Depuis l'épisode de la boite de conserve, il a été retrouvé un peu partout dans le monde, ses qualités le rendant ubiquiste. Il vit aussi bien dans des zones riches en aliments comme les sols ou les matières fécales animales que dans des zones très pauvres en substances nutritives, comme la surface de certains granites désagrégés des vallées de l'Antarctique ou les instruments chirurgicaux irradiés.
La capacité de survie exceptionnelle de la bactérie Deinococcus radiodurans en milieu radioactif a rapidement attiré l'attention des spécialistes chargés de la gestion des déchets.
Une agence gouvernementale américaine est en train d'étudier ses aptitudes à dépolluer sur place des sites contaminés à la fois par des matériaux radioactifs et par d'autres polluants, organiques et minéraux. Rien qu'aux États-Unis, les experts en ont recensé 3 000, sur des lieux de production d'armes ou des centres de recherche nucléaire. Les analyses de ces sols montrent un cocktail plutôt inquiétant, où le trichloréthylène et le toluène voisinent avec de l'uranium, du plutonium et divers métaux lourds. La technique de la biodépollution fonctionne sur une idée toute simple. On cultive des bactéries qui se nourrissent du polluant concerné, le pétrole pour prendre un exemple connu. On ensemence ensuite la zone à décontaminer, et on attend que les microbes transforment le polluant organique en eau et en gaz carbonique. On connaît toute une série de micro-organismes capables de décomposer divers polluants organiques ou de fixer les métaux lourds. Ces microbes ne peuvent toutefois pas opérer en milieu radioactif. D'où l'intérêt d'étudier la bactérie insensible aux radiations. Est-elle capable de se nourrir de composés organiques complexes ? Sait-elle fixer les métaux lourds, voire les éléments radioactifs ? Selon les premières études, il semble qu'elle soit capable de décomposer le toluène et certains produits voisins. Les adeptes du génie génétique se sont également mis au travail. Leurs projets consistent à équiper Deinococcus radiodurans de gènes connus pour rendre les bactéries capables de digérer la pollution. La bactérie recombinée serait ainsi à la fois insensible aux rayons gamma et spécialiste de la dépollution. L'inverse est également envisagé : greffer les gènes de la radioprotection sur les éboueurs patentés.
De nombreuses équipes ont rapidement tenté de comprendre d'où vient cette formidable résistance.
L'irradiation gamma à de fortes doses ou une longue période de dessiccation entraînent de très nombreuses cassures double-brins du génome. Or D. radiodurans est capable de réparer ces cassures en quelques heures en milieu riche.
Le génome de D. radiodurans a été entièrement séquencé et analysé. Le bagage héréditaire de la bactérie est contenu dans quatre molécules circulaires dont deux chromosomes (de 2 648 615 et 412 340 paires de bases), un mégaplasmide (177 466 paires de bases) et un plasmide (45 702 paires de bases).
Les chercheurs ont découvert que son extrême résistance était due à la conjugaison de stratégies variées :
La paroi ne pouvant stopper les rayons gamma – des photons de très haute énergie – et les empêcher d'abîmer les chromosomes, Deinococcus radiodurans ne prévient pas le morcellement de son génome mais le répare. Cependant pour permettre cette réparation, il faut que les enzymes de réparation soient fonctionnelles et soient donc protégées de l'oxydation qui découle de l'irradiation.
En effet, d'importants dégâts cellulaires sont provoqués par l'apparition de radicaux libres d'oxygène suite à la dessiccation ou à l'exposition aux rayons UV et gamma et la bactérie doit donc posséder des systèmes de protections de ces stress oxydants. Deinococcus radiodurans est doté de toute une série d'enzymes - catalases et superoxyde dismutases (SOD) - spécialisées dans l'élimination de ces radicaux libres ainsi que de molécules antioxidantes tels que la deinoxanthine, pigment responsable de la couleur des Deinococcus.
Des travaux sur des bactéries mutantes ont démontré que la résistance de ces bactéries diminuait si ces divers gènes ne s'expriment plus.
La première phase consiste à rassembler dans l'ordre correct tous les fragments en une chaîne linéaire ; tous les morceaux seront utilisés comme modèle pour initier la synthèse d’ADN et allonger la chaîne par simple brin. La deuxième phase de recombinaison génétique consiste à reconstituer les chromosomes circulaires de la cellule par « crossing over ». Une fois le génome restauré à l'identique, la synthèse des protéines est à nouveau opérationnelle : la cellule est vivante alors qu’on pouvait la considérer comme « cliniquement morte ».
La réparation des chromosomes engendre de nombreux déchets sous forme de fragments d'ADN, dangereux pour la bactérie car ces morceaux abîmés peuvent être réincorporés au génome. Deinococcus radiodurans possède un système de nettoyage unique permettant le transport et l'expulsion des nucléotides endommagés à l'extérieur de la cellule.
Une fois ce recyclage réalisé, Deinococcus radiodurans peut commencer un nouveau cycle de division cellulaire.
Deinococcus radiodurans améliore également sa survie en étant capable d'augmenter sa synthèse en précurseurs pour créer de nouvelles molécules et en fournissant des sources d'énergie alternatives.
Des gènes du chromosome II et du mégaplasmide semblent pouvoir fabriquer des précurseurs azotés, impliqués dans la production de protéines, à partir des cellules n'ayant pas réussi à subsister.
D'autres gènes du chromosome II codent des molécules susceptibles de dégrader les acides gras en acétyl-coenzyme A, une source d'énergie cellulaire utilisée lorsque les autres sources de carbone s'épuisent.