Pic pétrolier - Définition

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Introduction

Un pic pétrolier désigne le sommet de la courbe qui caractérise la production pétrolière d'un puits ou d'un champ pétrolier ; par extension le « pic pétrolier mondial » (abrégé en Peak Oil en anglais) désigne le moment où la production mondiale de pétrole plafonnera puis commencera à décliner du fait de l'épuisement des réserves de pétrole exploitables.

Le géologue Marion King Hubbert avait, dans les années 1950, pronostiqué avec succès pour certains mais pas pour d'autres le pic de la production de pétrole américaine (cf. le Pic de Hubbert).

À la fin des années 1990 plusieurs professionnels du monde du pétrole, fondateurs de ASPO, s'appuyant notamment sur les travaux de Hubbert, constatent que les réserves des gisements découverts chaque année depuis les années 1970 représentent un volume de pétrole inférieur à la production annuelle. Extrapolant la date à laquelle la production mondiale de pétrole déclinerait, ils tentent d'alerter responsables politiques et pouvoirs publics sur la survenue prochaine du pic pétrolier mondial. La majorité des acteurs du secteur, notamment les compagnies pétrolières et l'AIE, ont réfuté le phénomène en argumentant que les avancées techniques permettraient dans le futur une meilleure récupération du pétrole des gisements existants et l'exploitation de nouvelles sources d'hydrocarbures telles que les sables bitumineux ou l'offshore profond. À l'appui de cette thèse, ils soulignent que les réserves de pétrole disponibles s'étaient jusque là maintenues à quarante fois la consommation annuelle.

La production de pétrole, tirée par la consommation, a augmenté régulièrement au cours des décennies passées. De 1997 à 2007, la consommation annuelle de pétrole a augmenté de 12 %. Elle est passée de 3480 à 3906 millions de tonnes (soit de 72,2 à 81,5 millions de barils par jour). L'envolée du prix du pétrole en 2008 interrompue par la crise économique a contribué à un revirement d'une fraction significative des spécialistes et dirigeants du secteur pétrolier. Ceux-ci reconnaissent que le déclin de la production de pétrole est un phénomène inéluctable.

En revanche, les avis divergent fortement sur la date du pic. En effet celle-ci dépend de nombreux facteurs, dont certains ne peuvent être qu'extrapolés (coût de l'énergie, progrès techniques, mise en production des nouveaux gisements), tandis que d'autres sont tenus cachés par certains des acteurs (réserves pétrolières non évaluables du Moyen-Orient). Les spécialistes les plus optimistes situent le pic pétrolier entre 2020 et 2040 ; à l'inverse, les tenants de la théorie du Pic l'ont situé plutôt dès 2010 ou ont annoncé que la date avait déjà été franchie. Ils font valoir que le déclin des gisements de pétrole conventionnel est plus avancé que ce qui est officiellement annoncé et que la mise en production du pétrole non-conventionnel (sables bitumineux), qui supplée dès maintenant le pétrole conventionnel, se fera plus lentement que prévu et portera sur des volumes annuels qui resteront limités. L'AIE, qui a longtemps nié le sujet, a déclaré en 2009 que le pic viendra peut-être vers 2020 mais qu'il pourrait aussi intervenir en 2010 si la demande mondiale dépasse l'offre.

Définitions

Pic pétrolier

Le pic pétrolier d'un gisement (par exemple le gisement de la mer du Nord) est atteint lorsque la production de pétrole extrait de celui-ci commence à diminuer après avoir atteint son niveau maximum. Par extension le pic pétrolier mondial sera atteint lorsque la production mondiale de pétrole commencera à décliner.

Les principes généraux qui sous-tendent l'existence d'un pic pétrolier mondial sont les suivants :

  • le pétrole est une ressource limitée, qui ne se renouvelle qu'à une échelle de temps géologique. Il est le produit de la décomposition de matière organique qui s'est accumulée puis transformée sous de fortes pressions sur des périodes s'étalant sur plusieurs millions d'années ;
  • l’homme a prospecté une grande partie de la planète et les découvertes de nouveaux gisements, y compris de pétrole non conventionnel, deviennent rares. Les dernières grandes découvertes remontent aux années 1970 (Alaska, mer du Nord). Depuis des découvertes continuent à être faites mais elles portent sur des volumes beaucoup plus faibles, inférieurs à la production depuis le début des années 1990 ;
  • le pétrole non conventionnel, malgré les énormes réserves disponibles (schistes bitumineux, pétrole extra-lourds, clathrates), ne pourra pas prendre le relais du pétrole car la capacité de production même à long terme est limitée par plusieurs facteurs : investissements nécessaires, volume des entrants nécessaires (dont énergie), complexité des processus de transformation.

Pic de la demande pétrolière

A l'opposé du pic de l'offre ci-dessus, les organismes spécialisés (OPEP, EIA, IEA) considèrent en 2010 que le marché se caractérise par un pic de la demande, c'est-à-dire que la consommation va baisser avant que puisse se produire une faiblesse de la production. En effet, l'augmentation brutale du prix du baril constatée en 2008 (147 USD/bbl), les préoccupations environnementales et la volonté d'une majorité de consommateurs d'utiliser des automobiles moins consommatrices (la Toyota Prius fut la voiture la plus vendue au Japon en 2009) contribuent à faire chuter la demande. L'intensité énergétique, qui mesure la quantité d'énergie consommée par unité de PIB, est en baisse sur le long terme ; en ce qui concerne le pétrole seul, cet indice chute de 2% par an depuis une dizaine d'années, et la demande en pétrole des pays européens stagne depuis les années 1980.

Tony Hayward, président de BP, confirme cette approche en considérant que les pays développés ont franchi leur pic de demande pétrolière en 2007.

Allure du pic

Il ne semble pas certain que les évènements suivent une courbe régulière (montée, sommet, descente). Plusieurs spécialistes (cf. paragraphe 8.8) parlent d'un plateau dont les irrégularités (reprises et récessions successives) peuvent rendre difficile toute appréciation et donc toute datation précise d'un « pic ».

Pics différenciés

Le pétrole conventionnel classique (le plus facile à extraire) pourrait avoir atteint un sommet en 2005. Le déficit a été comblé par un pétrole plus couteux à extraire, provenant principalement de gisements en eau profonde et de l’exploitation des sables bitumineux canadiens. Il est plus difficile d’évaluer les pétroles non conventionnels, qui incluent les sables bitumineux et le pétrole lourd, le pétrole en eau profonde, celui des régions polaires et les liquides à base de gaz naturel, mais le pic "toutes catégories" pourrait avoir été atteint en 2008.

Cycle de vie de l'exploitation d'un gisement de pétrole et pic pétrolier

La durée du cycle de vie d'un gisement de pétrole donné est très variable. Dans tous les cas il s'étale sur plusieurs décennies à partir de l'année de la première découverte.

La mise en production d'un nouveau gisement de pétrole intervient après un intervalle de temps compris entre quelques années et quelques décennies après sa découverte. Ce délai peut être particulièrement long si son exploitation nécessite l'apparition de techniques nouvelles comme ce fut le cas du pétrole issu de l'offshore profond. Aujourd'hui ce délai est également lié à la nécessité de construire des infrastructures lourdes et coûteuses car les gisements découverts récemment sont souvent situés dans des zones difficiles d'accès (offshore profond, Sibérie,…), nécessitent d'énormes installations pour l'extraire (plateformes offshore, installations spéciales pour les sables bitumineux...) et pour le rendre commercialisable (raffineries spécialisées pour les pétroles lourds, installations de transformation pour les sables bitumineux…).

La production de pétrole d'un gisement, elle-même s'étale généralement sur plusieurs décennies : les premiers puits des gisements de la mer du Nord sont entrés en production en 1970 et la dernière goutte de pétrole devrait être extraite vers 2050. Le volume de pétrole produit au cours du temps peut être représenté par une courbe en forme de cloche. Entre le début et l'arrêt de la production, la production passe par un maximum qui correspond à peu près au moment où la moitié du pétrole a été extrait. La phase de déclin est beaucoup plus longue que la durée écoulée entre la mise en production du gisement et son pic.

Au début de la production, le pétrole jaillit spontanément du puits (technique de récupération dite primaire utilisée pour environ 40% de la production). Dans une deuxième phase, il faut forcer le pétrole à jaillir en introduisant de l'eau ou du gaz (technique de récupération secondaire utilisée pour moins de 60% de la production) ce qui nécessite une dépense en énergie croissante. En dernier ressort des techniques encore plus coûteuses comme l'injection de vapeur chaude pour augmenter la fluidité du pétrole peuvent être dans certains cas utilisées (technique de récupération tertiaire utilisée pour moins de 2 % de la production). La production est arrêtée lorsque l'énergie nécessaire pour extraire un litre de pétrole dépasse celle contenue dans ce même litre en tenant compte des autres coûts d'exploitation (maintenance, coûts humains, transport). Durant la phase de déclin, la production décroît à un rythme qui dépend de la géologie du gisement et des méthodes d'extraction utilisées : la moyenne est de 4% (soit 25 ans pour épuiser le gisement après son pic) mais le déclin constaté est semble-t-il beaucoup plus rapide sur les gisements exploités récemment du fait des techniques mise en œuvre. Lorsque la production est arrêtée, il peut rester de 15 à 99 % de pétrole (en moyenne 65 %) en place dans le gisement, non récupéré.

On peut tenter d'accélérer la récupération du pétrole avec des techniques coûteuses comme le forage horizontal mais celles-ci semblent réduire le taux de récupération.

Principaux jalons de l'exploitation de quelques gisements
Gisement pétrolier Découverte Mise en production Pic Fin de production estimée
Mer du Nord 1960 1971 1999 vers 2050?
Cantarell (Mexique) 1977 1979 2003 2020?
Texas oriental 1930 1930 1993 vers 2010 ?

Taux de récupération

Le taux de récupération d'un gisement, c'est-à-dire le rapport entre le pétrole contenu dans le gisement et ce qui peut être effectivement extrait dans des conditions économiques viables, dépend à la fois de la configuration géologique du gisement et des techniques de récupération employées. Une des explications fournie par les « optimistes » sur la bonne tenue des réserves malgré la faiblesse des découvertes durant ces dernières décennies est que l'évolution de la technique a permis d'améliorer constamment le taux de récupération. Ce taux serait ainsi passé en une cinquantaine d'années de 20 % à 35 %. Les « pessimistes » indiquent que les techniques qui font leur preuve existaient déjà il y a longtemps et que l'amélioration des techniques de récupération n'a fait progresser le taux de récupération que de manière marginale et sur un nombre de gisements restreint.

Énergie retournée sur énergie investie (EROEI) / Taux de Retour Energétique (TRE)

La production de pétrole conventionnel nécessite de l’énergie durant une grande partie du cycle de vie de l'exploitation d'un gisement. Lorsque celui-ci arrive en fin de vie, l'énergie nécessaire pour extraire un litre de pétrole finit par dépasser celle contenue dans ce même litre : le rapport énergie retournée sur énergie investie est inférieur à 1 (abrégé en anglais en EROEI ou EROI Energy Returned On Energy Invested ; en français TRE, Taux de Retour Energétique). Le gisement n’est alors plus une source mais un puits d'énergie et son exploitation pour le pétrole-énergie n'est plus rentable. (par contre elle peut l'être en cas de forte pénurie pour le produit-matière première si le prix des produits dérivés croit fortement).

Le pétrole non-conventionnel nécessite beaucoup d'énergie  : pour pouvoir l'extraire (pétroles lourds), le fabriquer (éthanol, pétrole obtenu à partir du gaz ou du charbon), pour le rendre utilisable (schistes bitumineux, pétroles lourds). La valeur du coefficient EROI joue un rôle critique pour déterminer si la mise en exploitation du gisement est économiquement viable. Ce coefficient est notamment au centre des débats sur l'éthanol produit à partir du maïs car sa valeur s'établit, en fonction des sources scientifiques, entre 1,3 et 0,7 (puits d'énergie).

Les projections statistiques de production de pétrole non-conventionnel devraient fournir des volumes de production net de l'énergie consommée dans la mesure où cette dernière provient de ressources elles-mêmes non renouvelables (gaz naturel pour les sables bitumineux du Canada).

EROEI de quelques sources d'énergie
Source pétrole Localisation/période EROEI Commentaires
Pétrole États-Unis (1970) 100 Gisements importants, installations à terre, extraction de type primaire ou secondaire
Pétrole États-Unis (2005) 15 Gisements plus petits, offshore profond, extraction de type tertiaire, arctique
Sables bitumineux Canada 3 ==> Bitume
Sables bitumineux Canada 1,5 ==> Syncrude (carburant synthétique)
Biomasse à partir de la canne à sucre (Brésil) 7 à 8
Biomasse à partir de céréales (États-Unis) 0,7 à 1,3 pas de consensus sur l'EROEI
Charbon Afrique du Sud 3

Les différentes catégories de pétrole

Chaque gisement donne un pétrole dont la composition est différente. Les deux critères principaux qui déterminent sa valeur économique sont la proportion de carbone et la teneur en soufre. Les pétroles les plus prisés sont les pétroles légers (faible proportion de carbone) contenant peu de soufre car ils peuvent être transformés à faible coût en produits de haute valeur (carburants de bonne qualité). À l'autre bout de l'échelle, le pétrole extra-lourd est difficile à extraire et à transporter (fluidité faible) et la trop faible proportion d'hydrogène requiert des traitements coûteux et des installations industrielles adaptées pour qu'il soit utilisable. Le condensat est un pétrole particulièrement léger, à l'état de gaz dans le gisement, et qui se condense (d'où son nom) à l'état liquide une fois porté à la pression ambiante. De par sa nature, il est constitué de composants mieux valorisés, souvent utilisés en pétrochimie. Quand il est en faibles quantités, on se contente de l'utiliser pour diluer des pétroles plus lourds.

Ces dernières années, la proportion des pétroles les plus recherchés est en diminution par rapport aux pétroles atypiques lourds, extra-lourds (sables bitumineux) et aux condensats. La mise sur le marché de ces pétroles est liée au déclin des ressources en pétrole de qualité (les gisements d'Arabie saoudite mis en production en 2008 fournissent majoritairement du pétrole lourd ou comportant une proportion de soufre importante).

Certains hydrocarbures sont disponibles en grande quantité dans la nature sous une forme qui n'est pas directement utilisable : ce sont les schistes bitumineux (un pétrole qui n'a pas achevé sa genèse) et les hydrates de méthane (aussi appelés clathrates) qui sont des ressources comprenant du méthane piégé dans de la glace d'eau. La production d'hydrocarbures utilisables à partir de ces ressources n'a pas atteint aujourd'hui au stade industriel mais certaines prévisions les incluent dans les réserves ou dans les productions futures.

À côté de ces pétroles naturels, on trouve des pétroles synthétiques réalisés à partir de la biomasse (maïs, canne à sucre…), du charbon ou du gaz grâce à des processus industriels nécessitant beaucoup d'énergie et généralement très polluants. Les hydrocarbures produits ainsi représentent une faible part de la production mondiale.

Toutes ces ressources, lorsqu'elles sont évaluées globalement, sont désignées dans les statistiques sous l'appellation « tous liquides ».

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