Le corps des complexes C peut être vu comme un espace vectoriel de dimension 2, sur R. On peut se demander s'il existe d'autres corps commutatifs contenant R. Il existe par exemple le corps des fractions rationnelles à coefficients dans R. Mais, à la différence de C, vu comme un espace vectoriel sur R, le corps des fractions n'est pas de dimension finie. Un corps commutatif contenant R et espace vectoriel de dimension finie est dit une extension finie de R. L'arithmétique des polynômes à coefficients dans R permet d'établir le résultat suivant :
Extension finie de R — Il n'existe que deux extensions finies de R : R et C, à un isomorphisme près.
L'expression un isomorphisme près signifie que si L est une extension finie de R, alors soit L est égal à R soit L est une copie de C et il existe une bijection φ de C dans L tel que l'image de R soit R et que l'addition et la multiplication soit respectées par φ, autrement dit :
Ce qui signifie que φ(a) est une autre manière de noter a, mais que les opérations restent strictement les mêmes.
On suppose de L est une extension finie de R contenant strictement R, on va montrer que L est isomorphe à C. Dans un premier temps, montrons que :
Soit α un élément de L qui ne soit pas dans R, comme L est un espace de dimension finie sur R, la famille (1, α, α2, ..., αn) est nécessairement liée par une combinaison linéaire à coefficients dans R et non triviale, si n est suffisamment grand. Notons cette combinaison linéaire nulle et non triviale :
On choisit n le plus petit possible, c'est-à-dire que la famille (1, α, α2, ..., αn-1) est libre. L'entier n est au moins égal à 2 car sinon α serait un élément de R (sinon aurait la relation a0 + a1.α = 0, qui montrerait que α est réel). Si l'on substitue à α l'indéterminée X, on obtient un polynôme P, ayant pour racine dans L la valeur α. Ce polynôme est irréductible, car s'il ne l'était pas P s'écrirait Q.R et α serait racine soit de Q soit de R, ce qui donnerait une combinaison linéaire non triviale de degré strictement inférieur à n, ce qui est impossible par hypothèse.
Les seuls polynômes irréductibles de R de degré strictement supérieurs à 1, sont les polynômes de degré 2 et de discriminant négatif (cf l'article Factorisation des polynômes), ce qui montre que P est un polynôme de degré 2 et de discriminant négatif. On note δ la racine de l'opposé du discriminant. Si l'on considère maintenant le polynôme P comme un polynôme à coefficients dans L (ce qui est possible car L contient R, il n'est pas irréductible, car comme α est racine, le polynôme X - α divise P. Une considération de degré montre que la décomposition en facteurs irréductibles de P, considéré comme un polynôme de L[X] s'écrit :
On a la relation classique, pour les racines des équations du second degré :
Le R espace vectoriel engendré par la base (1, il) est une copie de C contenue dans L, ce qui montre le résultat recherché.
On identifie maintenant l'espace vectoriel réel engendré par (1, il) à C, l'objectif est de montrer que L ne contient pas d'autres éléments que ceux inclus dans C. On peut maintenant considérer L comme un C espace vectoriel car c'est un corps contenant C. Il de dimension finie, comme R espace vectoriel, et donc il est aussi un espace vectoriel de dimension finie, comme C espace vectoriel. Soit γ un élément de L et (1, γ, γ2, ..., γm) une famille liée dans le C espace vectoriel L, on choisit encore m minimal. Le polynôme Q construit comme précédemment est irréductible sur C. Le théorème fondamental de l'arithmétique montre que Q est nécessairement de degré 1 car tout polynôme irréductible à coefficients dans C est de degré 1 (cf l'article Factorisation des polynômes). Ceci montre que γ est un élément de C, car racine d'une équation de degré 1 à coefficients dans C. Autrement dit, tout élément de L est un élément de C, ce qui termine la démonstration.
L'arithmétique modulaire sur les polynômes apporte la structure de base d'une des branches de la théorie des équations, dont l'unique objet est la résolution des équations polynômiale. Soit P un polynôme à coefficients dans un corps K de degré supérieur ou égal à 1, on recherche un corps L contenant les racines de P.
Corps de décomposition — Il existe un corps L, contenant K dimension finie et contenant toutes les racines de P.
La plus petite extension vérifiant cette propriété est appelé corps de décomposition du polynôme P. Ce corps est un des ingrédients utilisé dans le cadre de la théorie de Galois pour déterminer exactement quelle équation polynômiale est résoluble par radicaux (cf l'article Théorème d'Abel (algèbre)).
Pour le démontrer, on raisonne par récurrence sur le degré n du polynôme. Si n est égal à 1, l'extension L est égale à K, supposons le résultat démontré pour tous les polynômes à coefficients dans une extension finie de K et de degré inférieur ou égal à n. Montrons que le résultat est vrai pour les polynômes de degré n + 1. Si la décomposition en facteur premiers du polynôme contient un polynôme Q1, de degré 1, il existe un polynôme R de degré n tel que P est égal à RQ1. Par hypothèse de récurrence, il existe une extension finie L de K dans laquelle la décomposition en facteurs irréductibles de R ne contienne que des polynômes de degré 1. Dans L le polynôme P est scindé.
Si ce n'est pas le cas, il existe un polynôme unitaire irréductible Q de degré strictement supérieur à 1 dans les facteurs irréductible de P et si R est le résultat de la division euclidienne de P par Q, alors P est égal à Q.R. Le polynôme Q est noté :
Considérons L1, le corps des congruences de K[X] modulo le polynôme irréductible Q et χ la congruence de l'indéterminée X modulo Q. On peut écrire la congruence de Q à l'aide de χ, qui est égal à 0 modulo Q on obtient :
La dernière égalité signifie que l'élément χ de L1 est une racine du polynôme Q, ou encore que dans L1[X], le polynôme X - χ divise Q, ce qui montre l'existence d'un polynôme S à coefficients dans L1 tel que Q = (X - χ).S, et le polynôme P s'écrit (X - χ).S.R. Le polynôme S.R à coefficients dans L1, une extension finie de K, est de degré n, ce qui montre l'existence d'une extension L de L1 tel que S.R soit scindé dans L. Autrement dit, le polynôme P, égal à (X - χ).S.R, est scindé dans L.
L'extension L1 est finie dans K et l'extension L est finie dans L1, ce qui montre que L est une extension finie de K (cf l'article extension algébrique). Ce qui termine la démonstration.
Les congruences sur les anneaux sont la méthode principale d'étude des corps finis. Pour l'illustrer, considérons un nombre premier p strictement supérieur à 2 et recherchons un corps fini à p2 éléments. On considère dans un premier temps le corps Fp à p éléments, isomorphe à Z/pZ. Dans ce corps, la fonction polynôme, qui à x associe x2, n'est pas injective car x et -x ont la même image. Une application d'un ensemble fini dans lui-même qui n'est pas injective n'est pas surjective, et il existe une valeur a de Fp tel que le polynôme Pa égal à X2 - a soit irréductible.
Les congruences des polynômes de Fp modulo Pa forment un corps car Pa est irréductible. Si χ représente la classe de X modulo Pa, comme toute congruence possède comme représentant un polynôme de degré inférieur ou égal à 1, tout élément du corps des congruences est de la forme a + b.χ, avec a et b élément de Fp. On obtient bien un corps à p2 éléments.
L'article détaillé montre qu'il n'existe pas d'autres corps à p2 éléments à un isomorphisme près. Cette méthode se généralise et permet de construire tous les corps finis.