Si de nombreux écrits des auteurs grecs de la période classique et hellénistique (dont ceux de mathématiciens, d’astronomes, et de géographes) sont parvenus jusqu'à nous, éventuellement par une tradition indirecte, l’œuvre des autres peuples ou civilisations du Proche-Orient ancien, notamment celle des Babyloniens, ont sombré dans l'oubli pendant une longue période. Mais depuis l'exploration de sites archéologiques-clef au XIXe siècle, plusieurs écrits en cunéiforme couchés sur des tablettes d'argile ont été mis au jour, dont certains ont trait à l’astronomie. La plupart de ces tablettes astronomiques ont été décrites par Abraham Sachs et publiées par la suite par François Thureau-Dangin dans ses Textes mathématiques babyloniens.
Depuis la redécouverte de la civilisation babylonienne, il est devenu évident que l'astronomie grecque a beaucoup emprunté aux Chaldéens. Les emprunts les mieux documentés se trouvent chez Hipparque (IIe siècle av. J.-C.) et Claude Ptolémée (IIe siècle).
Plusieurs chercheurs s'accordent pour dire que le cycle de Méton a probablement été connu des Grecs par des scribes babyloniens. Méton, un astronome athénien du Ve siècle av. J.-C., proposa un Calendrier luni-solaire fondé sur la quasi-équivalence de 19 années solaires et de 235 mois lunaires, observation déjà connue des Babyloniens.
Au IVe siècle av. J.-C., Eudoxe de Cnide écrivit un livre sur les astres fixes. Les descriptions qu'il donne de plusieurs constellations, particulièrement celles des douze signes du zodiaque, sont étrangement semblables à celles des Babyloniens. Un siècle plus tard, Aristarque de Samos utilise un cycle d’éclipses découvert par les Babyloniens, le Saros, pour déterminer la durée d'une année. Cependant, tout cela n'est que suppositions et on ne connaît pas de lien précis entre ces auteurs.
Franz Xaver Kugler, par exemple, a montré la chose suivante : Ptolémée, dans l’Almageste, indique qu’Hipparque a corrigé la durée des phases de la Lune transmises par « des astronomes encore plus anciens » en rapportant les observations des éclipses faites auparavant par « les Chaldéens » aux siennes. Or, Kugler a montré que les périodes que Ptolémée attribue à Hipparque étaient déjà utilisées dans des éphémérides babyloniens, à savoir le recueil nommé « Système B » (parfois attribué à Kidinnu). Apparemment, Hipparque s'est borné à confirmer par ses observations l’exactitude des valeurs de périodes qu'il avait lues dans les écrits des Chaldéens.
Il est évident qu’Hipparque (et Ptolémée à sa suite) disposaient d'une liste complète des observations d’éclipses sur plusieurs siècles. Celles-ci avaient très probablement été compilées à partir des « tablettes-journaux », tablettes d'argile contenant toutes les observations significatives effectuées au jour le jour par les Chaldéens. Les exemplaires préservés datent de 652 av. J. Chr. à 130 de notre ère, mais les événements célestes qui y sont consignés remontent très probablement au règne du roi Nabonassar : car Ptolémée fait commencer sa chronologie au premier jour du calendrier égyptien, la première année du règne de Nabonassar, c’est-à-dire le 26 février 747 av. J. Chr.
Il n'a pas dû être facile d'exploiter toute cette masse d'observations, et il n'est pas douteux que les Chaldéens eux-mêmes se servaient de tables abrégées contenant, par exemple, uniquement les éclipses observées (on a trouvé quelques tablettes portant une liste de toutes les éclipses sur une période correspondant à un « saros »). Ces tables leur permettaient déjà de constater le retour périodique de certains phénomènes. Parmi les périodes utilisées dans le recueil du « Système B » (cf. Almageste IV.2), on trouve :
Les Babyloniens exprimaient toutes les périodes en mois synodiques, probablement parce qu'ils utilisaient un calendrier luni-solaire. Le choix des intervalles entre les phénomènes célestes périodiques survenant en l'espace d'une année donnait différentes valeurs pour la longueur d'une année.
De même, on connaissait plusieurs relations entre les périodes des planètes. Les relations que Ptolémée attribue à Hipparque avaient déjà servi pour des prédictions retrouvées sur des tablettes babyloniennes.
Voici d'autres traces de pratiques babyloniennes dans l’œuvre d’Hipparque :
Toutes ces connaissances passèrent aux Grecs, sans doute peu après la conquête d’Alexandre le Grand (-331). Selon le philosophe Simplicius (début du VIe siècle), Alexandre avait ordonné la traduction des éphémérides astronomiques chaldéens, et en avait confié la supervision à son biographe Callisthène d’Olynthos, qui les envoya à son oncle Aristote. Si Simplicius ne nous offre qu'un témoignage tardif, son récit n'en est pas moins fiable, car il passa quelque temps en exil à la cour des Sassanides, et a pu avoir accès à des sources documentaires ayant disparu en Occident. Ainsi il est frappant qu'il emploie le titre tèresis (en grec: « veille »), étrange pour un livre d'histoire, mais qui constitue une traduction précise du babylonien massartu qui signifie « monter la garde » mais également « observer ». Quoi qu'il en soit, c’est vers cette époque que Calippe de Cyzique, un élève d’Aristote, proposa l’emploi d'un cycle de 76 ans, qui améliore le cycle de Méton, d'une durée de 19 ans. Il faisait démarrer la première année de son premier cycle au solstice d’été (28 juin) de l'an 330 av. J. Chr. (date julienne prolepse), mais par la suite il semble qu'il ait compté les mois lunaires à partir du mois suivant la victoire d’Alexandre à la bataille de Gaugamèles, à l'automne 331 av. J. Chr. Ainsi, Calippe a pu obtenir ses données de sources babyloniennes, et il est donc possible que son calendrier soit antérieur à celui de Kidinnu. On sait par ailleurs que le prêtre babylonien connu sous le nom de Bérose écrivit en grec vers 281 av. J. Chr. une histoire (à caractère plutôt mythologique) de la Babylonie, les Babyloniaca, dédiées au nouveau monarque Antiochos Ier ; et l’on dit qu’il fonda par la suite une école d’astrologie sur l’île grecque de Cos. Parmi les autres auteurs qui ont pu transmettre aux Grecs les connaissances babyloniennes en astronomie-astrologie, citons Soudinès qui vivait à la cour du roi Attale Ier Sôter à la fin du IIIe siècle av. J.-C..
Quoi qu’il en soit, la traduction de ces annales astronomiques exigeait une connaissance profonde de l’écriture cunéiforme, de la langue et des méthodes, de sorte qu’il est vraisemblable qu'on a confié cette tâche à un Chaldéen dont le nom ne nous est pas parvenu. Les Babyloniens, en effet, dataient leurs observations dans leur calendrier luni-solaire, dans lequel la durée des mois et des années n'est pas fixe (29 ou 30 jours pour les mois ; 12 ou 13 mois pour les années). Qui plus est, à cette époque il n'utilisaient pas encore de calendrier régulier (fondé par exemple sur un cycle, comme le cycle de Méton), mais faisaient démarrer un mois à chaque nouvelle Lune. Cette pratique rendait fastidieux le calcul du temps séparant deux événements.
La contribution d’Hipparque a dû consister à convertir ces données en dates du calendrier égyptien, qui est fondé sur une année d'une durée fixe de 365 jours (soit 12 mois de 30 jours et 5 jours supplémentaires) : ainsi le calcul des intervalles de temps est beaucoup plus simple. Ptolémée datait toutes ses observations dans ce calendrier. Il écrit d’ailleurs que « Tout ce qu'il (=Hipparque) a fait, c'est une compilation des observations des planètes ordonnée de façon plus commode. » Pline l'Ancien, traitant de la prédiction des éclipses écrit : « Après eux(=Thalès) les positions des deux astres (=le Soleil et la Lune) pour les 600 années à venir furent annoncées par Hipparque, … » Cela doit vouloir dire qu'Hipparque a prédit les éclipses pour une période de 600 ans, mais étant donné l'énorme quantité de calculs que cela représente, c'est très peu probable. Plus vraisemblablement, Hipparque aura compilé une liste de toutes les éclipses survenues entre le temps de Nabonasser et le sien.