Histoire de la culture du cacao - Définition

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L'entrepôt marchand de Curaçao, la filière de la rivière Yaracuy et Tucacas

Les marchands juifs hollandais se retrouvent sur la minuscule île de Curaçao. Ils viennent d'Amsterdam en 1651 et 1659, puis des zones où trois puissances coloniales les chassent, pour prendre leurs technologies sucrières: les portugais au Pernambouc en 1654, les anglais à Pomeroon-Supenaam en 1665, et les français à la Martinique en 1685. Conscience que le marché du sucre commence à être encombré, les juifs jouent la carte du cacao, acheté aux Amérindiens de la rivière Yaracuy depuis le début du siècle et diffusé en Europe.

En 1688, le trésor anglais autorise Pieter Henriques, de Londres, à importer 200 tonnes de cacao de Tucacas, à l'embouchure de la Rivière Yaracuy, au Vénézuela, principale filière d'approvisionnement. En 1693, la Guerre de la Ligue d'Augsbourg rapproche la Hollande et l'Espagne: le Vénézuela tente une ouverture vers les hollandais, acceptant des juifs venus de Curaçao, à Tucacas, à soixante kilomètres à l'ouest de Caracas. Ils s'installent pour mieux collecter le cacao des Amérindiens de l'intérieur des terres. Beaucoup d'entre eux, venus de Pomeroon-Supenaam, parlent l'espagnol. C'est le moyen de concurrencer la filière cacaoyère qui émerge au Panama, aux mains des indiens Kunas.

Les Hollandais bâtissent une forteresse et une synagogue à Tucacas. Des convois de mule amènent le cacao, des vallées de Berquisimiento, Barinas, Turiano, Coro, parfois même de Colombie, à Santa Fe (qui deviendra Bogota), ou de Quito (Équateur). les juifs offrent en échange des textiles des Pays-Bas, des toiles de lin d'Allemagne, du vin de Madère et de Bordeaux, de la cannelle et du poivre des Indes Orientales. Les entrepôts de la minuscule île débordent de produits textiles de toute l'Europe, selon une note du secrétaire de l'amirauté hollandais Job de Wildt en 1703. Des cargos font Curaçao-Livourne ou Curaçao-Bilbao mais le cacao de Tucacas sera après 1700 réexporté, dans des proportions croissantes vers Londres, devenu l'autre plaque tournante.

L'armée espagnole attaque Tucacas, mais se heurte à la protection de navires hollandais et des Amérindiens. La colonie hollandais était commandée par Jorge Christian, Marquis de Tucacas, président de la congrégation appelée "Santa Irmandad", et de Samuel Hebreo, alias Samuel Gradis Gabai.

En 1711, Tucacas exporte 12.000 bales de cacao, selon Juan Jacobo Montero de Espinos, maire de Coro, qui attaque un des convois de mules. En 1717, le Venezuela devient membre de la Nouvelle Grenade, avec la Colombie et l'Équateur. Le vice-roi Jorge de Vilalonga, en raison des pressions de l'église catholique, décide d' éliminer Tucacas. Pedro Jose de Olivarriaga est nommé commissionmaire contre la "contrebande" . A la tête de 40 navires, il s'empare de la ville en 1720. La synagogue est détruite, les juifs fuient à Curaçao sur 30 à 40 navires. Cependant, les populations demandent à conserver des contacts commerciaux avec eux. En 1722, les juifs reviennent à Tucacas pour les foires commerciales, en janvier et juin mais aussi la collecte.

Jusqu'en 1720, Curaçao et son cacao vénézuélien rapportent plus à la Hollande que tout le Surinam et jusqu'en 1730, les Pays-Bas tirent plus d'argent de l'Amérique de la France et que l'Angleterre, même si dès les années 1740 ces deux pays pèsent chacun deux ou trois fois plus, grâce à la montée en puissance du sucre.

Virage raté pour la Martinique, Saint-Domingue et la Jamaïque

En Martinique, le cacao a été introduit en 1660 par un marchand juif Benjamin da Costa d'Andrade, qui ramenait des plants du Venezuela, où ils les avait acquis des indiens, ainsi que la technique de préparation du breuvage, en 1664. En 1679, le navire français Le Triomphant, transporte vers la métropole la première cargaison de cacao produit dans l'île. Mais en 1685, les 96 juifs vivant à la Martinique sont expulsés, à la demande des jésuites et selon le Code Noir, dont le premier paragraphe stipule : "Enjoignons à tous nos officiers de chasser hors de nos isles tous les Juifs qui y ont établi leur résidence, donc d'en sortir dans trois mois (...) à peine de confiscation de corps et de biens". La transformation de la canne en sucre et le raffinage deviennent un monopole réservé à un proche du roi, le chevallier Charles François d'Angennes, marquis de Maintenon, premier planteur de sucre de l'île de Martinique. Le cacao, moins rentable, plus difficile à commercialiser, est ensuite rayé de la carte des îles françaises.

Le Père Labat en explique la raison en 1706, dans son Nouveau Voyage aux isles Françoises de l'Amérique:« Comme le cacao n'était pas une marchandise d'un bon débit en France, parce que le chocolat n'y était pas fort en usage et qu'il était chargé de très gros droits d'entrée, les habitants ne s'attachaient qu'au sucre, au tabac, à l'indigo, au rocou, au coton et autres semblables marchandises, dont le débit était facile et avantageux par la grande consommation qui s'en faisait en Europe ».

Benjamin da Costa d'Andrade tenta cependant de résister à son expulsion. Dans une pétition à Louis XIV le 17 juillet 1689, il essaie d prouver au roi de France que son commerce est utile au royaume. Il échoue et doit alors partir pour le territoire néelandais de Curaçao, avec sa femme et ses deux filles, Sarah et Esther, où un autre marchand brésilien de Recife, Isaac Da Costa s'était installé, dans les années 1650. Il a probablement participé ensuite à la création de Tucacas en 1693, avant de revenir à Londres en 1696 et de s'y remarier en 1699. A la même époque, Nicolas Witsen, de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales a ramené le café d'Ethiopie au Jardin botanique d'Amsterdam pour l'acclimater en Indonésie à Batavia.

D'autres juifs avaient progressivement constitué des réseaux commerciaux convergeant vers Curaçao, comme David Cohen Nassi et le marchand brésilien de Recife, Isaac Da Costa.

En 1660, Cayenne accueille 152 juifs, qui fuient en 1664 au Surinam, où les États de Zélande envoient en 1667 lors de guerres anglo-néerlandaises trois vaisseaux commandés par Philip Julius Lichtenberg, qui fonda les ville de Zéélandia et de Nouvelle-Middelburg, avec liberté de culte. Le marchand juif hollandais Samuel Nassy y obtint des concessions en septembre 1682: des réfugiés religieux français, espagnols, anglais et portugais affluent. La colonie compte 90 familles juives en 1700 mais ne produit que 900 livres de cacao en 1706, jouant surtout les intermédiaires, en doublure avec Curaçao.

La culture du cacao sera tentée aussi à la Jamaïque, mais dans des proportions très modestes. Dans cette île, plusieurs épidémies dévastèrent les cacaoyers à la fin du XVIIe siècle, ce qui découragea ensuite la production, tandis que le sucre était plus attractif. Signalé en 1704, le cacao y resta insignifiant jusqu'en 1880. À Saint-Domingue, le cacao est concurrencé par le sucre, plus rentable, et l'indigo, plus en cour à Versailles. Les quelques boucaniers planteurs de cacao quittent le territoire pour s'installer dans la colonie française du Darién.

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