Abbaye Saint-Fortuné de Charlieu | |
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Latitude Longitude | |
Pays | France |
Région | Rhône-Alpes |
Département | Loire |
Ville | Charlieu |
Culte | Catholique romaine |
Type | Abbaye |
Rattaché à | Diocèse de Saint-Étienne |
Style(s) dominant(s) | Roman |
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L’abbaye Saint-Fortuné de Charlieu fut une abbaye bénédictine située sur la commune de Charlieu, actuellement dans le département français de la Loire
L'abbaye est fondée en 872 par Boson, roi de Bourgogne et Ratbert, évêque de Valence en un lieu nommé Sornin que le moines rebaptisèrent Charlieu (carus locus). D'abord autonome, l'abbaye est ensuite rattachée à l'Ordre de saint Benoît (ou Ordre de Cluny) vers 930-940. Dès le Xe siècle, l'église abbatiale abrite des reliques de Saint Etienne et de Saint-Fortuné et est agrandie, afin de permettre aux pèlerins de circuler autour des reliques.
On peut supposer une baisse du nombre de moines au cours du siècle suivant, car l'église du IXe siècle tombe ensuite en ruines et doit être reconstruite au XIe siècle. De plus, l'abbaye devient un prieuré en 1040.
Le prieuré ne compte plus que six moines à la veille de la Révolution française. Comme de nombreux monastères, il est alors sécularisé et vendu en biens nationaux et la plus grande partie de l'église est détruite : seul subsiste encore l'avant nef ou narthex.
Le tympan du grand portail nord | Le cloître | ||
colonnade séparant le cloître de la salle capitulaire | Mouton en haut du tympan du grand portail |
Elle fut consacrée en 1094. Il n'en demeure que le premier niveau de la façade ouest et les piliers de la première travée.
Les tympans de l’église prieurale Saint Fortuné de Charlieu sont tous trois remarquables à plusieurs titres. Ceux des portails nord, bien qu’altérés par la suppression des têtes des personnages, sont d’une remarquable qualité artistique, pour laquelle la grâce et la force tourbillonnante du mouvement des scènes de personnages le disputent au caractère éminemment décoratif de la multitude de motifs géométriques ou végétaux.
C’est l’un des plus anciens tympans de l’époque romane sculptés intégralement. Il date des environs de 1100. Sa sobriété lui confère des lignes d’une surprenante modernité dans leur harmonie avec la courbe en demi-cercle. Celle-ci délimite la forme de la pierre dans laquelle la sculpture se développe en cuvette : le sculpteur a ménagé un renflement sur le pourtour du tympan, qui forme cadre. L’intérieur est davantage creusé que le linteau, ce qui réduit le poids de cette partie toute d’une pièce. Le linteau, pierre horizontale qui supporte le tympan, est creusé de manière superficielle, en « très bas relief », ce qui permet de lui conserver sa solidité. Le tympan figure un Christ dans une mandorle, porté par deux anges – figure qui sera fréquemment reprise dans les portails bourguignons. Les anges semblent au sol. Le linteau est orné des douze apôtres, assis sous des arcs en plein cintre. Ils tiennent un livre sur leur genou droit et lèvent la main gauche, en signe d’acclamation. Tout cela réfère à la parousie : le retour glorieux du Christ à la fin des temps.
Ils sont reliés par leur thématique : alors que l’archivolte du portail principal est surmontée d’un gracieux et réaliste agneau de l’apocalypse, le linteau du petit portail représente les sacrifices d’animaux pratiqués sous la loi judaïque. Comme Charlieu est une abbaye clunisienne, c’est une interprétation de Pierre le Vénérable, qui fut abbé de Cluny, qu’il faudrait voir illustrée ici ; dans son traité contre Pierre de Bruys, il précise : « le bœuf, le veau, le bélier, la chèvre, arrosaient de leur sang les autels des juifs ; seul l’agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde, repose sur l’autel des chrétiens. » Voilà le lien entre l’agneau et le bétail au sacrifice. L’exégète explique plus loin que le Christ, en changeant l’eau en vin aux noces de Cana, a voulu figurer l’eucharistie et le sacrement de l’autel. Or, ce sont justement les noces de Cana qui sont représentées au-dessus de ce linteau.
Le Christ en gloire dans une mandorle est entouré des « quatre vivants » de l’Apocalypse de Jean : le tétramorphe, identifié dès le deuxième siècle aux quatre évangélistes. L’aigle, symbole de Jean, porte un rouleau dont le texte peut être reconstitué :
Ces quatre vivants de l’Apocalypse étaient donc déjà les chérubins d’Ezéchiel, mentionnés sur ce tympan, et que le texte biblique décrit ainsi : « ils avaient une face d’homme, et tous les quatre avaient une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d’aigle. Leurs ailes étaient déployées vers le haut » ( Ez 1, 10-11).
« Ainsi le tympan évoque les trois plus importantes visions apocalyptiques de la bible dans une seule image donnant une idée essentielle de la foi chrétienne médiévale » : la vision d'Isaïe, celle d'Ezéchiel, auxquelles réfèrent respectivement les séraphins et les chérubins rappelés par les inscriptions, et celle de saint Jean.
De chaque côté de l’archivolte supérieur, les vieillards de l’apocalypse de Saint Jean dansent et jouent du rebec, les 24 rosettes symbolisent leur nombre exact, l’agneau de l’apocalypse couronne la composition.
La végétation, abondante dans les frises, joue un rôle important : À la base de la mandorle, elle revêt un sens symbolique : le Christ est le fruit ou la fleur de cette mystérieuse branche qui s’ouvre de part et d’autre de l’amande : il pourrait s’agir de l’arbre de vie. Ce végétal est dans la vision de Saint Jean un symbole rédempteur et sotériologique : « heureux ceux qui lavent leur robes afin d’avoir droit à l’arbre de vie et d’entrer par les portes de la ville… »
La vision d’Ezéchiel contient aussi une référence aux arbres miraculeux dont les feuilles ont un pouvoir curatif. Cet arbre, dans la pensée médiévale, est inséparable de la croix. (l’arbre croix) Le pied avant droit de l’agneau, qui porte habituellement la croix ou la flamme, repose sur un point qui semblerait être le départ d’un petit arbre, d’une branche ou d’un arbuste naissant de l’archivolte : l’agneau en serait, là encore, le fruit.
Ainsi, le tympan de Charlieu semblerait associer des éléments des derniers chapitres de l’apocalypse (l’arbre de vie du paradis) et des premiers chapitres qui donnent la vision des vieillards et des quatre bêtes. On retrouve cette association peu fréquente dans un narthex du XIe siècle, à San Pietro al Monte à Civate. Au-dessus de l’agneau, un petit panneau encadré a contenu une croix.(XVIIIe siècle).
Les douze apôtres, comme annoncé pour le Jugement (Mt 19, 28), sont assis devant une surface où sont tracés les empilements des pierres d’un mur, qui peut symboliser le mur de Jérusalem, les douze apôtres marquant les douze portes de la cité sainte, en un thème populaire dans les monuments du troisième quart du douzième siècle. Les trois figures au centre sont la vierge et deux anges. Le mur en arrière–plan des apôtres ne se retrouve pas autour de ces trois images. Ici placée, la vierge figure comme un intercesseur.
Des motifs géométriques et végétaux d’inspiration orientale : grecques, festons et rubans plissés, comme au portail nord de Paray-le-Monial. Sur les piédroits (piliers latéraux) et les voussures (encadrement en demi-cercle dont l’ensemble forme l’archivolte) : rinceaux variés, fleurette, damiers, palmettes, rubans plissés, arcs, grecques. Aux impostes des piédroits : Le roi David, à gauche, et Boson, roi de Bourgogne et de Provence, qui porte l’abbaye, dont il aurait été un bienfaiteur. A droite, Jean-Baptiste, vêtu d’une peau de bête, et l’évêque Robert, fondateur de l’abbaye. Au montant gauche de la porte sous le linteau : la luxure, femme enlacée d’un serpent et dont le sein est dévoré par un crapaud.
Les noces de Cana, donc, le premier miracle du Christ. On y devine le Christ entre la Vierge et un disciple, leurs têtes ôtées à la révolution prenaient place au centre de limbes de grande taille.
Elle porte les six personnages de la Transfiguration, présentée par les trois évangiles synoptiques : de droite à gauche saint Pierre, le prophète Élie, Moïse, le Christ (IHS), saint Jean et saint Jacques. Cette scène est une nouveauté dans les programmes de façades des années 1140-1150.
Trois personnages au chapiteau de droite : le Christ en chasuble offrant le saint sacrifice, assisté par Saint Pierre et Saint Paul dans la Jérusalem céleste.
L’artiste qui a sculpté ces portails n’a pas craint dans le grand tympan les courbes aiguës des manteaux. Le triangle et l’ovale dominent la composition, en créant des lignes de force. Cependant, au mouvement et à l’énergie sont associés la délicatesse et la légèreté par l’usage abondant des petits évidements, dans le pelage frisé du mouton ou dans la dentelle des frises, jusque dans le recours aux trous ronds, encore utilisés pour mettre en valeur le mouvement circulaire des étoffes à l’extrémité des plis (par exemple à la nappe des noces de Cana) ou encore ceux, minuscules, percés au trépan, entre les orteils.