Distinguée par l'étendue de ses possessions territoriales, l'abbaye Saint-Corneille se signale encore par la richesse des ornements et des châsses précieuses de son église. Sa juridiction est reconnue comme épiscopale et s'étend sur un grand nombre d'églises. Outre le droit de seigneurie et de justice que l'abbaye Saint-Corneille a dans la ville de Compiègne et dans la vallée de l'Oise (rivière), elle possède aussi de riches terres, des fiefs et des seigneuries. Les donations, tant en villages qu’en dîmes, se répartissent dans le Tardenois, dans le Beauvaisis, en Amiénois, en Boulonnais, en Soissonnais, en Laonnois et jusque dans les Ardennes et en Bourgogne. Mais, au fil des siècles, la plupart des biens sont aliénés par suite des guerres, ou de l'incurie des abbés, ou de l'avarice des vassaux.
L’abbaye Saint-Corneille pouvait-elle constituer une seigneurie (le fait qu’elle détenait de nombreux fiefs et des hommes liges est étranger à la question) ? À première vue, il peut sembler étrange que les nombreuses donations royales à partir de sa fondation en 877 aient eu pour effet de donner à l’abbé la qualité de vassal d’un roi de France, son suzerain. Pourtant dom Gillisson et Carolus Barré n’hésitent pas à parler de seigneurie pour Saint-Corneille, ensuite pour Saint-Clément. Le critère de la seigneurie est de bénéficier de prérogatives régaliennes. Or l’abbaye percevait un tonlieu en 917 et exerçait la prévôté et par conséquent la justice à l’intérieur de ses limites, en 1048, sans parler d’un four banal un moulin, des fourches patibulaires. La réponse peut donc être positive.
Les rois Carolingiens interviennent constamment pour défendre les biens de l’abbaye Saint-Corneille de Compiègne. C’est le cas avec Louis IV dit d'Outremer, à peine couronné. Malgré cela, Rothard, évêque de Meaux, dès 936, garde des biens contestés et devient sire de Coudun. Néanmoins, la protection faible, mais constante des souverains assure aux chanoines, puis aux abbés, une puissance durable dans la moyenne vallée de l’Oise (rivière) et à Compiègne.
La juridiction de l'abbé et des religieux de Saint-Corneille est solennellement confirmée en 1199, non seulement par le suffrage des juges choisis, mais encore par l'évêque de Soissons lui-même. Cette juridiction ne s'étend pas seulement sur le monastère, mais encore sur tout le territoire de Compiègne, tant pour les églises qui sont déjà bâties, que pour celles qui le seront. On n'excepte uniquement que les églises paroissiales, pour ce qui a rapport au soin des âmes. Cette transaction passée en 1199, est d'autant plus solennelle, qu'elle est confirmée en particulier par une bulle d'Innocent III (1160-1216).
L’abbaye se trouve entre la future place de l’hôtel de ville, la rue des Bonnetiers et celle des Clochettes, la place du Change et la future rue de l’Étoile.
Le plan de l’église fondée par Charles le Chauve est-il octogonal, comme le décrit Jean Scot Erigène, à l’image de la chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle ? Pour Vieillard-Troïekouroff, Charles le Simple, lors de la restauration de l’église, fait adjoindre une nef basilicale à l’octogone avec des cryptes et un atrium.
Charles le Simple ceint Saint-Corneille d’un mur et d’un fossé. Compiègne est très certainement pourvue d’un castellum dès 917.
L'abbaye est détruite ou incendiée plusieurs fois. L’abbaye Saint-Corneille brûle de nouveau en 1300, et est rebâtie cent ans après. L'architecte évolue en fonction de ces différentes reconstructions et agrandissements à des périodes différentes. Louis de Bourbon-Vendôme, abbé de Saint-Corneille, par exemple, restaure l’église et la dote d’un somptueux portail en 1516.
Du fait de ces remaniements à différentes époques, l’abbaye Saint-Corneille telle qu’elle apparaît sur les gravures n’a plus grand-chose à voir avec l’abbaye fondée par Charles le Chauve. L’art monumental carolingien, la forme typique des basiliques romaines, ne se retrouve plus dans l’Oise qu’au niveau de l’église paroissiale Notre-Dame-de-la-Basse-Œuvre de Beauvais. Pour nous faire une idée des premiers édifices, il convient d'imaginer cette église, au sein d'un ensemble de bâtiments datant de cette époque. Néanmoins on devine la magnificence de Saint-Corneille même en observant les images tardives de ses différents édifices.
{{Citation|Un ancien sarcophage sert de baptistère dans l'église de Saint-Corneille de Compiègne; on y fait depuis plusieurs bénédictions de l'eau aux veilles des fêtes de Pâques et de la Pentecôte. C'est certainement le tombeau d'un païen. Il a cinq pieds huit pouces de long dans la partie supérieure, cinq pieds quatre pouces dans la partie inférieure et trois pieds moins un pouce de large. L'intérieur a quatre pouces de moins; ces quatre pouces forment son épaisseur dans le haut. Sa hauteur a aussi deux pouces et quelque petite chose avec, moins que sa largeur. Il est orné de cannelures en spirales qu'on nomme Gaudron. On voit par-devant et par-derrière deux têtes qui paraissent être des têtes de Mercure à cause des deux ailes qui partent du front. On ignore d'où vient ce tombeau.
Selon Le Martyrologe d'Adon, Charles le Chauve fait apporter les restes de saint Cyprien, qui étaient en dépôt dans l'église de Lyon, et le corps de saint Corneille. Il fait venir aussi de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle toutes les reliques et les autres présents que Charlemagne, son aïeul, y avait mis, et entre autres le Saint-Suaire de notre Seigneur.
Charles le Simple en 916 fait transporter à Attigny des reliques de sainte Walburge et y fonde une chapelle desservie par douze chanoines. Son intention est que cette chapelle soit soumise à l’abbaye Saint-Corneille de Compiègne.
Dans une charte de Philippe Ier de France (1052-1108), nous apprenons que ce prince fait mettre le Saint-Suaire et les autres reliques de Jésus-Christ, que Charles le Chauve avait données à l'église de Saint-Corneille, dans une châsse d'or enrichie de pierres précieuses données par la reine Mathilde d'Angleterre ; au lieu qu'auparavant elles étaient gardées dans un vase d'ivoire.
Saint-Corneille attire les pèlerins par ses reliques, en particulier le Saint-Suaire et le voile de la Vierge.
Voltaire, dans son Dictionnaire Philosophique, pense que l'abbaye Saint-Corneille possède un Saint Prépuce : « Les chrétiens ont, depuis longtemps, la circoncision en horreur; cependant les catholiques se vantent de posséder le prépuce de notre Sauveur; il est à Rome dans l’église de Saint Jean de Latran, la première qu’on ait bâtie dans cette capitale; il est aussi à Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne; dans Anvers; dans l’abbaye Saint-Corneille à Compiègne; à Notre-Dame-de-la-Colombe, dans le diocèse de Chartres; dans la cathédrale du Puy-en-Velai; et dans plusieurs autres lieux ». Mais Voltaire se trompe, car la relique qui est conservée au monastère Saint-Corneille, de son temps, n'est que le couteau qui aurait servi lors de la circoncision de Jésus.
Guillaume de Flogny, deuxième abbé de Saint-Corneille, obtient du roi Louis le Jeune, l’établissement de huit fiefs, qui sont dotés de revenus et donnés à des seigneurs chargés de défendre les intérêts de l’abbaye, de garder les abbés et de les accompagner dans les cérémonies officielles. Autorisés par les capitulaires de Charlemagne, désignés dans les chartes sous les noms de feodati, casati, etc., ces fieffés ont un costume spécial et prennent presque partout le titre de baron et quelquefois celui de pair. Les huit fieffés de Saint-Corneille sont obligés de paraître effectivement à l'abbaye avec des dalmatiques ou habits bigarrés, qu'on peut regarder comme la livrée de l’abbaye.
En 1220, la sentence arbitrale de l'abbé d'Ourscamp conserve aux religieux le droit d'exercer toutes les fonctions curiales à l'égard de leurs domestiques, et même des huit fieffés, et autres sujets de l'abbaye, qui étant regardés comme dans une dépendance singulière du monastère, demeurent exempts de la juridiction de l'évêque de Soissons et des curés de Compiègne. C'est ce qui formera jusqu'à la Révolution une cure exempte dans l'intérieur de l'abbaye, appelée la cure du Crucifix.
Ces vassaux, ces huit barons ou grands fieffés existent encore en 1789 et sont toujours les jours de fêtes solennelles obligés de se tenir en costume au pied de l'autel. Le comte Coustant d’Yanville, dans son étude sur Dom François Coustant et les fêtes célébrées à Compiègne en 1744, nous parle du beau-frère de ce prieur de l'abbaye, Claude Mottet de La Motte, prévôt et baron fieffé.
Les moines et leurs proches sont certainement enterrés dans ou autour de l’église Saint-Corneille à cette période, mais le cimetière n’est signalé que sur le plan de Chandellier.