S'intéresser au calendrier aztèque sans être envahi par son côté sacré est assez difficile. Mais pourquoi devrait-il en être autrement ? Ce calendrier est en effet intimement lié aux dieux et la cosmogonie même du monde. Cet article se concentre sur son fonctionnement, et donne un aperçu de son importance religieuse.
Entrer en détail dans sa symbolique ou sa représentation (les glyphes) pourraient faire l'objet de deux articles entiers !
En fait de calendrier aztèque, il en existe trois.
Les deux premiers calendriers sont les deux plus importants ; ils feront l'objet d'une description détaillée. Nous conclurons ensuite avec l'œuvre la plus célèbre de l'art aztèque : la Pierre du Soleil ; elle est en effet intimement liée aux calendriers aztèques.
Les calendriers aztèques sacré et solaire proviennent en fait des calendriers mayas. Ainsi, la construction et le fonctionnement du calendrier Tonalpohualli correspondent au calendrier sacré maya (Tzolkin), où seuls les glyphes et les dieux protecteurs changent. Il en va de même pour le calendrier Xiuhmolpilli, analogue du calendrier Haab solaire maya.
Tout calendrier possède une origine des temps (fondation légendaire de Rome, naissance du Christ, hégire, etc.). Pour le calendrier aztèque, cette origine n'est pas encore connue avec précision.
Pour la correspondance avec le calendrier julien, on a donc dû procéder autrement. La référence correspond à la chute de Tenochtitlan (capitale de l'empire aztèque, sur le site Mexico) : le 13 août 1521 du calendrier julien et le jour 1-coatl d'une année 3-calli du calendrier aztèque.
Notons que le calendrier julien fut corrigé par le pape Grégoire 13 en 1582 (ajout de 10 jours et suppression des années bissextiles des siècles non divisibles par 400). Pour calculer les dates aztèques, il faut donc tenir compte du calendrier julien et non grégorien.
Notons que l'origine du calendrier sacré maya correspond au 12 août 3114 ACN (grégorien), probable date de la naissance mythologique du monde. Le cycle actuel se terminera le 20 décembre 2012 PCN.
Le calendrier sacré est composé de 13x20 jours (260 au total). Chacun des vingts jours possède un aspect divinatoire, et il en va de même pour les années. Ainsi, Cortés arriva au Mexique lors d'une année " 1 roseau " dédiée à Quetzalcoatl. C'est pourquoi les Aztèques crurent qu'il était sa réincarnation.
Pour désigner les jours, les aztèques utilisaient 20 symboles et des nombres de 1 à 13, toujours dans le même ordre. Si les noms en nahuatl sont figés, le graphisme des glyphes peuvent différer selon les styles (plus ou moins stylisés). A chacun de ces 20 symboles, il faut ajouter un nombre, de 1 à 13. Par exemple, si nous sommes dans une année 1-crocodile, alors (cf tableau ci-dessus), nous obtenons 2-vent, 3-maison, ..., 13-roseau, 1-jaguar, etc. Il s'agit donc d'une rotation imbriquée de 13 nombres et de 20 signes. On retrouve alors la notion de " semaine " de 13 jours (définie par le glyphe du premier jour). Dans notre exemple, la " treizaine " du 1-crocodile est suivie par celle du 1-jaguar.
Dieu protecteur | jour | symbole | |
nahuatl | traduction | ||
Tonacatecuhtli | 1 | Cipactli | (crocodile) |
Quetzalcoatl | 2 | Éhecatl | (vent) |
Tepeyollotl | 3 | Calli | (maison) |
Huehuecoyolt | 4 | Cuetzpalin | (lézard) |
Chalchihuitlicue | 5 | Cóatl | (serpent) |
Tecciztecatl | 6 | Miquiztli | (mort) |
Tlaloc | 7 | Mázatl | (daim) |
Mayahuel | 8 | Tochtli | (lapin) |
Xiuhtecuhtli | 9 | Atl | (eau) |
Mictlantecuhtli | 10 | Itzcuintli | (chien) |
Xochipili | 11 | Ozomatli | (singe) |
Patecatl | 12 | Malinalli | (herbe morte) |
Tezcatlipoca | 13 | Ácatl | (roseau) |
Tlazolteotl | 14 | Océlotl | (jaguar) |
Xipe Totec | 15 | Quauhtli | (aigle) |
Itzpapalotl | 16 | Cozcaquauhtli | (vautour) |
Xolotl | 17 | Ollin | (déplacement, tremblement) |
Chalchihuihtotolin | 18 | Técpatl | (silex) |
Tonatiuh | 19 | Quiáhuitl | (pluie) |
Xochiquetzal | 20 | Xóchitl | (fleur) |
On compte ainsi 20 treizaines, chacune étant représentée par le glyphe du premier jour de la treizaine, et placée sous la protection d'une divinité. Les noms étant les mêmes que précédemment, la traduction du nahuatl n'a pas été reprise.
N° | nom | dieu |
1 | Cipactli | Ometeotl |
2 | Ocelotl | Quetzalcoatl |
3 | Mazatl | Tepeyollotl |
4 | Xochitl | Huehuecoyotl |
5 | Acatl | Chalchihuitlicue |
6 | Miquiztli | Tonatiuh |
7 | Quiahuitl | Tlaloc |
8 | Malinalli | Mayahuel |
9 | Coatl | Xiuhtecuhtli |
10 | Tecpatl | Mictlantecuhtli |
11 | Ozomahtli | Patecatl |
12 | Cuetzpalin | Itzlacoliuhqui |
13 | Ollin | Tlazolteotl |
14 | Itzcuintli | Xipe Totec |
15 | Calli | Itzpapalotl |
16 | Cozcacuauhtli | Xolotl |
17 | Atl | Chalchihuihtotolin |
18 | Ehecatl | Chantico |
19 | Cuauhtli | Xochiquetzal |
20 | Tochtli | Xiuhtecuhtli |
Une année solaire est composée de 18 mois de 20 jours, plus 5 jours néfastes. Ici également, le principe de la rotation imbriquée de 13 nombres et de 20 signes est présente.
Le dernier jour du dernier mois de l'année donne son nom à l'année (le tout associé à un nombre de 1 à 13). Seuls 4 noms sont possibles : Acalt (roseau), tecpatl (silex), calli (maison) et tocltli (lapin). L'année 1-roseau est suivie de 2-silex, etc. Toutes les combinaisons sont épuisées en 52 ans (4x13).
Habituellement (voir les 2 premières ressources bibliographiques), la date prise en compte pour le début de l'année solaire correspond au 2 février (calendrier julien). Ainsi, Atlcahualco s'étend du 2 au 21 février, Tlacaxipehualitzi du 22 février au 13 mars, etc. Cette correspondance est évidemment indicative, puisque tant le calendrier julien (années bissextiles) que aztèque (cf ci-après) contiennent des ajustements.
Comme on l'a vu, les porteurs d'années sont au nombre de 4.
Les Aztèques savaient qu'un calendrier de 365 jours était trop court pour une année tropique (365.2422 jours). Ainsi, en 249 ACN, le calendrier fut modifié comme suit pour chacune des 4 années:
Ainsi modifié, le calendrier aztèque compte 365.2423 jours. À titre de comparaison, une année grégorienne (année julienne modifiée en 1582) vaut 365.2425 jours : elle est donc moins précise !
De la combinaison d'une année -sacrée- de 260 jours et d'une autre -civile- de 365 jours, il resulte une concordance toutes les 52 années solaires. On parle alors de Xiuhmolpilli (ligature des années) : le siècle aztèque se termine. La nuit de ce passage d'un siècle à l'autre est une nuit de prière et d'angoisse, où l'on célèbre la Fête du Feu nouveau.
A la minute prévue, les prêtres immolent une victime et essayent de faire jaillir une flamme sur la poitrine ouverte de la victime. S'ils y arrivent, le soleil réapparaitra ; dans le cas contraire, ce serait la fin du monde.
Pourquoi une telle prophétie ? A cause des 5 Soleils. En effet, selon les Aztèques, le monde a déjà connu 4 soleils ; chacun d'eux s'est terminé par un cataclysme. Quant au cinquième soleil, le dernier, il doit se terminer au terme d'un cycle de 52 ans.
Le rôle des aztèque est de repousser l'échéance, en offrant au Soleil l'eau précieuse (le sang). Ce qu'ils faisaient à la Fête du Feu nouveau, tous les 52 ans, via un sacrifice humain.
Comme nous l'avons déjà vu pour l'ajustement de l'année solaire, les aztèques utilisaient également une mesure de temps appelée vieillesse (104 années solaires). Elle découle du calendrier vénusien.
Vénus est en effet une des incarnations de Quetzalcoatl ; son cycle était donc parfaitement connu par le clergé. Or 5 années vénusiennes équivalent à 8 années solaires. Ainsi, le chiffre et le signe de l'année solaire sont identiques à ceux de l'année vénusienne au terme d'un cycle de 104 années solaires. Ce cycle se nomme Ueuetiliztli, la vieillesse.
La Pierre du Soleil est l'œuvre la plus célèbre de l'art aztèque. Découverte en 1790, composée de lave balsaltique, elle se trouve actuellement au musée d'Anthropologie de Mexico. Disque de 360 cm de diamètre pour un poids de 24 tonnes, elle fut sculptée sous le règne de Moctezuma II. Son nom aztèque est Cuauhxicalli (réceptacle de l'Aigle).
La pierre est composées de 8 cercles concentriques (le huitième étant sur le rebord du cercle, non visible de face) et contient de nombreuses référencess à la cosmogonie aztèque (dont les calendriers).
Sans entrer dans les détails, nous pouvons relever les points suivants :