Histoire du procédé Haber-Bosch - Définition

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Première Guerre mondiale

Au début de la Première Guerre mondiale, en 1914, les dépôts de salpêtre du Chili étaient essentiels aux efforts de guerre allemand et allié. L'Allemagne dépêcha sur place quelques navires menés par le contre-amiral Maximilian von Spee. Le 1er novembre 1914, au large des côtes du Chili, son escadre dut affronter des navires britanniques lors de la bataille de Coronel. Plus moderne, l'escadre de Von Spee coula deux navires britanniques et prit le contrôle de cette région. Par contre, Von Spee savait qu'il ne pouvait maintenir sa position : il décida de retourner en Allemagne, mais son escadre dut affronter des navires britanniques mieux armés et fut détruite le 8 décembre 1914 lors de la bataille des Falklands. À ce moment, les alliés reprirent le contrôle des dépôts de nitrates du Chili. L'Allemagne, incapable d'importer les nitrates en provenance du Chili, devait trouver d'autres sources d'azote pour la production d'explosifs.

À partir de 1914, des hommes d'affaires allemands, faisant valoir le succès de différents sites de production de cyanamide, commencèrent à solliciter le gouvernement allemand pour qu'il finance la construction d'autres sites. Aux yeux de l'Allemagne en guerre, le principal défaut du procédé Haber-Bosch, moins coûteux, était qu'il ne pouvait produire de l'acide nitrique, précurseur d'explosifs. En pratique, il est difficile de convertir directement l'ammoniac en acide nitrique, mais Bosch se rendit compte que l'ammoniac pouvait être converti en salpêtre du Chili qui, à son tour, pouvait l'être en acide nitrique. La deuxième transformation était industriellement maîtrisée en Allemagne, mais pas la première.

En septembre 1914, Bosch fit une promesse hardie. Le site d'Oppau fabriquerait 5 000 tonnes de salpêtre par mois à partir de mars 1915, puis augmenterait sa production jusqu'à 7 500 tonnes par mois. Ce salpêtre serait converti en acide nitrique, précurseur d'explosifs. En contrepartie, le gouvernement allemand devait financer la construction des installations au coût de six millions de marks. Lorsque la « Promesse du salpêtre » fut signée, le lobby du cyanamide devint moins influent.

BASF parvint presque à respecter la promesse faite par Bosch. En effet, le 1er mai 1915, ce dernier annonça aux officiels du ministère de la Guerre que le site d'Oppau pouvait fabriquer de l'acide nitrique.

L'armée allemande consommait toute la production d'Oppau et, pourtant, elle ne parvenait pas à maintenir son stock d'explosifs. De plus, Oppau dut subir des bombardements aériens, une autre nouveauté à l'époque. Le gouvernement allemand ne pouvait risquer de perdre sa seule source importante d'azote fixé : il demanda à BASF de construire un autre site de production.

Carte sommaire montrant la position de Leuna, près de la ville de Mersebourg en Allemagne.
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Leuna
Carte sommaire montrant la position de Leuna, près de la ville de Mersebourg en Allemagne.

BASF, malgré sa taille et l'assurance que sa production d'ammoniac serait complètement écoulée, ne voulait pas assumer à elle seule le coût de construction. La société craignait notamment que le cours de l'ammoniac ne s'effondre après la guerre. En effet, le site serait à terme capable de produire deux fois plus que celui d'Oppau. Après des négociations s'étalant sur plusieurs mois, le gouvernement allemand, pris dans une guerre des tranchées qu'il n'avait pas anticipée, offrit à BASF un contrat avantageux : il lui prêta 30 millions de marks et y ajouta différents avantages. En contrepartie, le prix de l'ammoniac devait rester inchangé et le prêt serait remboursé une fois que BASF ferait des bénéfices.

Dès que l'entente fut conclue, Bosch et ses collaborateurs entamèrent le processus de construction du deuxième site. Ils avaient choisi le village de Leuna près de Mersebourg, située plus à l'intérieur de l'Allemagne, car Oppau, près de la frontière française, était régulièrement bombardée par les forces alliées. L'énergie nécessaire au fonctionnement des compresseurs proviendrait de machines à vapeur : le site était près d'une rivière, la Saale, dans une région riche en dépôts de lignites, la vallée de la Saxe.

Comme à Oppau, il fallait tout construire à neuf : des unités de purification de dihydrogène, des nouveaux réacteurs chimiques, des échangeurs de chaleur, des unités de conversion de l'ammoniac en nitrates, des systèmes ferroviaires pour le transport des différentes substances, des bâtiments et des logements pour les employés. Malgré la taille et la complexité des appareils, les travaux furent terminés en 12 mois sous la supervision de Carl Krauch, chimiste et futur industriel. Bosch, adepte de l'efficacité, fut étonné que le site soit construit si rapidement. Des réacteurs chimiques furent démarrés le 27 avril 1917. Le lendemain, des wagons étaient remplis d'ammoniac.

Vue sur un site industriel de Leuna, ville allemande.
Vue sur un site industriel de Leuna, ville située en RDA de 1947 à 1989 et intégrée à la RFA à partir de 1989. Photographie prise en août 1991.

La taille du site de Leuna, complexe industriel fortement intégré, était de 2 miles par 1 mile (3,2 km par 1,6 km). Le site produisit 36 000 tonnes d'ammoniac en 1917, l'année d'après, c'était 160 000 tonnes. La presque totalité de sa production était destinée à l'armée allemande. La technologie des fours à arcs électriques de Norsk Hydro, plus coûteuse en énergie et capable de fixer au mieux quelques dizaines de milliers de tonnes d'azote par année, et celle du cyanamide, plus coûteuse en énergie également, étaient à toute fin pratique dépassées.

Selon Smil, les deux ententes passées entre le gouvernement allemand et BASF fut à l'origine de la montée en puissance des complexes militaro-industriels modernes. Pour Hager, BASF, en signant la Promesse du salpêtre, devint partie du complexe militaro-industriel allemand. Selon Jeffreys, le « programme de synthèse de nitrates » et le développement d'un programme d'armes chimiques ont amené les industries chimiques allemandes et le gouvernement allemand à dépendre les uns des autres.

La Première Guerre mondiale cessa officiellement le 11 novembre 1918. Vaincue, l'Allemagne était néanmoins en bien meilleur état que la France, qui exigeait réparations. Tout ce qui avait de la valeur en Allemagne serait probablement pillé, y compris les installations de BASF. De plus, un fait n'avait pas échappé aux dirigeants des pays alliés : l'Allemagne avait prolongé la guerre d'au moins une année grâce aux sites d'Oppau et de Leuna.

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