L'impossibilité de résoudre l'énigme est une conséquence du théorème de Jordan. Une géométrie pour laquelle une solution existe doit donc admettre des courbes de Jordan qui ne divisent pas l'espace en deux composantes connexes par arcs. Comme le montre le paragraphe intitulé Topologie géométrique, la recherche d'une solution sur une sphère est vaine, une méthode rapide pour s'en convaincre est de remarquer que le théorème de Jordan est valide sur cette géométrie.
En revanche, le théorème ne s'applique pas si l'espace n'est pas orientable. Dans un espace non orientable, le côté droit de certaines courbes finit par devenir le côté gauche. Autrement dit, le concept de droite et de gauche ne fait pas sens sur un tel espace. Tel est le cas sur un ruban de Möbius. La ligne à égale distance des deux bords possède cette propriété. Placer les trois maisons et les trois fournisseurs sur une telle ligne, à l'image de la figure de gauche, est judicieux. Les six premières canalisations n'ont alors pas coupé la géométrie en deux composantes connexes par arcs.
Pour comprendre ce qu'il advient une fois ces six premières canalisations posées, le plus simple est de construire un ruban de Möbius, de dessiner les différents nœuds et de couper effectivement le ruban. On obtient la figure en haut à droite (on n'a pas représenté la double torsion induite par le découpage dans la mesure où celle-ci ne change pas la résolution de l'énigme). Le ruban devient un unique nouveau ruban, deux fois plus long et deux fois moins large. Une des frontières du ruban contient maintenant deux séries des six nœuds à la suite l'une de l'autre.
Pour une raison de simplicité, il est plus simple de déformer le cylindre obtenu. On resserre la frontière ne contenant pas les nœuds jusqu'à ce que cette frontière soit réduite à un point, on ajoute alors ce point (on a vu précédemment que cela ne change rien à la résolution de l'énigme) pour obtenir un cône. Aplatir ce cône, ce qui ne change encore rien à l'existence ou l'absence de solution, donne la figure en bas à droite. Il devient aisé de trouver comment placer les trois dernières canalisations. La solution en bas à droite est celle qui est illustrée à gauche, une fois réalisées les transformations inverses.
Le ruban de Möbius est un exemple de surface qui ne satisfait pas le théorème de Jordan car il n'est pas orientable. D'autres surfaces sont orientables et ne satisfont néanmoins pas le théorème. C'est le cas du tore. Il existe cette fois, non pas un, mais deux types de courbes de Jordan dont le complémentaire est connexe par arcs. Pour cette raison, il est possible de résoudre l'énigme, même avec quatre maisons et quatre fournisseurs. Le fait de considérer une géométrie contenant un trou, comme le tore autorise la représentation de graphe non planaire. Tout graphe se représente sur une surface ayant un nombre de trous, encore appelé genre de la surface, suffisamment élevé. Sur une telle surface, et à condition de s'y prendre convenablement, il existe deux courbes de Jordan qui ne créent pas de nouvelles faces, l'équation d'Euler s'écrit alors n - a + f = 0. S'il existe quatre maisons et quatre fournisseurs, le graphe est composée de huit nœuds et seize arêtes, ce qui implique l'existence de huit faces. Le nombre moyen d'arêtes par face est le double du nombre d'arêtes, on trouve donc comme valeur moyenne quatre. Comme c'est aussi le nombre minimal d'arêtes pour une face, la solution ne comporte que des faces à quatre arêtes.
La première courbe de Jordan est illustrée sur la figure en haut à gauche. Comme pour le ruban de Möbius, on obtient un cylindre, illustré à droite. Cette fois-ci, les nœuds ne se trouvent pas tous en haut mais une série est sur la frontière haute et une sur la frontière basse. La technique précédente, pour transformer le cylindre en disque reviendrait à identifier les différents nœuds en un unique point, ce qui n'est pas acceptable. En revanche, il est possible d'établir un lien entre le nœud M1 situé en bas (avec les notations précédentes M1 correspond à la première maison. Les maisons sont illustrées en bleu sur les figures) et le nœud F2 (qui désigne le deuxième fournisseur. Les fournisseurs sont illustrés en rouge sur les figures). Ce lien est illustré en vert sur la figure en haut à droite. On obtient alors une figure comparable à un disque. Ce disque, illustré en bas à droite, comporte dix-huit nœuds. Chaque nœud est représenté deux fois, à l'exception des nœuds M1 et F1 qui le sont trois fois. La zone supérieure est représentée en gris clair et celle inférieure en gris foncé. Sous cette forme de disque, trouver la bonne configuration est aisée.
On peut se demander si une solution existe pour cinq fournisseurs et cinq maisons. Le même calcul montre que le nombre moyen d'arêtes par face est égal à dix tiers, soit strictement inférieur à quatre. Or quatre est le minimum d'arêtes pour construire une face pour cette énigme. La recherche d'une solution est donc vaine.
Un raisonnement simple permet de déterminer la bonne configuration et sans tâtonnement. La première courbe de Jordan fournit huit liens. Le neuvième lien transforme la question en un problème plan. Il reste encore sept liens à placer et l'on sait déjà que chaque face (c'est-à-dire chaque composante connexe par arcs du complémentaire) est bordée par exactement quatre liens.
Sous sa forme de disque, on dispose de dix-huit nœuds, qui sont des répétitions des huit nœuds présents sous la forme du tore. Ils sont répétés deux fois, à l'exception des nœuds M1 et F2 qui sont répétés trois fois. Sous la forme du disque, l'ajout d'un lien, pour créer des faces contenant quatre liens, se traduit par la pose d'une canalisation qui saute deux nœuds pour se connecter au suivant. Comme, in fine, ce sont les seuls faces qui existent, il est inutile de rechercher d'autres types de pose de canalisation. Placer un lien rend alors inaccessible, sous la forme du disque, les deux nœuds qu'il enserre.
Il reste encore à remonter la solution sur le tore. La convention choisie consiste à représenter un côté de la première courbe de Jordan en gris foncé et l'autre en gris clair. Les canalisations qui restent proches de la première courbe de Jordan restent sur la même couleur, les autres sont celles qui font le tour du tore, à l'image de la neuvième canalisation. On obtient la première figure ci-dessous.
Cette solution n'est encore guère satisfaisante pour comprendre véritablement comment s'organisent les canalisations sur le tore. La représentation géométrique est plus simple en positionnant les nœuds de manière plus géométrique. Posons le tore à plat sur un plan horizontal. Sur le cercle de plus haute altitude, plaçons 4 nœuds sur deux diagonales orthogonales, de manière à ce qu'une diagonale supporte deux maisons et l'autre deux fournisseurs. Le cercle correspond au quatre premières canalisations. Sur le cercle de plus basse altitude, on agit de même, puis on pivote les quatre nouveaux nœuds d'un quart de tour, le cercle de basse altitude correspond à quatre canalisations supplémentaires. En reliant par l'intérieur un nœud au nœud situé exactement au dessous, on obtient encore quatre canalisations. Pour les quatre dernières, imaginons que les canalisations soient élastiques, on relie, à l'aide de quatre canalisations les quatre nœuds supérieurs au quatre nœuds inférieurs en passant par l'extérieur, puis une rotation d'un demi-tour est appliquée aux extrémités inférieures des quatre derniers nœuds. Cette configuration est représentée sur la figure la plus basse. Les huit faces, seize arêtes et huit nœuds sont plus aisément visibles. Les huit liens sombres correspondent à la première courbe de Jordan.