École de Nancy (psychologie) - Définition

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Introduction

Le Docteur Liébeault debout (à gauche) parmi ses patients dans sa clinique de Nancy en 1873.

L'École de Nancy, aussi appelée École de la suggestion, est, avec l'École de la Salpêtrière, l'une des deux grandes écoles ayant contribué à l'« âge d'or » de l'hypnose en France de 1882 à 1892. Cette école est composée du médecin Ambroise-Auguste Liébeault, du professeur de médecine Hippolyte Bernheim, du juriste Jules Liégeois et du médecin Henri Beaunis. La méthode thérapeutique de Liébeault et Bernheim est caractérisée par une hypnose « autoritaire », fondée sur l'usage de suggestions directes du type « Vous commencez à vous sentir très fatigué » ou « Vous commencez à avoir moins mal ».

En 1903, Bernheim considère que l'on ne peut pas distinguer l'hypnose de la suggestibilité et il abandonne progressivement l'hypnose formelle, soutenant que ses effets peuvent tout aussi bien être obtenus à l'état de veille par la suggestion, selon une méthode qu'il désigne du nom de « psychothérapie ». L'École de Nancy a exercé une influence décisive sur le développement de l'hypnose clinique, de la psychologie et de la psychothérapie. Les plus grands cliniciens de l'époque, de Sigmund Freud à Émile Coué en passant par Auguste Forel et Joseph Delbœuf, ont rendu visite à Bernheim et Liébeault pour observer leur travail.

La querelle qui oppose l'École de Nancy à l'École de la Salpêtrière de Jean-Martin Charcot est au cœur de tous les débats de l'époque sur la nature de l'hypnose, les partisans de Bernheim voyant dans l'hypnose un simple sommeil produit par la suggestion et susceptible d'applications thérapeutiques et ceux de Charcot considérant que l'hypnose est un état pathologique spécifique propre aux hystériques. Ce débat a continué à influencer les recherches sur l'hypnose au cours du XXe siècle, comme en témoignent notamment les travaux de Clark Leonard Hull et Theodore Barber.

Contexte historique

Magnétisme animal et émergence de l'hypnose

James Braid.

Depuis l'élaboration théorique du magnétisme animal en 1773 par Franz Anton Mesmer, les différentes tendances de la « médecine magnétique » combattent en vain pour être reconnues et institutionnalisées. En France, le magnétisme animal est introduit par Mesmer en 1778 et fait l'objet de plusieurs condamnations officielles, notamment en 1784 et en 1842, date à laquelle l'Académie des Sciences décide de ne plus s'intéresser aux phénomènes « magnétiques ». Cela n'empêche pas un grand nombre de médecins de l'utiliser, notamment en milieu hospitalier, parmi lesquels Charles Deslon, Jules Cloquet, Alexandre Bertrand, le professeur Husson, Léon Rostan, François Broussais, Étienne-Jean Georget, Didier Berna et Alphonse Teste. Dans d'autres pays d'Europe, le magnétisme animal, qui ne fait pas l'objet d'une telle condamnation, est pratiqué par des médecins tels David Ferdinand Koreff, Christoph Wilhelm Hufeland, Karl Alexander Ferdinand Kluge, Karl Christian Wolfart, Karl Schelling, Justinus Kerner, James Esdaile et John Elliotson.

Les termes « hypnologie » et « hypnotique » apparaissent dans le Dictionnaire de l'Académie Française en 1814 et les termes « hypnotisme » et « hypnose » sont proposés par Étienne Félix d'Henin de Cuvillers dès 1820. Cela étant dit, il est généralement admis que le médecin écossais James Braid fait la transition entre le magnétisme animal et l'hypnose. En 1841, Braid assiste à une démonstration du magnétiseur public Charles Lafontaine et en 1843, il publie Neurhypnologie, Traité du sommeil nerveux ou hypnotisme. Les théories de Braid reprennent pour l'essentiel la doctrine des magnétiseurs imaginationnistes français tels Jose Custodio da Faria et Alexandre Bertrand. Braid reproche cependant à Bertrand d'expliquer les phénomènes magnétiques par une cause mentale, les pouvoirs de l'imagination, alors que lui les explique par une cause physiologique, la fatigue des centres nerveux liée à la paralysie de l'appareil oculaire. Son apport est double. D'une part, il propose une nouvelle méthode de fascination fondée sur la concentration du regard sur un objet brillant, méthode qui est censée produire des effets plus constants et plus rapides que les anciens procédés des magnétiseurs. D'autre part, il introduit une théorie centrée sur la notion de fatigue mentale. Pour lui, l'hypnose est un état de concentration mentale durant lequel les facultés de l'esprit du patient sont tellement accaparées par une seule idée qu'il devient indifférent à toute autre considération ou influence. Braid utilise notamment sa méthode pour obtenir l'anesthésie lors d'interventions chirurgicales. À cette époque, on n'utilise pas encore l’éther en anesthésiologie. Découvert en 1818 par Michael Faraday, l'éther n'est utilisé pour la première fois qu'en 1846, par le dentiste américain William Morton.

Les premiers travaux du docteur Liébeault

Ambroise-Auguste Liébeault.

Vers 1848, Ambroise-Auguste Liébeault, encore jeune interne en chirurgie à l'Université de Strasbourg, commence lui aussi à s'intéresser au magnétisme animal suite à la lecture du Rapport Husson. Dans ce rapport, déposé devant l'Académie de médecine en 1831, le professeur Husson affirme l'existence du magnétisme et déclare que, comme agent thérapeutique, il devrait trouver sa place dans le cadre des connaissances médicales. Influencé par les magnétiseurs Charles Lafontaine, Alphonse Teste et Jules Dupotet de Sennevoy, Liébeault commence à endormir des jeunes femmes. Il devient docteur en médecine le 7 février 1850, s'établit comme médecin de campagne à Pont-Saint-Vincent et pendant dix ans interrompt ses expériences de magnétisme.

Le 5 décembre 1859, le chirurgien Alfred Velpeau rend compte devant l'Académie des sciences d'une intervention pratiquée sous anesthésie hypnotique selon la méthode de Braid au nom de trois jeunes médecins, Eugène Azam, Paul Broca et Eugène Follin. Ces derniers ont pratiqué la veille à l'hôpital Necker l'opération d'une tumeur anale sous anesthésie hypnotique. L'opération, très douloureuse par nature, se passe sans que la patiente ne donne aucun signe de douleur.

En 1860, la lecture des travaux d'Azam et Velpeau ravive l'intérêt de Liébeault pour l'hypnose et il s'installe à Nancy, au numéro 4 de la rue Bellevue (aujourd'hui rue du Docteur Liébeault) comme guérisseur philanthrope. Pour convaincre ses clients d'accepter d'être soignés par le magnétisme, il leur propose l'alternative suivante : soit les traiter gratuitement par le magnétisme soit les traiter par la médecine « officielle » au tarif habituel de ses honoraires. En quelques années, il se constitue une importante clientèle qu'il soigne par le magnétisme et qui ne lui rapporte à peu près rien. Il apparaît comme un marginal à une époque où le magnétisme animal est complètement discrédité par l'Académie lorsqu'il publie en 1866, dans l'indifférence générale, Du sommeil et des états analogues considérés surtout du point de vue de l'action du moral sur le physique. Il y fait état de notions théoriques et pratiques largement proches de celles des magnétiseurs du courant « imaginationniste » tels l'abbé Jose Custodio da Faria, le médecin Alexandre Bertrand et le général François Joseph Noizet qui niaient l'existence d'un fluide magnétique. Il y explique que le sommeil hypnotique ne diffère du sommeil naturel que par la façon dont il est provoqué, à savoir par la suggestion, la concentration de l'attention sur l'idée du sommeil, et par le fait que les sujets restent en « rapport » avec l'hypnotiseur.

Charcot et les travaux de la Salpêtrière

Jean Martin Charcot.

En 1878, le neurologue Jean Martin Charcot commence à étudier l'hypnose, probablement sous l'influence de son collègue Charles Richet, qui a publié en 1875 un article sur « Le somnambulisme provoqué ». Durant l'été 1878, il commence à utiliser l'hypnose comme technique expérimentale pour l'étude de l'hystérie.

Charcot communique les résultats de ses recherches à l'Académie des sciences le 13 février 1882. Cette même année, dans Sur les divers états nerveux déterminés par l'hypnotisation chez les hystériques, il réhabilite l'hypnose comme sujet d'étude scientifique en la présentant comme un fait somatique propre à l'hystérie. Charcot pense ainsi avoir caractérisé l'hypnose de façon objective par des signes physiques et surtout neurologiques non simulables. Il réalise un tour de force en faisant reconnaître l'hypnotisme par l'Académie qui l'avait condamné à trois reprises sous le nom de magnétisme animal. Pour Charcot et les membres de son école, « un individu hypnotisable est souvent un hystérique, soit actuel, soit en puissance, et toujours un névropathe, c'est-à-dire un sujet à antécédents nerveux héréditaires susceptibles d'être développés fréquemment dans le sens de l'hystérie par les manœuvres de l'hypnotisation ».

Charcot décrit les trois stades successifs de ce qu'il appelle le « grand hypnotisme » ou la « grande hystérie » : la léthargie, la catalepsie et le somnambulisme. Selon lui, l'attaque de la Grande Hystérie se déroule selon des lois « valables pour tous les pays, pour tous les temps, universelles par conséquent ».

Charcot effectue de nombreuses leçons publiques à la Salpêtrière, auxquelles médecins et intellectuels de toute l'Europe se pressent pour pouvoir observer les phénomènes qu'il met en scène. Guy de Maupassant, Alphonse Daudet, Émile Zola et les frères Goncourt assistent à ces séances. Certaines des patientes hystériques de Charcot, telles Justine Etchevery, Rosalie Leroux, Jane Avril ou Blanche Wittmann, surnommée « la reine des hystériques », deviennent aussi célèbres que des actrices de théâtre. Dans ces présentations cliniques de patientes à la Salpêtrière, Charcot reproduit leurs symptômes sous hypnose, les faisant passer par les trois états de la grande hystérie.

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