Les péages, sous des dénominations diverses, sont au Moyen Âge la principale ressource financière appliquée aux grands chemins, mais les dons permirent également de construire certains ouvrages.
Les dons charitables ou inspirés par des motifs pieux sont attestés par deux témoignages intéressants. Le premier est le pont de la Guillotière sur le Rhône, entrepris vers 1245 pendant le séjour du pape Innocent IV à Lyon, sous l'impulsion que donna ce pontife soit en y contribuant de ses propres deniers, soit en accordant des indulgences à ceux qui concourraient à cette bonne œuvre.
Le second est postérieur d'un siècle à celui-ci et d'un autre genre. C'est une déclaration royale de Philippe de Valois du 14 octobre 1346.
qui a pour objet de remettre en usage le denier à Dieu, prélevé par les marchands qui faisaient le commerce, transport et emploi de métaux précieux dans les monnaies royales, sur les pesées desdits métaux monnayés. C'était une certaine quantité de deniers mis dans une boîte à part. Malheureusement ces dons étaient détournés de leur utile destination au moyen de lettres de don extorquées frauduleusement à la générosité ou à la faiblesse du roi, par ses gens et officiers ou autres.
La déclaration, qui avait pour but d'arrêter ce détournement, y réussit-elle? Quelle était d'ailleurs l'importance de cette ressource? On l'ignore. On sait seulement que les hôtels royaux des monnaies, appelés aussi monnaies royales, étaient fort nombreux, et qu'à travers plusieurs changements, ils s'élevèrent jusqu'au nombre de quarante. Il y en avait encore vingt-sept en 1711. De là des transports considérables de métaux et d'espèces, de nombreux voyages d'agents et d'ouvriers, et par suite un motif puissant de concourir à l'entretien de la viabilité des chemins. Ce concours devait d'autant plus être réclamé que les ouvriers monnayeurs jouissaient de plusieurs privilèges et de l'exemption de tous droits et impôts.
Le roi, dans les provinces ou les villes qui lui appartenaient en fief ou apanage, faisait exécuter, sur ses revenus, des ponts, chaussées ou autres ouvrages des chemins publics. Il prenait les uns entièrement à sa charge; pour d'autres, il y faisait concourir, par levée spéciale de deniers, les localités qui en profitaient ou bien les communautés d'habitants fournissaient le principal de la dépense, et le roi se bornait à les aider ou encourager par une subvention. Mais le domaine royal ne pouvait donner beaucoup à ces travaux. Il était grevé de bien des charges de diverses natures, de mille concessions arrachées à la faveur royale, quelquefois à sa détresse. L'article 17 de l'ordonnance du 25 mai 1413 fait l'aveu naïf, renouvelé de la déclaration du 14 octobre 1346, des causes du détournement de ces deniers de leur destination. En dehors du domaine, le roi faisait parfois abandon à des villes, pour leurs ouvrages de voirie, de certains droits de police ou autres dont il avait le produit partiel ou total
Les revenus directs du domaine et de certains droits de souveraineté formèrent d'abord toutes les ressources pécuniaires du roi, ce que l'on appelait le trésor royal. Quand la royauté eut agrandi son influence aux dépens du pouvoir seigneurial, comme gardienne d'intérêts communs à tout le royaume, quand les guerres nationales vinrent remplacer les guerres entre les vassaux du même suzerain, on leva pour les soutenir des contributions sur toutes les provinces. Ces contributions se nommèrent les aides. Temporaires d'abord, comme leur motif, elles ne tardèrent pas à devenir permanentes et s'accrurent successivement. Leur emploi s'étendit à d'autres objets que la guerre et leur perception revêtirent diverses formes. Dès lors le trésor royal s'alimenta de deux sortes de produits; les revenus du domaine du roi, qui prirent le nom de finances ordinaires et les aides, qui furent les finances extraordinaires.
Parmi les aides, figurent les gabelles, impôt sur le sel qui devint bientôt considérable. Il arriva alors qu'on préleva sur cet impôt certaines sommes, ou même qu'on l'augmenta, dans quelques villes ou provinces, de certains suppléments, appelés crues, pour subvenir à des travaux utiles à la circulation. C'est ce que l'on voit dans des lettres patentes du 3 mars 1402, pour réparations du pont d'Auxerre; dans d'autres du 24 mars 1416, pour affectation aux travaux du port d’Aigues-Mortes, du pont Saint-Esprit et de quelques rivières, d'un impôt supplémentaire de douze deniers établi le 22 octobre 1415 sur chaque quintal de sel qui se vendra dans tous les greniers à sel du Languedoc.
La corvée, emploi forcé et gratuit de la population aux travaux des grands chemins, qui avait été instituée par les carolingiens en 854 et qui sera mise en œuvre sur une plus grande échelle au XVIIIe siècle, disparaît en fait du Xe au XVIIe siècle. Sans doute le droit seigneurial de corvée s'exerça par les seigneurs sur leurs vassaux pendant toute la féodalité et put être appliqué par eux à la réparation et à l'entretien de leurs chemins privés, des avenues de leurs châteaux ou de quelques chemins vicinaux ; mais il n'en fut fait alors, par extension, ou plutôt peut-être par dérogation aux principes du régime féodal, aucune application d'intérêt public.
Des réquisitions pour faciliter, en temps de guerre, le service et le passage des années, ou concourir aux travaux de défense des châteaux et des places fortes existaient bien, mais cela était ponctuel et pour un besoin spécifique. On ne voit non plus, dans la même période, imposer aux riverains des grands chemins aucune obligation de travail manuel ou de contribution spéciale pour leur entretien.
L’origine des péages en Gaule remonte aux Romains. On les nommait aussi travers, chaussée, rouage, barrage, pontenage, port ou passage. Ils avaient pour objet de pourvoir aux dépenses de construction et d'entretien d'ouvrages nécessaires à la circulation. D’autres péages apparurent avec l'anarchie féodale et étaient des perceptions purement fiscales, souvent des exactions plus ou moins déguisées, au profit des seigneurs propriétaires de fiefs.
Sans ces péages dédiés aux routes, la presque totalité des ponts et autres ouvrages destinés à franchir les passages difficiles, qui furent construits en France jusqu'au XVIIe siècle, n'auraient pas existé. Les autres ressources, accidentelles et précaires, précédemment citées eussent été insuffisantes.
Mais, après la construction, il fallait entretenir, réparer et surtout reconstruire. Les nombreux récits de chutes ponts construits au Moyen Âge accusent leur peu de solidité, surtout dans les fondations, et l'inexpérience de leurs constructeurs. D'ailleurs, soit à cause de cette inhabileté pour les maçonneries, soit à cause de l'insuffisance des ressources ou de l'éloignement et des difficultés de transport des matériaux, beaucoup de ponts se faisaient en bois et demandaient ainsi souvent à être renouvelés.
Or les réparations et les reconstructions ne se faisaient pas, bien que les péages continuaient à être perçus. Ainsi les péages, nés du besoin de faciliter la circulation, sont devenus un de ses principaux obstacles et ont justifié l'antipathie prononcée qui a survécu en France à leur généralisation et à leurs abus.
Une cause non moins grave de l'impopularité durable qui s'est attachée aux péages, c'est qu'ils n'étaient pas acquittés également par tout le monde. Il y avait des privilèges d'exemption de péages, comme il y eut plus tard, en même matière de voies publiques, les privilèges d'exemption de corvée. L'article 196 de l'ordonnance sur la police générale du royaume, du 25 mai 1413, s'efforce de réduire ces privilèges aux officiers de la couronne et des grands seigneurs en service actif
Outre le détournement des produits des péages au profit personnel de leurs possesseurs, il existait encore un autre abus, qui naquit sans doute le plus souvent à la faveur des troubles et des guerres civiles, ou qui fut le fruit d'intrigues et d'obsessions dont le pouvoir ne savait pas assez se défendre : c'était l'établissement de péages sans concessions régulières. Les édits et les ordonnances les signalent, pour les déclarer toujours illégitimes et pour les abolir.
Il faudra encore un siècle et la volonté énergique de Colbert pour mettre de l’ordre dans le royaume et aboutir que le produit des péages routiers soit enfin affecté à la route et ses ouvrages.