Les astres apparaissant temporairement dans le ciel étaient appelés de façon générique « étoiles invitées » par les astronomes chinois. L'étoile invitée de 1054 est apparue pendant le règne de l'empereur Song Renzong de la dynastie Song (960-1279). Selon la coutume, le règne de l'empereur était divisé entre plusieurs « ères », et celle couvrant l'année 1054 est l'ère dite Zhihe (1054-1056). C'est par le terme de « première année de l'ère Zhihe » qu'est systématiquement mentionnée dans les documents chinois l'année correspondant à l'an 1054 du calendrier occidental. L'ère suivante, dénommée Jiayou, a commencé en 1056.
Six témoignages en provenance de Chine relatent l'observation du phénomène. Comme la quasi-totalité des témoignages relatifs aux étoiles invitées, aucun d'eux n'est de première main : le plus ancien remonte à environ un siècle après l'apparition de l'astre. Certains de ces témoignages sont cependant remarquablement conservés, et permettent de reconstituer les informations essentielles relatives à l'observation de l'explosion.
Le Wenxian Tongkao représente la première source extrême-orientale connue des astronomes occidentaux. C'est celle que traduisit Édouard Biot en 1843. Cette source, compilée par Ma Duanlin vers 1280, est relativement brève. Le texte indique :
Le Xu Zizhi Tongjian Changbian, ouvrage portant sur la période 960-1126 et réalisé en une quarantaine d'années par Li Tao (1114-1183), contient le plus ancien témoignage chinois relatif à l'observation de l'astre. Il a été redécouvert en 1970 par le spécialiste de la civilisation chinoise Ho Peng Yoke et deux collaborateurs.
Il est relativement peu précis dans le cas de l'explosion de SN 1054 ; En voici une traduction approximative :
Le Song Huiyao (littéralement « Documents importants de la dynastie Song ») couvre la période 960-1220. Cet ouvrage n'a jamais été terminé mais fut publié en l'état en 1809 sous le nom de Song Huiyao Jigao (littéralement « Ébauche de compilation de documents importants de la dynastie Song »). Ce document relate l'observation de l'étoile invitée, en se focalisant sur les aspects astrologiques, mais donne plusieurs informations importantes relatives à la durée de visibilité de l'astre, de jour comme de nuit.
Première année de l'ère Jiayou, troisième mois lunaire, le directeur du Bureau Astronomique a dit : « L'étoile invitée a disparu, ce qui signifie le départ de l'hôte [qu'elle représente]. » Auparavant, pendant la première année de l'ère Zhihe, lors du cinquième mois lunaire, elle était apparue à l'aube, dans la direction de l'est, montant la garde de Tianguan. Elle a été vue en plein jour, comme Vénus. Elle avait des rayons dans tous les côtés, et sa couleur était blanc rougeâtre. En tout, elle fut vue pendant 23 jours. »
Le Song Shi représente les annales officielles de la dynastie Song. Le chapitre 12 (« Annales ») évoque l'étoile invitée, non pas lors de son apparition, mais au moment de sa disparition. L'entrée correspondante, en date du 6 avril 1056 indique :
Dans le chapitre 56 (« Traité astronomique ») du même document, l'étoile invitée est à nouveau évoquée dans une partie consacrée à ce type de phénomènes, se focalisant cette fois sur son apparition, et ce dans des termes très proches de ceux du Wenxian Tongkao :
Il existe un témoignage en provenance du royaume Khitan (nord de l'actuelle Chine et Mongolie), où régnait alors la dynastie Liao (907-1125). L'ouvrage en question, le Qidan Guozhi, a été compilé par Ye Longli en 1247. Il comporte diverses notes astronomiques, dont un certain nombre sont manifestement copiées du Song Shi. Celle apparemment relative à l'étoile de 1054 semble cependant inédite :
Trois de ces témoignages émanent manifestement de la même source : ce sont ceux du Wenxian Tongkao, du Xu Zizhi Tongjian Changbian, et du chapitre 56 du Songshi, qui comportent tous l'évaluation de la distance angulaire de l'étoile à Tianguan selon la formule « peut-être à plusieurs pouces de distance ». Ces trois documents présentent cependant un désaccord apparent sur la date d'apparition de l'étoile. Deux mentionnent le jour jichou, et le troisième, le Xu Zizhi Tongjian Changbian, le jour yichou. Ces termes se réfèrent au cycle sexagésimal chinois, correspondant respectivement aux numéros 26 et 2 du cycle, ce qui correspond, dans le contexte où ils sont cités, respectivement aux dates du 4 juillet et du 10 juin. Cette dernière date est considérée comme erronée pour plusieurs raisons. D'une part, les termes yichou et jichou diffèrent l'un de l'autre par un seul caractère, le premier, et ces caractères sont très semblables, yichou et jichou s'écrivant respectivement 乙丑 et 己丑, aussi une erreur typographique lors de la retranscription semble-t-elle envisageable. Par ailleurs, les entrées du Xu Zizhi Tongjian Changbian suivent un ordre chronologique très strict, et les précédentes entrées, se référant elles aussi au cycle sexagésimal chinois, concernent les jours yiyou (22) et bingxu (24), alors que les entrées ultérieures concernent les jours yiwei (32, faisant partie du sixième mois lunaire), bingshen (33), puis renyin (39). Dans ce contexte, il apparaît largement plus vraisemblable que la mention de yichou résulte d'une erreur de retranscription plutôt que d'un mauvais placement chronologique de l'entrée.
La durée de visibilité est citée explicitement dans le chapitre 12 du Songshi, et de façon à peine moins précise, dans le Song Huiyao, la dernière visibilité correspondant à la date du 6 avril 1056, soit une période de visibilité très longue de 642 jours. Cette durée est corroborée par le Wenxian Tongkao et le chapitre 56 du Songshi. Le Song Huiyao évoque, lui, une durée de visibilité de 23 jours seulement, mais après avoir mentionné la visibilité en plein jour de l'astre. Cette période de 23 jours s'applique selon toute vraisemblance à la visibilité en plein jour de l'astre.
Le témoignage du Qidan Guozhi fait allusion à des événements astronomiques notables ayant précédé la mort du roi Xingzong. Les différents documents historiques permettent de dater la mort de l'empereur Xingzong au 28 août 1055, lors du huitième mois lunaire de la vingt-quatrième (et non vingt-troisième) année de son règne. Les dates des deux événements astronomiques mentionnés (l'éclipse et l'apparition de l'étoile invitée) ne sont pas spécifiées, mais précèdent selon toute vraisemblance de peu cette annonce de décès (de deux ou trois ans maximum). Deux éclipses de Soleil précédant de peu cette date furent visibles dans le royaume Khitan, le 13 novembre 1053 et le 10 mai 1054. De celles-ci, une seule s'est produite vers midi, celle du 13 novembre, aussi semble-t-il vraisemblable que ce soit celle-là que le document mentionne. Quant à l'étoile invitée, seule sa localisation, très approximative, est donnée, correspondant à la loge lunaire Mao. Cette loge est située légèrement à l'est de l'endroit où apparut l'étoile telle qu'évoquée par les autres témoignages (voir section Localisation générale de l'événement ci-après). Comme aucun autre événement astronomique notable connu n'est survenu dans cette région du ciel durant les deux années qui précédèrent la mort de Xingzong, il semble vraisemblable que le texte fasse effectivement allusion à l'étoile de 1054.
La localisation de l'étoile invitée peut en principe être déduite de la mention « au sud-est de Tianguan, peut-être à plusieurs pouces de distance », qui a cependant longtemps laissé perplexe les astronomes modernes, étant donné que si Tianguan est à peu près unanimement considéré comme correspondant à l'étoile ζ Tauri, la nébuleuse du Crabe, manifestement issue d'une explosion stellaire vieille d'environ 1 000 ans, et donc candidat naturel pour cette étoile invitée, n'est pas située au sud-est, mais au nord-ouest de cette étoile (voir section Localisation générale de l'événement plus bas).
Trois textes en provenance du Japon mentionnent l'étoile invitée. Le plus détaillé est celui du Meigetsuki. L'un des deux autres, moins précis, pourrait en être tiré, ou en tout cas partager avec lui une origine commune. Le dernier témoignage, extrêmement bref, ne donne que très peu d'informations.
Le poète et courtisan japonais Fujiwara no Teika (1162-1241) mentionne l'étoile invitée de 1054 dans son célèbre journal intime, le Meigetsuki. Son intérêt semble-t-il fortuit pour les étoiles invitées fut motivé par l'observation d'une comète en décembre 1230, qui l'incita à rechercher des témoignages plus anciens d'étoiles invitées, parmi lesquels SN 1054 (ainsi que SN 1006 et SN 1181, les deux autres supernovae historiques du début du second millénaire). L'entrée relative à SN 1054 peut se traduire ainsi :
La source utilisée par Fujiwara no Teika n'est pas connue, mais il semble s'être fondé, pour tous les événements astronomiques qu'il a consignés, sur des documents d'origine japonaise. La date qu'il donne correspond a priori à la troisième partie de dix jours du mois lunaire mentionné, ce qui correspond à la période du 30 mai au 8 juin 1054 du calendrier julien, soit environ un mois plus tôt que les documents chinois. Cette différence est généralement attribuée à une erreur sur le mois lunaire (quatrième en lieu et place du cinquième). La localisation de l'étoile invitée, manifestement à cheval sur les loges lunaires Shen et Zuixi, correspond à ce qui serait attendu pour un astre apparaissant à proximité immédiate de Tianguan.
Un autre témoignage existe, tiré du Ichidai Yoki, document anonyme probablement compilé dans le courant du XIVe siècle. Il décrit l'étoile en des termes très similaires à ceux du Meigetsuki, en omettant plusieurs détails (heure d'apparition, et partie possiblement erronée du mois lunaire). La comparaison à Jupiter y est par contre présente, tout comme le mois possiblement incorrect. De plus, le court texte comporte plusieurs erreurs typographiques, notamment sur le second caractère de Tianguan. Tout porte à croire que ce témoignage est issu de la même source que celui du Meigetsuki, sur lequel il pourrait d'ailleurs avoir été copié.
Enfin, un texte encore plus court est présent dans le traité astronomique du Dainihonshi (litt. « Histoire du Grand Japon »). Ce texte peut se traduire en :
Cette brièveté contraste avec les descriptions plus détaillées des étoiles invitées (en fait des supernovas) de 1006 et 1181. La raison du peu de détail de l'entrée de 1054 n'est pas connue. Tout comme les deux autres mentions japonaises de l'étoile, celle-ci cite le quatrième mois et non le cinquième.
Les trois documents japonais s'accordent sur le mois d'observation, correspondant au quatrième mois lunaire, soit un mois plus tôt que les textes chinois. Quelle que soit la date exacte au cours de ce mois, il semble cependant y avoir une contradiction entre cette période et l'observation de l'étoile invitée : c'est au cours de cette période qu'a eu lieu la conjonction entre l'astre et le Soleil, rendant son observation de nuit (comme de jour, d'ailleurs) impossible. Cette incompatibilité de date est du reste renforcée par un détail du Meigetsuki : la mention de l'heure double d'observation chou correspond à la période 1h-3h en temps solaire, soit très longtemps avant le lever du Soleil, ce qui serait impossible si l'étoile invitée était en conjonction avec le Soleil, car elle se lèverait alors très peu de temps avant ce dernier. L'ensemble des témoignages chinois et japonais peuvent par contre être réconciliés si l'on considère qu'il y a erreur sur le mois d'observation des documents japonais. Le fait que toutes les sources japonaises fassent la même erreur s'interprèterait alors par le fait qu'elles proviennent d'une source unique, ce qui semble assez manifeste pour les deux premières citées. Le doute sur le mois d'observation aurait pu être levé si avait figuré, en sus du mois d'observation, le jour déterminé par le cycle sexagésimal chinois, mais celui-ci n'est pas spécifié sur les documents japonais. À l'inverse, le jour du cycle des documents chinois est compatible avec le mois qu'ils donnent, renforçant l'idée que c'est le mois des documents japonais qui est erroné. Par ailleurs, l'étude des autres supernovæ médiévales (SN 1006 et SN 1181) révèle une grande proximité dans les dates de découverte de l'étoile invitée en Chine et au Japon, bien que se fondant sur des sources manifestement différentes. Considérer la mention du quatrième mois lunaire comme exacte reviendrait alors à imaginer que, pour cet événement-là, les Japonais aient largement devancé leurs homologues chinois, ce pour quoi il n'y a pas de raison apparente.
Les documents japonais ne spécifient pas la visibilité en plein jour de l'astre, mais comparent celui-ci à Jupiter, qui est visible en plein jour, et dont des rapports d'observations diurnes existent dans les documents astronomiques contemporains du monde chinois. La visibilité en plein jour annoncée dans les textes chinois se trouve renforcée, et est cohérente avec une durée de visibilité modérée, indiquant que l'astre n'a sans doute pas très longtemps eu un éclat suffisant pour être observable en plein jour, même s'il bénéficiait de conditions d'observations favorables (un astre visible au moment du lever du Soleil reste relativement aisé à repérer, sa position étant connue, à mesure que le fond du ciel devient de plus en plus lumineux).
Aucun témoignage d'observation de SN 1054 en provenance de Corée n'est parvenu jusqu'à nous. Ce fait a vraisemblablement pour origine l'absence complète de comptes-rendus astronomiques pour l'année 1054 dans les chroniques officielles relatant cette époque, le Koryo-sa. Il en est de même pour l'année 1055, alors que par contraste, les années 1052 et 1053 contiennent un nombre élevé d'entrées relatives à l'astronomie. Le Koryo-sa ayant été compilé en 1451, il apparait vraisemblable qu'à cette époque, les éventuels documents traitant d'événements astronomiques observés en 1054 avaient été perdus. Aucun autre document coréen en relation avec l'étoile invitée de 1054 n'a depuis été retrouvé.
Par tradition, les astronomes du monde arabe s'intéressaient aux phénomènes cycliques et prévisibles plutôt qu'aux phénomènes inattendus de type « étoile invitée », subissant peut-être l'influence aristotélicienne qui affirmait l'immuabilité des cieux, les comètes et autres novæ étant considérées comme des événements atmosphériques plutôt qu'astronomiques. Ce fait pourrait expliquer le faible nombre de mentions d'« étoiles invitées », terme qui d'ailleurs ne possède pas d'équivalent en Europe médiévale ou dans le monde arabe. Si la supernova de 1006, notablement plus brillante, vit plusieurs chroniqueurs arabes la mentionner, il n'existe aucun témoignage arabe relatant l'observation de la discrète supernova de 1181. Celle de 1054, de luminosité intermédiaire, n'a pour l'heure vu qu'un seul témoignage exhumé. Ce témoignage, retrouvé en 1978, est celui d'un médecin chrétien nestorien, Ibn Butlan, retranscrit dans le Uyun al-Anba, ouvrage compilé par Ibn Abi Usaybi'a (1194-1270) vers le milieu du XIIIe siècle. Le passage en question est le suivant :
Les trois années citées (445, 446, 447) correspondent respectivement aux époques 23 avril 1053-11 avril 1054, 12 avril 1054-1er avril 1055 et 2 avril 1055-20 mars 1056. Il y a une incohérence manifeste dans l'année d'apparition de l'astre, d'abord annoncée comme étant 446, puis 445. Ce problème est résolu par la lecture d'autres entrées de l'ouvrage, qui spécifient assez explicitement que le Nil était bas en 446. Cette année du calendrier musulman, s'étalant du 12 avril 1054 au 1er avril 1055, est compatible avec une apparition de l'astre en juillet 1054, tout comme sa localisation (certes assez vague), dans le signe astrologique des Gémeaux (qui, du fait de la précession des équinoxes, recouvre la partie orientale de la constellation du Taureau). La date de l'événement au sein de l'année 446 est difficile à déterminer, mais la mention du niveau du Nil évoque la période qui précède sa crue annuelle, qui a lieu en été.