En mathématiques, un orbifold est une généralisation de la notion de variété contenant de possibles singularités. Ces espaces ont été introduits explicitement pour la première fois par Satake en 1956 sous le nom de V-manifolds. Pour passer de la notion de variété (différentiable) à celle d'orbifold, on ajoute comme modèles locaux tous les quotients d'ouverts de Rn par l'action de groupes finis. L'intérêt pour ces objets a été ravivé considérablement à la fin des années 70 par William Thurston en lien avec sa conjecture de géométrisation.
En physique, ces espaces ont été considérés initialement comme espaces de compactification en théorie des cordes car malgré la présence de singularités la théorie y est bien définie.
Lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre plus particulier de la théorie des supercordes, les orbifolds autorisés doivent avoir la propriété supplémentaire d'être des variétés de Calabi-Yau afin de préserver une quantité minimale de supersymétrie. Mais dans le cas où des singularités sont présentes, il s'agit là d'une extension de la définition originale des espaces de Calabi-Yau car ceux-ci sont en principe des espaces sans singularité.
Un orbifold (sans bord) O est un espace métrique muni d'un atlas orbifold, c’est-à-dire d'un ensemble de quadruplets où Ui est un ouvert de O, est un ouvert de Rn, Γi est un groupe fini agissant de façon lisse sur et φi est une application continue qui descend en homéomorphisme de dans Ui. L'ensemble de ces quadruplets doit vérifier :
Chaque quadruplet d'un atlas est appelé carte de O. Deux atlas définissent la même structure d'orbifold si leur réunion est encore un atlas. Lorsqu'il y a un risque de confusion, on notera | O | l'espace topologique sous-jacent à un orbifold O.
Un point ne possédant pas de carte pour lequel le groupe agissant est trivial est dit singulier ou exceptionnel.
Une application lisse entre deux orbifolds O et O' est une fonction continue telle que pour tout point x de O il existe des cartes et où et et une application lisse au-dessus de f qui soit équivariante par rapport à un certain homomorphisme de Γ dans Γ'. Une telle application est appelé immersion ou submersion si tous les le sont. Une immersion qui est un homéomorphisme sur son image est appelé un plongement. Un difféomorphisme est un plongement surjectif.
On construit la plupart du temps un orbifold comme espace quotient d'une variété (sans singularité) par une symétrie discrète de celle-ci. Si l'opération de symétrie ne possède pas de point fixe alors on sait que le résultat est encore une variété, mais si par contre il existe un ou plusieurs points fixes alors le quotient possède des singularités sur chacun de ceux-ci et est donc « véritablement » un orbifold.
Par exemple si on considère un cercle de rayon qui est une variété (de dimension 1) et qu'on le paramétrise par un angle alors on peut considérer les deux opérations suivantes
Alors , qui est une translation d'une demi-période, ne possède pas de point fixe. Le quotient associé, noté S1 / σ1 est donc encore une variété et de fait il s'agit encore d'un cercle mais de rayon .
par contre possède deux points fixe en et . n'est donc pas une variété mais bien un orbifold. Il est topologiquement équivalent à un segment et est singulier aux deux extrémités.
En dimension 2, l'exemple le plus simple est celui du quotient d'un disque ouvert par l'action d'une rotation. Le résultat est topologiquement un disque mais sa structure d'orbifold comprend un point singulier dont le groupe est cyclique (la singularité est dite conique).
Le premier exemple de surface orbifold qui n'est pas le quotient d'une variété lisse est obtenue en recollant l'exemple précédent et un disque lisse pour obtenir une sphère ayant un point exceptionnel conique.
Les orbifolds étant introduits en particulier pour donner une structure au quotient d'une variété par l'action d'un groupe fini, on veut pouvoir dire que si M est une variété sur laquelle agit un groupe fini G alors l'application est un revêtement et que si M est simplement connexe alors l'orbifold quotient a pour groupe fondamental G.
Un revêtement d'un orbifold O par un orbifold est une application continue telle que tout point x de O admette un voisinage U vérifiant : chaque composante connexe V de p − 1(U) admet une carte telle que soit une carte de O.
Il faut prendre garde au fait que l'application p n'est en général pas un revêtement entre espace topologiques.
On appelle revêtement universel de O un revêtement tel que pour tout revêtement il existe un revêtement tel que . D'après un théorème de Thurston, tout orbifold possède un revêtement universel qui est unique à difféomorphisme près.
Le groupe fondamental d'un orbifold est le groupe des automorphismes de son revêtement universel, c’est-à-dire des difféomorphismes de tels que . On le note π1(O) et on a bien .
La conjecture de géométrisation de Thurston affirme, grossièrement, que toute variété compacte orientable de dimension trois peut être découpée en un nombre fini de morceaux portant une structure géométrique. Dans le cas où la variété admet une action non-libre d'un groupe fini, il suffit de munir l'orbifold quotient d'une structure géométrique puis de remonter celle-ci sur la variété de départ. C'est pourquoi il était important de comprendre les orbifolds car, paradoxalement, il est plus facile de munir un orbifold (non-lisse) d'une structure géométrique que de le faire pour une variété lisse générale.
Par ailleurs les orbifolds de dimension deux peuvent jouer le rôle de bases de fibrés en cercles appelés fibrés de Seifert et qui jouent un rôle important comme morceaux de la décomposition de Thurston (la définition d'un fibré au-dessus d'un orbifold est adaptée de celle concernant les variétés par une démarche proche de celle utilisée plus haut pour les revêtements).