La piézoélectricité (du grec piézein presser, appuyer) est la propriété que possèdent certains corps de se polariser électriquement sous l’action d’une contrainte mécanique et réciproquement de se déformer lorsqu’on leur applique un champ électrique. Les deux effets sont indissociables. Le premier est appelé effet piézoélectrique direct ; le second effet piézoélectrique inverse.
Cette propriété trouve un très grand nombre d’applications dans l’industrie et la vie quotidienne. Une application parmi les plus familières est l’allume-gaz. Dans un allume-gaz, la pression exercée produit une tension électrique qui se décharge brutalement sous forme d’étincelles : c'est une application de l’effet direct. De manière plus générale, l’effet direct peut être mis à profit dans la réalisation de capteurs (capteur de pression etc.) tandis que l’effet inverse permet de réaliser des actionneurs (injecteurs à commande piézoélectrique en automobile, nanomanipulateur…).
Les matériaux piézoélectriques sont très nombreux. Le plus connu est sans doute le quartz, toujours utilisé aujourd’hui dans les montres pour générer des impulsions d’horloge. Mais ce sont des céramiques synthétiques, les PZT qui sont le plus largement utilisées aujourd’hui dans l'industrie.
Soulignons enfin que l’effet piézoélectrique inverse ne doit pas être confondu avec l’électrostriction qui est un effet du second ordre et existe dans tous les matériaux.
Au milieu du XVIIIe siècle, Carl von Linné et Franz Aepinus avaient étudié l'effet pyroélectrique, par lequel un changement de température entraîne une variation de la polarisation électrique d'un cristal. Le cristal type présentant cet effet est alors la tourmaline : en chauffant un cristal de tourmaline, on fait apparaître sur ses deux faces de l'électricité. La nature de l'électricité est différente sur une face et sur l'autre, vitreuse et résineuse selon les termes de l'époque (on parlerait aujourd'hui de charges positives et négatives).
En 1817, l'abbé René-Just Haüy, qui a étudié en détail la pyroélectricité dans différents minéraux, décrit la découverte de ce qu'il appelle alors « l'électricité de pression » sur le spath d’Islande : en comprimant un cristal entre les doigts, il est possible de faire apparaître de l'électricité sur les faces du cristal. Antoine Becquerel poursuit l'étude du phénomène, il identifie plusieurs autres minéraux présentant cette propriété et montrera à l'aide d'une balance de Coulomb que l'électricité ainsi produite est dans une certaine gamme environ proportionnelle à la pression exercée.
Contrairement à la pyroélectricité, Haüy observe que c'est le même type d'électricité qui est produite sur les deux faces du cristal. Cela suffit à dire que le phénomène découvert par Haüy n'est pas de la piézoélectricité. Le spath d’Islande n'est d'ailleurs pas piézoélectrique. Quand ils publieront leurs travaux sur le quartz, les Curie se démarqueront des travaux de Haüy, attribuant l'électricité de pression à un effet de surface.
L'électricité de pression de Haüy aura été pendant une cinquantaine d'années une propriété parmi d'autres permettant de classer les minéraux. Mais le caractère incertain et difficilement reproductible de cet effet le fera tomber dans l'oubli avec la découverte de la piézoélectricité. Au début du XXe siècle, les manuels de minéralogie ne feront plus mention de l'électricité de pression de Haüy.
La première démonstration de l'effet piézoélectrique direct est due à Pierre et Jacques Curie en 1880. À cette époque, les deux frères, âgés respectivement de 21 et 25 ans, sont tous deux préparateurs à la faculté des sciences de Paris. Combinant leurs connaissances de la pyroélectricité et de la structure cristalline, ils prédirent et vérifièrent l'existence de la piézoélectricité sur des cristaux de quartz, de tourmaline, de topaze, de sucre et de sel de Rochelle. L'existence de l'effet inverse fut prédite l'année suivante par Gabriel Lippman sur la base de calculs thermodynamiques, et immédiatement vérifiée par les Curie. C'est également en 1881 que Hermann Hankel suggéra l'utilisation du terme piézoélectricité du grec piézein signifiant presser, appuyer.
La piézoélectricité resta une curiosité de laboratoire pendant une trentaine d'années ; elle donna surtout lieu à des travaux théoriques sur les structures cristallines présentant cette propriété. Ces travaux aboutirent en 1910 à la publication par Woldemar Voigt du Lehrbuch der Kristallphysik qui donne les vingt classes cristallines piézoélectriques, et définit rigoureusement les constantes piézoélectriques dans le formalisme de l'analyse tensorielle.
D'un point de vue pratique, la piézoélectricité ne fut utilisée que pour réaliser quelques instruments de laboratoire.
La première application de la piézoélectricité fut le sonar développé par Paul Langevin et ses collaborateurs pendant la Première Guerre mondiale. Ce sonar était composé de lames de quartz collées entre deux plaques d'acier et d'un hydrophone et permettait, par la mesure du temps écoulé entre l'émission d'une onde acoustique et la réception de son écho, de calculer la distance à l'objet. Peu de temps après, au début des années 1920, le premier oscillateur à quartz est mis au point par Walter Cady, ouvrant ainsi la voie au contrôle de fréquence.
Le succès de ces projets suscita un grand intérêt pour la piézoélectricité, relança les recherches et conduisit à travers les années qui suivirent au développement de nouveaux dispositifs pour une large palette d'applications dans la vie quotidienne, l'industrie et la recherche. L'amélioration du phonographe ou le développement du réflectomètre et du transducteur acoustique, largement utilisé pour les mesures de dureté ou de viscosité, en sont des exemples.
Pendant cette période, les principaux matériaux utilisés sont le quartz, le sel de Seignette et le dihydrogène phosphate de potassium KH2PO4. Or, s'ils peuvent être utilisés, ces matériaux présentent toutefois des inconvénients qui limitent à la fois les applications possibles et l'élaboration de théories de la piézoélectricité.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la recherche de matériaux diélectriques plus performants amena différents groupes de recherche au Japon, aux États-Unis et en Russie à découvrir les propriétés piézoélectriques de céramiques de synthèse composées d'oxydes à structure pérovskite : le titanate de baryum (BaTiO3) puis un peu plus tard les titano-zirconate de plomb (PbZrxTi1-xO3, abrégé en PZT). La mise au point de ces matériaux représente une étape décisive dans le développement des dispositifs piézoélectriques. En effet, leurs propriétés sont globalement bien meilleures ; ils ont des coefficients piézoélectriques de l'ordre de 100 fois supérieurs à ceux des cristaux naturels. Mais surtout, il est possible avec ces céramiques synthétiques de jouer sur différents paramètres de synthèse et ainsi d'ajuster les propriétés du matériau pour une application précise. En particulier, le dopage par divers ions métalliques permet de modifier considérablement leur constante diélectrique, leur dureté, leur usinabilité, etc.
D'un point de vue théorique, ces matériaux constituent également les premiers ferroélectriques simples qui vont permettre d'élaborer et valider les modèles microscopiques.
Un nouveau saut a été effectué au début des années 1980 avec la synthèse des cristaux de PZN-PT et PMN-PT qui présentent les coefficients piézoélectriques les plus élevés connus à ce jour.
Aujourd'hui, les recherches sur les matériaux piézoélectriques portent notamment sur la compréhension précise de ces propriétés exceptionnelles, leur optimisation, ainsi que sur le développement de matériaux sans plomb ou de matériaux utilisables dans une plus large gamme de températures.