Le cycle du combustible nucléaire, aussi appelé chaîne du combustible nucléaire, est l'ensemble des opérations destinées à fournir du combustible aux réacteurs nucléaires, puis à gérer le combustible irradié, depuis l'extraction du minerai jusqu'à la gestion des déchets. Ces opérations constituent alors les différentes étapes du cycle du combustible nucléaire qui interviennent en amont ou en aval du cycle selon qu'elles se déroulent avant ou après son irradiation dans un réacteur.
Il existe plusieurs stratégies de cycle du combustible qui se distinguent par l'absence ou la présence de certaines étapes, en particulier celles d'enrichissement de l'uranium et de traitement du combustible irradié. En 2006, les cycles du combustible mis en œuvre dans le monde peuvent être répartis en deux grandes catégories. Les cycles sans recyclage consistent à considérer tout le combustible irradié comme déchet. Les cycles avec recyclage partiel consistent à extraire du combustible irradié déchargé des réacteurs tout ou partie des matières valorisables – c'est-à-dire susceptibles d'être réutilisées pour fournir de l'énergie – afin de fabriquer du combustible neuf. Théoriquement, un cycle est dit ouvert lorsque les matières valorisables du combustible irradié ne sont pas recyclées. Un cycle est dit fermé dans le cadre d'un recyclage des isotopes fissiles.
Usuellement, le cycle du combustible est décomposé en une phase amont et une phase aval par rapport à l'irradiation en réacteur.
Cette décomposition est quelque peu perturbée lorsque le cycle intègre des opérations de recyclage. En effet, le traitement du combustible est une étape de l'aval du cycle pour le combustible irradié. En revanche, le recyclage des matières valorisables est une étape de l'amont du cycle pour le combustible neuf fabriqué à partir de ces matières valorisables.
Les opérations de l'amont du cycle consistent en l'extraction et la mise en forme physico-chimique des matières fissiles pour leur usage en réacteur. L'amont du cycle comprend jusqu'à quatre étapes.
L'extraction de l'uranium naturel permet d'obtenir les ressources fissiles nécessaires à la fabrication du combustible. Elle est réalisée en 2 étapes. Le minerai, dont la teneur est de 1 à 2 kg d'uranium par tonne, est extrait d'une mine souterraine ou à ciel ouvert. Il est ensuite concentré par attaque et extraction chimique pour former le yellowcake, une pâte jaune dont la teneur est d'environ 750 kg d'U/t.
Les principaux pays producteurs sont le Canada et l'Australie. En 2006, la production mondiale annuelle est de l'ordre de 40 000 t d'uranium.
Le yellowcake répond à des objectifs de facilité de transport (concentration). Cependant, les technologies d'enrichissement de l'uranium actuellement mises en œuvre nécessitent la conversion préalable de l'U3O8 en hexafluorure d'uranium UF6.
La conversion est réalisée en deux étapes. Le raffinage par dissolution et extraction permet d'obtenir un nitrate d'uranyle UO2(NO3)2 de grande pureté (>99,95 %). La conversion en elle-même met en œuvre une série de procédés chimiques (précipitation, calcination, réduction, fluoration et oxydation) pour obtenir l'hexafluorure d'uranium.
Les capacités mondiales de conversion sont réparties au sein des usines de douze pays : Canada, France (usine de Malvesi dans l'Aude), Fédération de Russie, Royaume-Uni, États-Unis, Argentine, Brésil, Chine, République de Corée, Pakistan, Japon et Iran.
L'UF6 obtenu au terme de l'étape de conversion chimique n'est pas directement exploitable en réacteur. En effet, les réacteurs à eau légère (REP et REB par exemple) sont caractérisés par des captures absorbantes dans le modérateur. Cette dégradation du bilan neutronique nécessite un surcroît de neutrons, fourni par l'emploi d'uranium enrichi en isotope 235. Les réacteurs modérés à l'eau lourde bénéficient d'un bilan neutronique suffisamment excédentaire pour fonctionner à l'uranium naturel. Le combustible destiné aux CANDU peut donc se passer de l'étape d'enrichissement.
L'augmentation de la teneur de l'uranium en son isotope 235 est l'étape dite d'enrichissement. Deux technologies sont actuellement mises en œuvre : la diffusion gazeuse et l'ultra-centrifugation. À l'issue de cette étape, l'uranium enrichi (sous forme d'hexafluorure) peut servir à la fabrication de combustible tandis que l'uranium appauvri est entreposé pour utilisation ultérieure ou considéré comme déchet.
En 2001, les capacités mondiales d'enrichissement s'élevaient à 50 millions d'UTS par an, réparties sensiblement à parité entre les deux technologies.
L'étape de fabrication du combustible est destinée à donner aux matières nucléaires la forme physico-chimique adéquate pour une irradiation en réacteur. Les centrales électrogènes utilisent un combustible d'oxyde d'uranium UOX (Uranium OXide) ou un combustible métallique (réacteurs Magnox par exemple).
La première étape de la fabrication du combustible comprend la modification des caractéristiques physico chimiques des matières fissiles. Cette étape est différente selon les filières. Les matières fissiles sont ensuite encapsulées dans des gaines pour constituer des crayons. Enfin, ces crayons sont mis en réseau dans des assemblages combustibles.
De nombreux pays disposent d'usines de fabrication de combustible. Les capacités mondiales de fabrication sont de l'ordre de 12 000 tML/an (tML : tonnes de métal lourd) pour le combustible UOX des réacteurs à eau légère et 5 000 tML/an pour le combustible des réacteurs à eau lourde (majoritairement au Canada). Les autres usines de fabrication concernent le combustible AGR (au Royaume-Uni) ainsi que les combustibles MOX pour REP et RNR.
Lors de l'irradiation en réacteur, le combustible subit des modifications physico-chimiques dues aux réactions nucléaires sous flux neutronique.
L'usure du combustible est évaluée par son taux de combustion ou burnup en GW.jr/tML. Le combustible est d'autant mieux utilisé que le taux de combustion est élevé et l'enrichissement résiduel faible. Toutefois, de hauts taux de combustion détériorent la gaine et les caractéristiques neutroniques du cœur (sûreté des plans de chargement).
Après passage en réacteur, le combustible UOX irradié contient donc de l'uranium 235 et 238 avec un enrichissement moindre que dans le combustible neuf, d'autres isotopes de l'uranium en faibles quantités, du plutonium dont l'isotopie dépend du taux de combustion, des actinides mineurs et des produits de fission. Le combustible MOX irradié contient les mêmes composants en proportions différentes.
Il existe 440 réacteurs nucléaires en opération dans le monde en 2005.
Les opérations de l'aval du cycle consistent à gérer les matières radioactives issues de l'irradiation du combustible. L'aval du cycle comprend des opérations de transformation physico-chimique du combustible irradié ainsi que la gestion à court et long terme des déchets radioactifs. La radioactivité des matières de l'aval du cycle conduit à l'émission de rayonnements ionisants ainsi qu'à un dégagement thermique important, ce qui contraint l'ensemble des procédés mis en œuvre.
Le combustible déchargé des réacteurs est fortement irradiant gamma et neutron et dégage une chaleur importante due aux décroissances radioactives. La première phase de l'aval du cycle consiste donc à gérer le rayonnement et la thermicité des assemblages.
Le combustible est tout d'abord stocké en centrale dans la piscine dédiée du bâtiment combustible. L'eau assure les rôles de radioprotection et de dissipateur thermique. Le stockage en eau dure a minima quelques années afin de diminuer la puissance résiduelle du combustible à travers la décroissance radioactive des produits de fission à vie courte. Le combustible irradié est ainsi plus facile à transporter.
Dans un second temps, le combustible irradié est placé dans un site d'entreposage. Cette étape permet de gérer les flux et la thermicité dans l'attente d'un stockage définitif ou d'un traitement. Usuellement, cet entreposage est réalisé en piscine. L'entreposage à sec (sous air ou atmosphère inerte) se développe toutefois rapidement. Selon les démonstrations de sûreté, les entreposages peuvent s'envisager sur des durées de l'ordre de 50 à 100 ans.
Après irradiation en réacteur, le combustible usé contient des matières dites valorisables (uranium faiblement enrichi et plutonium principalement, actinides mineurs sous certaines hypothèses) et des produits de fission. Le traitement du combustible irradié consiste à séparer les matières valorisables des déchets.
Selon le procédé de séparation mis en œuvre, les différents actinides peuvent être extraits isolément ou conjointement. Par exemple, le procédé PUREX extrait isolément l'uranium et le plutonium tandis que les produits de fission et les actinides mineurs sont extraits conjointement. À l'issue de ce procédé, les actinides mineurs et les produits de fission sont calcinés puis vitrifiés au sein d'une matrice inerte qui assure la stabilité physico-chimique du colis de déchets. Les autres matières disponibles sont le plutonium (sous forme métal ou oxyde), qui peut être utilisé conjointement avec de l'uranium appauvri afin de fabriquer du combustible MOX et l'uranium, dont l'enrichissement est égal à celui du combustible irradié.
Les capacités mondiales de traitement sont concentrées dans un nombre restreint de pays : France - Usine de retraitement de la Hague (1 700 tonnes/an), Royaume-Uni - Sellafield (900 tonnes/an), Russie - Mayak (400 tonnes/an) et Japon (14 tonnes/an) pour les combustibles des réacteurs à eau légère, Royaume-Uni (1 500 tonnes/an) et Inde (275 tonnes/an) pour les autres combustibles. L'usine de retraitement de West Valley aux États-Unis est arrêtée depuis 1972.
Les déchets du procédé de traitement (produits de fission et actinides mineurs vitrifiés dans le cadre du procédé PUREX, coques et embouts compactés, etc.) sont entreposés dans l'attente d'une solution définitive d'évacuation. Dans le cadre d'un cycle sans traitement, les combustibles irradiés sont considérés comme des déchets. Cet entreposage, qui vise une durée supérieure à celle requise pour l'entreposage intermédiaire, consiste à conditionner les matières radioactives puis à les entreposer dans des ouvrages en surface ou sub-surface sur une durée séculaire ou pluri-séculaire.
Pendant la période d'entreposage, les isotopes radioactifs décroissent, ce qui diminue à la fois l'activité et la thermicité des matières entreposées. Au terme de cette étape, les matières radioactives sont donc plus faciles à manipuler (pour un éventuel traitement) et moins contraignantes en termes d'émission de chaleur dans l'optique d'un stockage en couche géologique.
Le 30 septembre 2003, un centre d'entreposage est mis en service aux Pays-Bas avec une durée de vie prévisionnelle de 100 ans : l'installation HABOG, exploitée par COVRA.
Le stockage en couche géologique profonde consiste à conditionner les déchets, puis à les disposer dans des ouvrages souterrains adaptés. Certains types de déchets, tels ceux de haute activité et à vie longue (y compris éventuellement des assemblages de combustible irradié) et ceux de moyenne activité et à vie longue, émettent pendant des durées pluri-séculaires ou pluri-millénaires des rayonnements ionisants. L'objectif d'un stockage profond est de garantir l'absence d'impact de ces déchets sur le long terme, en situation normale ou dégradée.
En 2006, il existe plusieurs laboratoires de recherche souterrains dans le monde, destinés à l'évaluation de la faisabilité des différents concepts. Différentes formations-hôtes sont étudiées : tuf, granite, sel, argile, etc. Une installation pilote existe aux États-Unis pour le stockage de déchets militaires (WIPP). Quelques pays ont avalisé ce mode de gestion de long terme.
Bien que le transport n'opère pas en lui-même de transformation du combustible, il fait partie intégrante du cycle du combustible. Les matières radioactives sont transportées sous forme solide, mis à part l'hexafluorure d'uranium considéré comme un gaz. Le transfert des assemblages neufs et usés ainsi que des matières radioactives et des déchets est réalisé dans des emballages spécifiquement conçus.
Les contraintes liées à la radioactivité varient selon l'activité des matières. Alors que les assemblages neufs de combustible uranium émettent peu et ne nécessitent pas de blindage, le combustible usé de même que les déchets de haute-activité demandent des précautions spécifiques.