dû à une force (de gravitation).
Ces deux choix, comme d'autres que l'on peut imaginer, ne sont valables que localement :Le premier assimile localement la gravitation à un référentiel accéléré dans un espace de Minkowski, le deuxième émet l'hypothèse d'une force dans un espace initialement droit ; deux choix qui redressent à leur manière l'espace-temps, ce qui ne peut se faire que localement.
La somme, la différence et la sommation d'Einstein de tenseurs définis dans le même espace tangent donnent un tenseur ; par contre s'il s'agit de tenseurs définis dans des espaces tangents différents, il n'est pas sûr que cela donne un tenseur.
Par exemple : le symbole de Christoffel est défini à partir du tenseur métrique. L'équation des géodésiques
nous montre qu'il peut être défini à l'aide de
qui, bien que tenseur, est construit par une différence entre deux tenseurs (les quadri-vecteurs
et
) définis dans deux espaces tangents différents : le symbole de Christoffel, lui, n'est pas un tenseur (sauf cas particuliers), comme on peut le montrer à l'aide de sa formule de définition.
Une égalité tensorielle démontrée en un point quelconque, mais en utilisant un référentiel particulier, est une égalité vraie en ce point et pour tous les référentiels : c'est là le principal intérêt d'utiliser des tenseurs.
Par exemple, en tout point il existe un référentiel en apesanteur (en chute libre dans le champ de pesanteur), c'est-à-dire pour lequel
. Dans un tel référentiel, on a
et
quand
est un tenseur : ce qui est plus simple à utiliser pour justifier une égalité tensorielle qui sera vraie quel que soit le référentiel.
Les équations d'Einstein du champ de gravitation dans le cas extérieur
Les tenseurs sont utilisés pour s'assurer que les égalités sont vraies quel que soit le point d'observation du physicien et quel que soit son référentiel. Les tenseurs ne transportent que des informations liées au point d'observation et à son espace tangent, du coup, les informations qui y sont utilisées et qui en sont produites ne sont que locales : ce sont des informations sur les tenseurs, mis à part les données universellement valables comme les constante c, G, et autres que l'on pourra y trouver.
Le premier cas des équations du champ est le cas où il n'y a pas de matière (localement) : on parle du « cas extérieur », sous entendu « à la matière ».
Dans ce cas, la seule composante de l'action est la composante du champ gravitationnel
, où
est une constante liée au choix des unités : pour les unités MKSA, on prend
, le signe
étant dû au principe de minimisation de l'action.
Pour trouver les équations du champ de gravitation sous la forme de tenseurs de densité d'énergie qui soient symétriques, il est plus simple de transformer le lagrangien sous l'intégrale de l'action que d'utiliser les équations d'Euler-Lagrange. Le principe variationnel est appliqué en faisant varier les termes de la métrique
, qui est la manifestation lagrangienne de la gravitation, d'après le principe d'équivalence tel qu'appliqué plus haut.
En utilisant l'égalité
, on a
On a
car
Pour la 1re intégrale, on a
La 2e égalité est laissée inchangée.
Pour la 3e intégrale, pour simplifier les calculs, on se place dans un référentiel en apesanteur et on a donc
. (Mais en général
car le symbole de Christoffel n'est pas un tenseur).
D'où
en supposant que la variation des
laisse le référentiel en apesanteur en ce point, ce qui laisse encore une infinité de variations possibles pour les
.
Dans n'importe quel référentiel,
où le symbole
est le symbole de Christoffel au même point que
mais avec des termes
modifiés
on a
ce qui est une différence entre deux tenseurs définis au même point, donc
est un tenseur (contrairement au symbole de Christoffel).
Et pour ce tenseur, dans le référentiel en apesanteur (et laissé comme tel, au point considéré, par la variation des
),
, d'où
car
et aussi
d'où
.
D'où, en utilisant le théorème d'Ostrogradski,
La nullité de la dernière intégrale est due au fait qu'elle est calculée sur l'hypersurface délimitant le volume d'intégration et au fait que les variations des
sont nulles sur la frontière d'intégration.
On obtient :
Le principe de moindre action disant que
et les variations
étant quelconques, on obtient
, ce que l'on écrit (et démontre) souvent en baissant les indices.
Les équations déduites sont :
En faisant la « contraction »
, on obtient
, ce qui ne signifie pas que l'espace est plat, mais plutôt qu'il s'agit d'une surface minimale à quatre dimensions, tendue entre les différentes masses qui y évoluent.
Les équations d'Einstein dans le cas extérieur sont donc :
Les équations d'Einstein du champ de gravitation dans le cas intérieur
Le deuxième cas des équations du champ est le cas où il y a de la matière (localement) : on parle du « cas intérieur », c'est-à-dire « dans la matière ».
Dans ce cas, l'action est composée de l'action du champ gravitationnel
et de l'action de la matière, en y incluant le champ électromagnétique, que l'on écrit
.
En utilisant la même méthode variationnelle, en sachant que
, en utilisant l'intégration par parties, et le théorème d'Ostrogradski qui permet d'écrire dans un référentiel en apesanteur
En définissant le tenseur impulsion-énergie
par l'égalité
On obtient :
D'où, en posant
, et on conclut de la même manière que dans le cas extérieur.
Les équations déduites sont :
Avec la contraction similaire au cas extérieur, sachant que
et en posant
, on a
. La courbure principale est donc proportionnelle à la densité d'énergie totale (ou trace du tenseur
).