La graine de l'Hevea Brasiliensis fut introduite en 1877 à Singapour par les Anglais, qui contrôlaient le port, mais la culture ne commença qu'en 1890 en Malaisie. Les Anglais avaient signé le traité de Pangkor en 1874 avec le sultanat de Perak, pour installer un résident, début de l'intervention britannique dans les affaires des états malais. En 1888, les Anglais nommèrent un résident auprès du sultan de Pahang, puis poussèrent les sultans de Negeri Sembilan, Pahang, Perak et Selangor à former les États malais fédérés (Federated Malay States) en 1896, sous la tutelle d'un haut-commissaire britannique installé à Singapour, gouverneur des trois colonies ou Straits Settlements.
La culture de l'hévéa ne prit un grand qu’essor à partir de 1910. La superficie cultivée atteignait 0,9 million d’hectares dès 1920 et 1,3 million d’hectares en 1937, sous forme de petites propriétés sur la côte ouest de la péninsule : d'une part entre la Selangor et la Muar (Southern Zone, la plus importante), d'autre part le nord de Perak et le sud de Kedah (Northern Zone). À Malacca, la firme logeait ses managers autour d'un golf à 12 trous, dans un enclos de 60 hectares. Une armée de 25 jardiniers veillait jalousement au millier d'orchidées qui s'étendaient sur une dizaine d'hectares.
L'ouest de la péninsule avait un bon réseau de routes et de voies ferrées, pour l'exploitation, beaucoup plus ancienne, des mines d'étain, tandis que canne à sucre, caféier, poivrier et manioc n'avaient pas eu grand succès. Le boom de l’hévéa a bénéficié de la stabilité politique des « États fédérés », Selangor et Perak, protectorats britanniques, et de l'existence de bons ports, comme Penang et Port Swettenham, par où pouvait arriver facilement la main-d'œuvre indienne.
La mortalité parmi les coolies indiens atteignit 20% par an dans la phase pionnière du défrichement. En plaine, l'Anopheles umbrosus, moustique de marécage, fut vaincu par un réseau de drains, le pétrolage des plages et la rectification du lit des ruisseaux. Sur les pentes, l'Anopheles maculatus, moustique des eaux claires et courantes, exigea de créer des ombrages sur les cours d'eau. C'est dans cette région qu'ont été faits les premiers essais de sélection d'arbres. Aujourd'hui, 58% des hévéas de Malaisie sont des clones de haute qualité.
Avant même que le prix du latex ne soit rendu plus abordable, de nouveaux usages furent imaginés, d’abord pour les vélos, ouvrant la voie à ce qui sera le principal marché de l’histoire de la culture de l’automobile. En 1887, à Belfast, le vétérinaire irlandais John Boyd Dunlop imagine un tube souple gonflé pour remplacer les pneus pleins. Un après-midi d'hiver de 1887, il rentre chez lui à pied et entend un bruit de ferraille sur la route : c’est le tricycle de son fils. Dunlop y réflécit pendant plusieurs semaines, puis il démonte le tricycle de son fils, en retire les roues arrière, arrache leur mince segment de caoutchouc et remplace l'étroite gorge qui le maintenait en place par une large jante en bois d'orme.
Puis il fixe sur cette jante, avec de la colle spéciale à caoutchouc, une "chambre" de caoutchouc souple qu'il enferme dans une enveloppe de toile de coton, et il gonfle cette chambre à l'aide d'une pompe de ballon de football. Les premiers essais ont lieu sur un chemin de campagne, la nuit du 28 février 1888. Le 23 juillet 1888, il dépose un brevet qui permettra d'utiliser le caoutchouc pour la fabrication de pneumatiques. Dès 1889, des pneus sont utilisés en compétition cycliste, avec 4 victoires consécutives de William Hume, remportées sur sa bicyclette équipée de pneumatiques. Dunlop, lors des jeux sportifs de Queens College.
Quatre ans après, en 1892, les frères Michelin (André et Édouard Michelin) présentent les premiers pneus démontables pour vélos et autos. En 1895, la première voiture équipée de pneumatique démontable avec chambre à air est présentée au public. Jusqu'à cette date, les pneus étaient pleins. L'alliance entre l'automobile et le pneumatique ne se démentit dès lors jamais, au point qu'au cours du XXe siècle nombreuses furent les recherches ayant pour but de mettre au point des ersatz ou substituts synthétiques. L’année 1895 est aussi celle qui voit la première voiture équipée de pneumatiques participer à une compétition automobile, le "Paris-Bordeaux".
Les cours de la gomme naturelle flambent. En 1880 à Paris, le caoutchouc vaut 25 francs le kg alors que le salaire moyen horaire d'un ouvrier spécialisé est de 0,80 franc. Les sociétés de caoutchouc, Firestone, Goodyear, Pirelli, Dunlop et Michelin, dont les actions sont cotées à Wall Street, connaissent de fantastiques envolées. Leurs dividendes augmentent de 200% à 300%. Dans "The Manning", le roman de Fred Mustard Stewart, le héros Mark Manning est un fabricant indépendant, exclu de l'"Entente du caoutchouc", qui impose sa loi à l'industrie automobile.