Les premières années de l'architecture stalinienne sont marquées par des bâtiments-objets ou, au moins, des projets d'un seul bloc. Constituer de vastes surfaces à Moscou se révélera finalement plus ardu que de raser des quartiers historiques. Les trois plus importants monuments de Moscou de cette période se tiennent sur la même place, tous bâtis entre 1931 et 1935, bien que chaque projet ait évolué indépendamment, avec un souci a minima de la composition d'ensemble (voir les photographies des films d'avant-guerre, 1936, 1938, 1939). Chacun est le paradigme d'une tendance qui va se ramifier durant les deux décennies suivantes :
Une branche à part, appelée Stalinisme précoce ou Postconstructivisme, se développa de 1932 à 1938. Elle constitue à la fois une adaptation simplifiée de l'Art déco (à travers des architectes comme Chtchouko et Iofane) et l'évolution du Constructivisme vers le Néoclassicisme (avec par exemple Ilya Golossov, Vladimir Vladimirov). Ces immeubles conservaient les formes simples rectangulaires et les larges surfaces vitrées du Constructivisme, mais avec des balcons, des portiques et des colonnes ornés (souvent les colonnes sont fines et à section carrée). Dès 1938 ce style s'éteint et ne connaîtra pas de regain après la guerre.
![]() Bâtiment du STO d'Arkady Langman, 1932-1935 | Terminal fluvial nord du canal de Moscou d'Aleskeï Roukhlyadev, 1937 |
Les projets de monuments isolés menaçaient de devenir un bric-à-brac de bâtiments de tous styles et toutes tailles. En juillet 1935 l'État évalua la situation et finalement promulgua un décret sur le plan d'urbanisme de Moscou. Ce plan, entre autres choses, indiquait clairement quelques directions urbanistiques voulues par Staline :
Ce règlement bannissait de fait les constructions de masse bon marché dans la vieille ville et les axes prestigieux, de même que les maisons individuelles familiales. Le développement des ensembles bon marché va se faire dans des zones excentrées, mais la plupart des fonds vont satisfaire en priorité les projets résidentiels neufs et onéreux qui plaçaient la façades et la pompe avant les besoins triviaux de ces villes surpeuplés.
À la fin des années 1930, l'industrie de la construction avait suffisamment d'expérience pour construire de vastes aménagements urbains sur plusieurs îlots – bien que tous fussent à Moscou. Les trois projets les plus importants furent :
Kutuzovsky 26, résidence de Brejnev et de Souslov, avec la Moskva-City en toile de fond. | Dorogomilovo ouest, « portail » de la ville |
En 1936 le lieu d'exposition de la foire agricole annuelle déménagea sur un site libre au nord de Moscou. Dès le 1er août 1939, plus de 250 pavillons étaient construits sur un terrain de 1,36 km². L'Ouvrier et la Kolkhozienne, la statue monumentale de Vera Moukhina surmontant le pavillon soviétique de l'Exposition de Paris, fut reconstruite à l'entrée du site. Des pavillons furent créés dans les différents styles des républiques soviétiques et des régions ; une petite promenade dans ce parc permettait de faire le tour de cet immense pays. Le pavillon central de Vladimir Chtchouko se basait en partie sur les dessins de Zholtovsky pour le projet avorté du palais des Soviets de 1932. Contrairement aux autres édifices « nationaux », il n'a pas survécu (le portail central et les pavillons principaux ont été reconstruits au début des années 1950).
Les pavillons de 1939 ayant survécu sont les dernières et uniques traces de la propagande monumentale de Staline sur leur site d'origine. Ces objets de propagandes n'étaient pas conçus pour durer (comme le Hall des trophées de guerre de Chtchoussev dans le parc Gorky), certains ont été abattus en 1956 lors de la déstalinisation, d'autres sont tout simplement tombés en ruine.