Les diverses organisations qui ont essayé de déterminer la date du pic pétrolier n'ont pas les mêmes opinions sur la date à laquelle le déclin de la production pétrolière doit s'amorcer :
L'augmentation de la consommation de pétrole de la Chine et de l'Inde, liée à leur forte croissance économique, incite à penser que la production ne pourra pas augmenter aussi vite que la demande dans les années qui viennent.
En 2006, selon les chiffres du Departement of energy américain, la production mondiale de pétrole brut (et condensats) a décliné de 200 000 barils/jours comparée à celle de 2005, tandis que la production « tous liquides » (qui inclut les pétroles non conventionnels tels que l'éthanol et le pétrole issus des schistes bitumineux), restait stable. En particulier, la production saoudienne a diminué de 8%.
L'Agence internationale de l'énergie est une organisation destinée à coordonner les politiques énergétiques des pays occidentaux industrialisés. Créée en 1974 à l'initiative des États-Unis à la suite du premier choc pétrolier, elle supervise le dispositif permettant de pallier une pénurie temporaire et coordonne les politiques énergétiques de ses membres. L'AIE faisait partie des acteurs « optimistes » : jusqu'à récemment elle niait l'existence d'un pic pétrolier. Fin 2007 l'AIE a toutefois reconnu que, à l'horizon 2015, le déclin des gisements aujourd'hui en production (- 23,9 millions de barils/jour) et la croissance de la consommation de pétrole en Chine et en Inde (+13,6 millions de barils/jour) imposaient un rythme de croissance de la production pétrolière qui serait difficile à tenir (+37,5 millions de barils/jour). Compte tenu des projets en cours de développement il manquerait à cette date 12,5 millions de barils/jour pour faire face à la demande si de nouveaux gisements n'étaient pas découverts et si des mesures d'économie d'énergie n'étaient pas prises. Pour finir, l'Agence avance en 2009 qu'une inadéquation entre la demande et l'offre de pétrole à partir de 2010 pourrait introduire une « crise énergétique » qui compromettrait tout espoir de sortie de « crise économique », reconnaissant par là que le problème d'une sur-consommation précéderait (ou s'ajouterait à) celui du Pic pétrolier, qu'elle avoue ne pas savoir situer précisément.
L'Association for the Study of Peak Oil and Gas c'est-à-dire l'association pour l'étude du pic pétrolier et gazier rassemble des spécialistes du pétrole et du monde de l'énergie dont plusieurs géologues ayant occupé des postes de responsabilité dans les compagnies pétrolières internationales. L'association fondée par Colin Campbell et présidée par Kjell Aleklett a été créée pour alerter les décideurs et l'opinion publique de l'imminence du pic pétrolier. Elle préconise des mesures économiques rapides incluant la reconversion vers des énergies alternatives pour éviter un effondrement économique.
L'ASPO est le porte-parole des « pessimistes » : selon son analyse, les prévisions de production sont surévaluées pour des raisons à la fois boursières et politiques. Début 2008, l'ASPO prévoit un pic pétrolier vers 2010 et un pic gazier vers 2020. En particulier, Jean Laherrère, membre fondateur de l'ASPO, a étudié les réserves des 20 000 gisements de pétrole dans le monde, et prévoit le pic pétrolier mondial vers 2015, avec une fourchette comprise entre 2010 et 2020.
En 2005, le Département de l'Énergie des États-Unis a publié un rapport intitulé Peaking of World Oil Production : Impacts, Mitigation, & Risk Management (pic de la production mondiale de pétrole : impacts, atténuation, et gestion des risques). Connu sous le nom de rapport Hirsch, il affirmait, « Le pic de la production mondiale de pétrole pose aux États-Unis et au monde un problème de gestion des risques sans précédent. Alors que le pic approche, les prix du pétrole et la volatilité des prix augmenteront considérablement, et, sans une atténuation appropriée, les coûts économiques, sociaux, et politiques seront sans précédent. Des solutions d'atténuation viables existent à la fois sur l'offre et la demande, mais pour qu'elles aient un impact substantiel, elles doivent être engagées plus d'une décennie avant le pic. »
Conclusions du rapport Hirsch
Le rapport Hirsch a abouti à un certain nombre de conclusions :
Trois scénarios
Le rapport liste trois scénarios possibles :
L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a été créée en 1960 à l'initiative du Shah d'Iran et du Venezuela pour pallier la baisse du prix du baril (moins de 5 dollars américains à l'époque). Son objectif principal est de coordonner les politiques de production de ses membres en fixant des quotas, afin de maintenir le cours du pétrole. Certains pays exportateurs ne font pas partie de l'organisation : il s'agit de la Russie, la Norvège, le Mexique, le Canada et le Soudan.
Les compagnies pétrolières internationales ont longtemps été l'acteur principal du marché pétrolier. À la suite de la nationalisation de la production de pétrole par les principaux pays producteurs, leur part dans la production est devenue minoritaire. Les 7 principales compagnies qui réalisaient 62 % de la production mondiale en 1971 en réalisent 15 % aujourd’hui et détiennent 3% des réserves
La production de pétrole est aujourd'hui largement entre les mains des compagnies nationales : ARAMCO pour l'Arabie saoudite, PEMEX pour le Mexique, etc. Elles ont généralement une position extrêmement optimiste, à l'image du PDG d'Amramco qui estimait en 2008 que le pic pétrolier n'était pas un souci et que moins de 10% des réserves étaient utilisées à ce jour.
Thème | Optimistes | Réalistes |
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Réserves | Les réserves déclarées par les producteurs sont fiables | Les réserves, en particulier celles de l'OPEP, sont surestimées et ne correspondent pas aux réserves techniques. |
Incidence des progrès techniques | L'évolution durant ces dernières décennies du coefficient R/P (réserves de pétrole mondiales divisée par la production annuelle) prouve indirectement que l'industrie du pétrole arrive à repousser régulièrement l'échéance | Le coefficient R/P a longtemps été sous-évalué car les réserves déclarées ne correspondaient pas aux réserves techniques. Il est aujourd'hui surévalué car certains pays déclarent des réserves qu'ils n'ont pas pour des raisons à la fois politiques et financières. |
Incidence du prix | L'augmentation du prix du pétrole rend rentable de nouveaux gisements ou permet des prospections plus poussées ce qui permet in fine de maintenir les réserves | Les gisements qui deviennent accessibles grâce à l'élévation du prix du baril sont de plus en plus petits et les réserves découvertes tendent à devenir marginales. |
Part du pétrole non conventionnel | Le pétrole non-conventionnel va prendre progressivement le relais du pétrole conventionnel | Le pétrole non-conventionnel ne représentera toujours qu'une faible fraction de la consommation actuelle : il nécessite d'énormes investissements, son EROEI est souvent très faible, pour différentes raisons malgré la grande taille des réserves, la production de ce type de pétrole plafonnera. La plupart des filières de pétrole non-conventionnel sont très polluantes (importantes émissions de CO2, consommation d'eau, émission de mutagènes et de cancérigènes) et entrent en conflit avec les objectifs de réduction de l'émission de gaz à effet de serre. |
Schistes bitumineux | La planète comporte d'énormes réserves de schistes bitumineux qui une fois les techniques mises au point permettront de produire des quantités significatives de pétrole | Les expériences pilotes n'ont jusqu'à présent pas abouti. L'EROEI est mauvais et la pollution très importante. |
Hydrate de méthane | La planète comporte d'énormes réserves d'hydrates de méthane qui une fois les techniques mises au point permettront de produire des quantités significatives de pétrole | L'hydrate de méthane est trop dispersé pour permettre une utilisation viable. Sa collecte pourrait conduire à une catastrophe climatique en libérant de grandes quantités de méthane dans l'atmosphère. |
Découvertes | L'Arctique et l'offshore profond n'ont été explorés que de manière superficielle et recèlent des réserves significatives | Les réserves potentielles sont à peu près connues et ne représenteront qu'un apport marginal. Le développement de ces gisements nécessite des investissements gigantesques et sont pour l'Arctique au-delà de nos capacités techniques actuelles. Le pétrole produit sera très cher. |
Taux de récupération | Les techniques vont progresser et permettre la récupération d'un taux croissant de pétrole dans les gisements (aujourd'hui 35%). Ce coefficient a d'ailleurs fortement progressé par le passé | La progression du taux de récupération au cours des dernières décennies est contestable (il s'agit plutôt d'une convergence entre réserves officielles et réserves techniques). Le taux de récupération est essentiellement dépendant de la géologie et les progrès techniques n'ont que peu d'incidence. |
Le 11 février 2006, Kenneth Deffeyes, professeur à l'Université de Princeton et expert pétrolier ayant travaillé entre autres pour Shell, annonce que pour lui le pic pétrolier a été atteint en décembre 2005 avec 1000 milliards de barils produits depuis le début de l'ère du pétrole.
Pour certains spécialistes (Jean Laherrère) le pic pétrolier pourrait prendre la forme d'un plateau « en tôle ondulée » caractérisé par des prix chaotiques associés à des cycles de récession économiques.
"En ce qui concerne le pétrole conventionnel, nous sommes actuellement sur un plateau, qui se manifeste par une importante fluctuation des prix liée à l’incertitude de l’offre à venir face à la demande toujours croissante". Kjell Aleklett, Président de l'ASPO.
Le saoudien Sadad Al-Husseini, ancien responsable de l'exploration à la Saudi Aramco, a apporté en 2007 son propre point de vue : pour lui la production de pétrole a atteint son maximum, et jusqu'en 2020 environ la production restera à peu près stable. Il s'agit donc plus d'un plateau de production que d'un pic. Après cette date, il pronostique une baisse assez forte de la production. Il estime également que les réserves mondiales sont surestimées d'environ 300 milliards de barils (soit dix ans de production) et que les grands gisements du moyen orient ont déjà livré 41% de leurs réserves initiales (jusque mi-2007). Ces estimations sont proches de celles fournies depuis plusieurs années par l'ASPO mais leur confirmation par une personnalité ayant exercé des fonctions dirigeantes au sein de la compagnie nationale saoudienne constitue une première.