Un paradoxe est une proposition qui contient ou semble contenir une contradiction logique, ou un raisonnement qui, bien que sans faille apparente, aboutit à une absurdité, ou encore, une situation qui contredit l'intuition commune.
Le principe de causalité en science veut que tout événement soit la conséquence d'une cause. Et si à l'échelle microscopique certains phénomènes en physique quantique n'ont pas de cause, même la physique quantique n'autorise pas une cause à avoir lieu après son effet.
En introduisant la notion de voyage dans le temps (on ne parle ici que du voyage vers le passé : le voyage vers le futur est sans intérêt pour cette discussion), il en résulte deux possibilités de violer ce principe, et donc ainsi de créer des paradoxes temporels :
Ces deux paradoxes offrent deux théories du temps a priori inconciliables : en effet, suivant que l'on retient le premier type de paradoxe ou le second, on peut ou on ne peut pas modifier le passé. Certains auteurs n'ont pas toujours appréhendé l'existence de ces deux types, ce qui nous amène à un troisième paradoxe où les deux types sont mis en œuvre dans un même récit (par manque de cohérence ou par licence artistique). On verra différentes explications des paradoxes par la structure prêtée à l'univers pour autoriser l'un ou l'autre de ces paradoxes. Ces structures sont superposées par les auteurs mêlant les deux types.
Si un voyageur temporel rencontre son propre grand-père, qui n'a alors pas encore eu d'enfant, et le tue, alors ce voyageur ne peut pas exister. Mais si on fait cesser d'exister le voyageur, personne n'a tué son grand-père. La solution la plus courante à ce paradoxe est l'introduction d'un multivers.
Le cas inverse, celui d’un événement qui serait sa propre cause, est également souvent évoqué en science-fiction. Il est exclu dans l’hypothèse du multivers.
Le voyage dans le temps est en physique un concept très spéculatif; en fait la possibilité théorique d'un tel voyage n'est pas exactement réfutée, mais même si la possibilité existait les solutions sont d'une complexité rebutante.
Deux scientifiques ont proposé des solutions pour résoudre les paradoxes:
Le paradoxe temporel le plus connu est le paradoxe du grand-père selon lequel l'intervention tue l'aïeul de l'intervenant empéchant ainsi sa naissance… et donc son intervention. Ici, nous nous trouvons en face du paradoxe du premier type, mais l'auteur avance l'hypothèse d'une autocorrection du temps. En effet, le voyageur est voisin d'un architecte; malencontreusement, il empêche la naissance de ce voisin, mais les maisons réalisées par ce voisin, n'en sont pas moins dessinées par un autre architecte.
En voulant vérifier cette autocorrection du temps, le voyageur tente de tuer Bonaparte à Toulon en 1793; il suppose que l'autocorrection du temps doit amener à la prise de pouvoir par un autre empereur. Mais le voyageur temporel est contraint de tuer un garde avant de s'en prendre au lieutenant Bonaparte. Or, ce garde étant l'ancêtre du voyageur temporel (et n'ayant pas encore eu d'enfant), le voyageur ne peut exister en ayant tué le garde. Finalement Napoléon n'est pas tué, et on peut conclure que le temps s'est autocorrigé pour empêcher une modification importante de l'histoire, mais pas de la manière à laquelle le voyageur s'attendait.
Une variante est le voyageur temporel qui rencontre sa mère alors qu'elle est jeune fille et devient ainsi son propre père. Jean-Pierre Andrevon semble être le premier auteur à l'avoir formulé. Cependant Poul Anderson y oppose un argument génétique : aucun homme ne peut être son propre père puisque la reproduction sexuée ne transmet que la moitié des chromosomes de chaque parent. Ici, nous nous trouvons devant un paradoxe du second type. Dans Le Trésor des Paradoxes de Philippe Boulanger et Alain Cohen, ce paradoxe temporel de l'autogenèse est évoqué (page 333), en référence à une nouvelle de Robert A. Heinlein, All you zombies, "où l'origine du héros reste indécidable, car il n'existe qu'un seul et même individu remontant le temps, engendrant des clones de lui-même, et incarnant à lui seul toute sa famille, aïeux et descendants compris!" Les auteurs précisent que le voyage rétrotemporel conduirait à une exacerbation insolite des problématiques oedipiennes. Et ils replacent cette question dans la perspective d'une conception de la physique théorique (connue sous le nom de « point de vue d’espace-temps » de Richard Feynman) où les antiparticules comme le positron sont assimilables à des particules de charge symétrique (comme l’électron), mais évoluant vers le passé.
Le paradoxe temporel a été extensivement utilisé dans la littérature de science-fiction. Au point qu'est apparu l'idée de services gouvernementaux ou privés en charge de protéger l'histoire humaine des paradoxes néfastes.
Sur la même idée, il y a le TIME CORPS de Robert A. Heinlein et le service spatio-temporel de Christin et Mézière. Il y a aussi le THIB (Time Hacking International Bureau) de Kevin Bokeili.
Poul Anderson développe l'idée d'autocorrection du temps et mèle dans ses récits les deux types de paradoxes : on peut modifier le temps, mais celui-ci finira le plus souvent par se corriger, parfois en utilisant les actions des temponautes, et les effets des changements se seront estompés au bout de quelques décennies. Seules des interventions sur quelques instants clés peuvent modifier irrémédiablement l'Histoire (L'autre Monde, nouvelle de la Patrouille du temps)
L'histoire relate les efforts fait par différents clans, utilisant le voyage dans le temps, l'un pour empêcher, un autre pour faciliter et un autre encore pour altérer l'édition et le contenu d'un livre que doit écrire Asher Sutton.
Dès la 2e planche de la 2e aventure de la série publiée en 1968 La Cité des eaux mouvantes, les auteurs inventent une situation qui leur posera plus tard un vrai problème de cohérence : un dépôt de bombes à hydrogène explose, en 1986, près du pôle nord transformant radicalement l’aspect et l’organisation de la terre et c’est sur ces ruines, pendant l'âge noir, que naitra la Terre de Galaxity après l'invention de la machine spatio-temporelle en 2314. Les auteurs ne s’imaginaient pas faire vivre la série pendant encore 18 ans. Mais en 1980/1981, après la parution du diptyque Métro Châtelet direction Cassiopée et Brooklyn station terminus cosmos, il faut bien se rendre à l’évidence, Valérian agent spatio-temporel a un succès tel, qu’il n’est pas question de continuer la série dans l’incohérence et encore moins d’y mettre fin. Pierre Christin, fin connaisseur de science-fiction, va alors s’attacher dans le diptyque suivant, publié en 1983/1985, Les Spectres d'Inverloch et Les Foudres d'Hypsis, à surmonter l’incohérence. Il n'ignore pas que c'est malheureusement au prix d’un autre problème bien connu en SF, le paradoxe du grand-père. Si en remontant dans le passé vous tuez votre grand-père avant qu’il eut procréé, vous n’avez donc pas de père, si vous n’avez pas de père vous ne pouvez donc pas exister et si vous n’existez pas vous ne pouvez pas tuer votre grand-père. Autrement dit, si vous changez le passé, vous détruisez le présent et rendez impossible le futur, c'est le principe de causalité du paradoxe temporel.
Dans Les Foudres d'Hypsis, venant de 3152, le Superintendant du Service Spatio-Temporel aidé de Valérian et Laureline en empêchant en 1985 l’explosion nucléaire qui devait désorganiser la terre en 1986, va détruire le futur de celle-ci, donc rendre impossible la constitution de Galaxity qui s’est construite sur les ruines de la période noire de la terre. Si Galaxity n'a pas pu se construire pendant l'âge noir, la machine spatio-temporelle n'a pu être inventée en 2314 et Galaxity n'existe pas en 3152, Valérian ne peut exister dans ce siècle ni dans aucun autre d’ailleurs, à la différence de Laureline qui elle vient du Xe siècle, et si Valérian ne peut exister dans aucun siècle, comment justifier la série ? Heureusement les Shingouz négocient avec le Fils de la Trinité d'Hypsis le retour de Valérian et Laureline au XXe siècle avec leur astronef, autorisant ainsi la poursuite des voyages spatio-temporels permettant aussi la continuation de la saga.
Le paradoxe du grand père n'est pas pour autant écarté. Les auteurs font alors intervenir Jal, autre agent spatio-temporel rescapé de Galaxity, qui veut répliquer en 1988 la catastrophe évitée en 1985. Valérian et Laureline, avec l'aide de Monsieur Albert, font échouer cette tentative Sur les frontières. Pierre Christin n'adopte donc pas la théorie de l'autocorrection qui veut que le temps répare le temps. En 2001 dans Par des temps incertains, une nouvelle négociation apporte la réponse à deux questions : il existe deux histoires parallèles de la Terre post XXe siècle et la terre de Galaxity du XXXIIe siècle se trouverait quelque part dans une "zone improbable". Ainsi Schroeder et Sun Rae n'ont pas la mémoire de leur aventure dans La Cité des eaux mouvantes et dans les Terres en flammes. Christin fait le choix de la théorie multivers des univers disjoints. C’est le thème des derniers albums Au bord du Grand Rien en 2004, L'Ordre des Pierres en 2006 et L'OuvreTemps, peut être en 2008.
Le Maître des montagnes raconte l'histoire d'un esclave échappant à un chef de guerre et tombant amoureux d'une femme. Des translations temporelles en partie incontrolées le verront devenir rétroactivement le chef de guerre puis victime de sa compagne devenue à son tour le chef de guerre par dégout de la situation précédente. D'autres albums utilisent le ressort scénaristique de l'adulte revenu dans le passé pour s'aider lui-même.
Cet album de bande dessinée est le premier de la série Yoko Tsuno à utiliser le voyage temporel. Venue du futur pour éviter la destruction de la Terre, Monya modifie le cours du temps et justifie sa décision de ne pas revenir à son époque par le fait que le temps ait "emprunté une autre spirale", bien qu'elle y ait envoyé en pilotage automatique le "translateur", nom donné à sa machine à voyager dans le temps. Dans l'épisode, en remontant une quarantaine d'années avant son époque, Yoko Tsuno rencontre son oncle qui interroge sa future mère sur sa propre existence. Inquiète de ce trouble sur son propre avenir, Yoko interroge sa famille sur ce fait dès son retour à son époque.
Dans sa saga de bande dessinée Universal War 1, Bajram met en scène un formidable casse-tête qui repose dans son entier sur le paradoxe temporel. Il fait évoluer ses personnages dans une époque future puis le continuum du temps va être indirectement changé par la destruction de la terre. Le souffle de l'explosion va projeter les personnages une trentaine d'années dans le futur et à l'extérieur de leurs galaxies. Les héros vont retourner dans le système solaire et vont y trouver une civilisation rigide, proche d'une dictature. Après avoir constaté la destruction de la terre, ils entreprennent de mener une révolution contre le régime en place. Mais un membre de leur équipage va mourir. Fou de douleur, son amant va se jeter avec une navette dans le générateur du "Wormhole" (une sorte de trou noir opaque et destructeur qui s'allonge indéfiniment) qui a détruit la Terre, créant ainsi une explosion de grande envergure détruisant la station orbitale qui la créée. A l'aboutissement de leurs projets, ils vont rencontrer le chef du régime en place, qui va leur révéler qu'il est lui même un membre de leur équipage, l'amant , "mort" dans l'explosion de la station. Il a en fait été ramené 65 ans dans le passé à cause de la puissance de l'explosion. A son retour sur la terre, il va entreprendre de ré-écrire l'histoire exactement comme elle s'est passée dans l'époque de sa situation initiale car il craint que la moindre intervention de sa part recréerait un paradoxe et détruirait l'univers. On retrouve à cet instant le paradoxe de l'écrivain quand ce personnage apporte dans sa navette les plans des moteurs antigravité de son époque. En vieillissant , il va assister à sa propre naissance. A la fin de ce flash back, le chef , alors agé de 137 ans, décide de créer un "wormhole" gigantesque après avoir désamorcé la révolution des héros qui étaient faite une mascarade visant à les amener ici afin de leurs raconter son histoire.
C'est alors qu'une armée d'hommes d'une civilisation inconnue apparait, détruit et pacifie toutes les armes et vaisseaux du Régime (les CIC). Puis, ils vont à la rencontre du Personnage principal de la saga, Kalish. Ils lui expliquent alors qu'ils sont les hommes d'une civilisation qu'il aurait fondée trois siècles auparavant en leur enseignant les équations permettant les voyages dans l'espace et le temps. Ils lui disent également qu'il leur a demandé de le rejoindre ici et maintenant, quand un wormhole gigantesque s'ouvrirait dans le ciel. Kalish part alors fonder cette civilisation en revenant trois siècles dans le passé. La boucle du temps ainsi bouclée, Bajram met en place dans sa saga une compilation de paradoxes temporels impressionnants qui combinent le paradoxe de l'écrivain et celui du grand-père.