L'histoire de la firme commence en 1876 par une conférence de sir Joseph Lister, alors en visite aux États-unis où il reçut un accueil favorable à Boston et à New York, sur les bienfaits des antiseptiques auquel Robert Wood Johnson a assisté.
Sir Joseph Lister, premier baron Lister, (né le 5 avril 1827 à Upton dans l'Essex ; mort le 10 février 1912 à Walmer) est un célèbre chirurgien Anglais, quaker, qui a promu l'idée d'une chirurgie stérile lorsqu'il travaillait à la Glasgow Royal Infirmary. Fils de Joseph Jackson Lister, le pionnier dans l'usage du microscope, il a découvert l'origine des infections en bloc opératoire : les germes se propageant dans l'air, qu'il appela alors les « assassins invisibles ». La médecine allait faire un premier pas vers la connaissance des risques liés à l'infection des plaies et de la nécessité d'en protéger les patients. Pourtant, cette découverte - l'idée qu'une multitude d'organismes vivants, invisibles à l’œil nu et mortels, est présente partout - ne fit pas l'unanimité parmi les chirurgiens du XIXe siècle.
En effet ces derniers auraient dû alors reconnaître qu'ils soignaient leurs patients dans des conditions hygiéniques déplorables et qu'ils étaient responsables de leur mort : 90 % des patients mouraient après l'opération dans certains hôpitaux. À cette époque, en effet, dans la plupart des hôpitaux de simples installations pour se laver les mains, nettoyer les plaies des patients et les instruments chirurgicaux n'existaient pas ; les chirurgiens considéraient que c'était inutile.
Lister, quant à lui, avait lu un article publié par Louis Pasteur qui affirmaient que la pourriture et la fermentation sont possibles sans apport d'oxygène en la présence de micro-organismes, ce qu'il confirma par ses propres expériences. Or, si les micro-organismes sont la cause de la gangrène, le problème était donc de trouver une solution afin de les éliminer. Pasteur avait déjà proposé trois méthodes dans ce but : les emprisonner à l'aide d'un filtre, les détruire par la chaleur ou bien en les exposant à des solutions chimiques. Les deux premières solutions étant inappropriées dans le cas d'une plaie humaine, Lister expérimenta alors la troisième.
Il élabora une solution d'acide carbolique (ou phénol dont on se servait à l'époque pour assainir les égouts) qu'il aspergeait sur les scalpels et dont il imbibait les pansements. Il découvrit alors que cette solution réduit les risques de gangrène lorsqu'elle est appliquée sur une plaie. Il fit alors porter aux chirurgiens des gants propres et laver leurs mains avec une solution contenant 5 % d'acide carbolique ; de la même manière, il fit nettoyer les instruments chirurgicaux et les salles d'opération. Il réduisit ainsi le taux de mortalité de ses patients de 50 à 15%.
Lister fut promu en 1869 professeur de chirurgie à l'Université d'Edimbourd, où ces cours le rendirent célèbre. Il continua ainsi à développer et à promouvoir l'usage de l'antiseptique.
Contrairement à beaucoup de ses contemporains, Robert Wood Johnson n'a jamais remis en question les travaux de Sir Lister. Convaincu dès 1876, il mûrit pendant plusieurs années l'idée d'une application pratique à la découverte du chirurgien ce qu'il parvint à réaliser en dirigeant Johnson & Johnson.
Né le 15 février 1845 à Carbonale, en Pennsylvanie, Robert Wood Johnson débute sa carrière en 1861 par son apprentissage chez Wood & Tittamer, une pharmacie de Poughkeepsie dans l'État de New York qui appartenait au cousin de sa mère. C'est grâce à cet emploi qu'il échappe à la Guerre de Sécession, contrairement à ses deux frères cadets James Wood et Edward Mead Johnson enrôlés dès la première année du conflit. Plus tard, en 1864, il quitte Wood & Tittamer et part travailler à New York pour Roushton & Aspinwall. Il y rencontre alors George J. Seabury et ensemble ils décident de quitter l'entreprise pour se lancer eux-mêmes dans les affaires sous le nom de Seabury & Johnson.
Mais les relations entre les deux partenaires n'étaient pas toujours au beau fixe, ils se querellaient en particulier au sujet de l'utilisation des bénéfices de la firme. La querelle ne s'arrangea pas lorsque Seabury fit embaucher son frère cadet ce qui servit d'argument pour Johnson afin de faire de même avec Edward en 1876 puis James en 1878. Seabury s'inquiétait alors de perdre sa place si l'ensemble de la fratrie Johnson (cinq frères au total) venait à entrer dans l'entreprise.
Après avoir écouté sir Joseph Lister en 1876, Robert Wood Johnson pensait de plus en plus à quitter Seabury & Johnson, alors que sa relation avec Seabury se dégradait, pour créer la première fabrique de bandages chirurgicaux stériles.
C'est en 1885 qu'il est rejoint par ses frères, James et Edward, dans son projet de créer un nouveau type de bandages prêts à l'emploi et conditionnés de manière à éviter tout risque de contamination. Bien que ce fût Robert qui en eut l'idée, ce sont ses deux jeunes frères qui se lancèrent les premiers dans le projet. Ils quittèrent Seabury & Johnson au début de l'année 1886 et c'est de leur partenariat que naquit Johnson & Johnson. C'est pourquoi bien que l'entreprise fut dirigée par trois frères elle ne s'appelle pas Johnson & Johnson & Johnson. Une fois qu'il se fut dégagé de ses obligations envers Seabury & Johnson, Robert Wood Johnson vint rejoindre ses deux frères à New Brunswick pour prendre la tête de l'entreprise qu’il fit grandir grâce à ses talents d’entrepreneur, sa forte personnalité et ses capitaux.
Les premières années de la firme furent celles de sa croissance rapide qui en fit un leader sur le marché américain de la santé. La manière dont Robert Wood Johnson dirigea J&J peut se résumer par cette phrase de Fred Kilmer :
« Si un produit pouvait servir à sauver des vies, à prévenir la souffrance, et qu'il était en mesure de le fabriquer, une fois qu'il en était convaincu, il lançait sa production et le présentait aux professionnels de la santé sans penser au profit. »
Au moment de la disparition de Robert Wood Johnson, des doutes planèrent quant au futur de J&J tant la gestion et le travail de son premier président compta pour sa réussite. Mais l'entreprise possédait déjà une équipe de managers compétents qui furent tout à fait en mesure de prendre la succession de la direction. Au premier rang parmi eux, le frère de l'ancien dirigeant, James Wood Johnson, fut élu président de la direction le 18 février 1910 et continua l’œuvre de son frère avec la même politique.
Durant cette période, la direction entreprit la diversification et débuta l'internationalisation de J&J.
Le fils de Robert Wood Johnson, Robert Wood Johnson II, faisait partie de l'équipe dirigeante de J&J depuis 1914, il n'avait alors que 21 ans, mais accompagnait déjà son père pendant son travail lorsqu'il était plus jeune. Il gagne le surnom de « Général Johnson » après avoir servi sous le grade de général de brigade pendant la Seconde Guerre mondiale.
Homme d'affaires novateur et philanthrope comme son père, c'est grâce à Robert Wood Johnson II que la firme accède à un niveau supérieur en devenant le plus gros conglomérat industriel mondial de produits de santé et des soins médicaux.
Il lança une politique importante de diversification et de décentralisation de la direction au profit des nombreuses filiales de J&J. Son credo de responsabilité de l'entreprise vis à vis des travailleurs lui valut en 2005 d'être intégré de manière posthume au « Labor Hall of Fame » par le ministère du travail américain en remerciement de sa contribution pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs américains.