Le Plantier de Costebelle | |
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Présentation | |
Période ou style | Néo-palladien |
Type | Maison de villégiature |
Architecte | Victor Trotobas Commanditaire : baronne de Prailly |
Date de construction | 1857–1861 |
Propriétaire | Baronne de Prailly (1857 – 1879) Comtesse de Guichen (1879 – 1896) Paul Bourget (1896 – 1935) Général Daille (1935 – 1978) Amiral Daille (1978 – 1996) Personne privée (depuis 1996) |
Destination actuelle | Habitation privée Parc et chapelle ouverts à la visite sur rendez-vous |
Protection |
Partiellement inscrit MH Parc botanique labellisé |
Site Internet | www.parcsetjardinspaca.com |
Géographie | |
Latitude Longitude | |
Pays | France |
Région | Provence-Alpes-Côte d'Azur |
Département | Var |
Localité | Hyères |
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Le Plantier de Costebelle est une maison d’architecture néo-palladienne construite à partir de 1857 par la baronne Hortense Pauline Husson de Prailly. Située sur la commune de Hyères-les-Palmiers, dans le département du Var, sur le versant est du mont des Oiseaux et des collines de Costebelle, la propriété surplombe la rade d’Hyères, la presqu'île de Giens et les îles de Porquerolles et de Port-Cros. Lieu de villégiature dans la deuxième moitié du XIXe siècle pour d’éminents ecclésiastiques (le père dominicain Henri Lacordaire et l’évêque d’Orléans, Monseigneur Félix Dupanloup), la « Villa des Palmiers » (ainsi baptisée par Mme de Prailly) accueille également l’écrivain légitimiste Armand de Pontmartin. Mais la plus illustre visite à ce jour reste le passage à la Villa des Palmiers, de la Reine Victoria du Royaume-Uni accompagnée de la Princesse Henri de Battenberg, en 1892.
À partir de 1896, le romancier et académicien français Paul Bourget (1852 † 1935), auteur du Disciple, achète la propriété qui prend alors son nom actuel, « Le Plantier de Costebelle », et y reçoit de nombreuses personnalités du monde littéraire, tels André Gide, Henry James, Edith Wharton, de la sphère politique (Lady Randolph Churchill, Charles Maurras, Maurice Barrès) ou même militaire (le maréchal Joseph Joffre), et ce, jusqu’à sa mort, en 1935.
Le domaine est inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques par un arrêté du 26 décembre 1976. Son parc botanique est labellisé « Jardin remarquable » depuis novembre 2009. Après de nombreuses années de rénovation destinée à restituer l’ensemble architectural et botanique tel qu’il avait été voulu par Mme de Prailly au XIXe siècle, Le Plantier de Costebelle est aujourd’hui une maison d’écrivain, alliant habitation privée et ouverture au public sous certaines conditions.
À l’origine de la propriété du Plantier de Costebelle se trouve une vaste campagne appartenant à Louis Jacques Odier, membre du Conseil souverain de la république de Genève, dès 1822. Dominique Honoré Peillon et son épouse Marguerite Adélaïde Eydoux, propriétaires hyérois, deviennent les nouveaux maîtres des lieux en 1840. À la suite de l’expropriation du sieur Peillon et lors d’une vente aux enchères, le 1er avril 1851, le domaine est adjugé à Ernest Desclozeaux. La monarchie de Juillet a fait de lui un magistrat. Il est ensuite élu député à Embrun dans les Hautes-Alpes. Mais après la révolution française de 1848, il s’éloigne de la vie politique. En 1857, Ernest Desclozeaux détache une parcelle de terrain qu’il vend à la baronne de Prailly. C’est l’acte de naissance de la propriété du Plantier de Costebelle.
Pauline Françoise « Hortense » Claire Chevandier de Valdrome (1813 † 1879) a épousé en 1834 le baron Nicolas Husson de Prailly (1804 † 1881), Président du Tribunal Civil de Première Instance de Nancy et officier de la Légion d'honneur. Les deux familles sont originaires de Lorraine. Le père de Mme de Prailly qui a été élevé à la dignité de Pair de France sous la monarchie de Juillet, est directeur de la manufacture de glaces de Cirey-sur-Vezouze, grâce à son mariage, sous l’Empire, avec une demoiselle Guaita.
Âgée de 27 ans, Hortense Chevandier de Valdrome séjourne régulièrement en Italie pour des raisons de santé. Alors qu’elle se trouve à Rome durant l’été 1840, où elle est entourée d’une société de Français choisis, elle héberge son frère, Paul Chevandier de Valdrome, et un ami, Théodore Chassériau.
C’est le climat rigoureux de leurs terres natales du château de Lettenbach et du domaine de Sainte-Catherine dans les Vosges ainsi que la santé fragile de madame qui incitent les Prailly à s’établir sur les premières pentes du mont des Oiseaux, à Costebelle, sur les rivages de la mer Méditerranée.
Un dessin à la mine de plomb par Théodore Chassériau, exécuté à Rome en janvier 1841, semble être le seul témoignage qui nous soit parvenu de Mme de Prailly, alors âgée de 28 ans. Elle y est représentée, assise, de trois quarts à droite. Après avoir appartenu un temps à la collection de dessins rassemblée par John Postle Heseltine, ce portrait, alors faussement attribué à Jean-Auguste-Dominique Ingres, entre en 1941, dans les collections de l’Ashmolean Museum d’Oxford où il est depuis exposé.
Après avoir mené à bien l’achat des différentes parcelles à Ernest Desclozeaux et aux Arène, la baronne de Prailly y entreprend l’édification d’une villa de type palladien et fait appel à un architecte qui, à cette époque et grâce au maire Alphonse Denis, concentre toutes les grandes commandes publiques dans le but de développer la station de Hyères : Victor Trotobas (1807 † 1884). Durant les quelques années que dure la construction, elle loge dans une ferme proche du chantier et qui devient plus tard la maison d’hôtes de la propriété, là-même où Paul Bourget recevait ses invités.
La villa est baptisée « Villa des Palmiers ». La baronne de Prailly prend exemple sur le jardin exotique du Château Denis, dans le centre de Hyères, et recrée un parc complanté, au milieu des essences indigènes, de palmiers rares, à l’image des jardins d’acclimatation qui ont vu le jour sur la Côte d’Azur ainsi que sur toute la Riviera méditerranéenne depuis le milieu du siècle (comme la Villa Victoria à Grasse, Hanbury au cap de La Mortola, la Villa Thuret au cap d'Antibes, les Villas Vigier et Les Tropiques à Nice, les Villas Valetta et Camille-Amélie à Cannes, et surtout le Domaine des Cèdres à Saint-Jean-Cap-Ferrat).
Les travaux engagés sont très importants, tant pour l’édification de la villa et de la chapelle que pour l’impressionnant mur d’enceinte voulu par la baronne et qui clôture entièrement le domaine et ses cinq hectares. Il semble d’ailleurs que l’édification de ce mur ait précédé la construction des bâtiments.
Elle fait également bâtir une chapelle qui jouxte la maison principale et est bénie pour la première fois par son directeur de conscience, le père Henri Lacordaire, qui, durant les toutes dernières années de sa vie, est un hôte régulier à Costebelle.
En effet, le père Lacordaire connaît Mme de Prailly depuis 1835, puisqu’il venait prêcher à Nancy alors que la baronne n’avait que 20 ans ; leur premier rencontre avait eu lieu à la manufacture des glaces de Cirey chez Eugène Chevandier de Valdrome. Il se peut même que ce soit le célèbre dominicain qui recommande à la baronne de Prailly le site de Costebelle car il y a logé en 1847 lors de sa station à Toulon. Étrangement, cette chapelle est plus luxueuse que la maison. Mais la baronne de Prailly est très pieuse, sans doute encore plus que son frère, Eugène Chevandier de Valdrome, ministre de l’Intérieur du Cabinet Émile Ollivier, le gouvernement de réconciliation avec les catholiques.
Aussi est-il possible de considérer que la baronne de Prailly fait partie de ce milieu préoccupé par le renouveau religieux, où se retrouvent bien des légitimistes. C’est ce que semblent indiquer les lettres de Mme Swetchine, amie et conseillère russe du père Lacordaire, qui parle d’une certaine baronne « de P. » qui est « tout à fait hors ligne ». Elle reçoit aussi à la Villa des Palmiers le détracteur des Encyclopédistes, l’écrivain légitimiste Armand de Pontmartin (1811 † 1890). Ces précisions expliquent pourquoi Pauline Françoise Claire Hortense Chevandier de Valdrome, baronne de Prailly, porte toute son attention à la chapelle.
Autre invité prestigieux ayant ses habitudes chez Mme de Prailly, l’évêque d’Orléans, Mgr Félix Dupanloup qui y fait de fréquentes haltes en 1877 – 1878. Le célèbre orateur catholique partage ses séjours hyérois entre la villa Jenny, propriété du comte de Rocheplatte, d’une noble famille orléanaise, fidèle diocésain et la villa des Palmiers où il célèbre la messe à la chapelle. Mme de Prailly fait aménager pour l’évêque les stations horizontales dans le sentier qui parcourt les flancs de sa propriété. Monseigneur Dupanloup rencontre à la Villa des Palmiers Armand de Pontmartin, auteur des Causeries littéraires, que son hôtesse a aussi invité.
Adolphe Chevandier de Valdrome, oncle paternel de Mme de Prailly et officier sous le Premier Empire, vécut également à la Villa des Palmiers pendant de nombreuses années. Cet ancien aide de camp du général Détrès dans l’armée de Murat s’était distingué durant la campagne de Russie et à Dantzig, il avait retrouvé la baronne de Prailly à Rome. Mme de Prailly commença par lui la série des retours à la foi dont elle fut l'instrument dans sa parenté.
La fille de madame de Prailly, Berthe (1835 † 1910), s’est mariée le 29 septembre 1867 avec Alphonse Luc Maxime du Bouëxic, comte de Guichen (1822 † 1894). Chef d’escadron aux lanciers de la Garde en 1830, le comte de Guichen a fait partie de la promotion « du Tremblement » à Saint-Cyr. Il est le descendant par une branche collatérale du célèbre Luc Urbain du Bouëxic de Guichen (1712 † 1790), engagé dans la Guerre d'indépendance des États-Unis et grâce à qui certains membres actuels de la famille font partie de la très fermée et très sélective société des Cincinnati. À la mort de la baronne de Prailly, à Hyères, le 12 décembre 1879, la comtesse de Guichen hérite du domaine et la Villa des Palmiers devient sa résidence.
La seule représentation de Berthe de Guichen, enfant, qui nous soit parvenue est un dessin (mine de plomb et estompe) exécuté par Théodore Chassériau, à Rome, vers 1840 – 1841. Il s’agit du portrait d’une enfant, vue à mi-corps, le visage de face, le buste de trois quarts–gauche. Ce dessin, documenté et souvent publié, est demeuré dans la famille du modèle jusqu’en 1991. Il est présent dans le commerce de l’Art parisien en 1999. Il est aujourd’hui conservé dans la collection privée de dessins réunie par le banquier calviniste genevois Jean A. Bonna qui, outre ses activités financières au sein de la banque Lombard Odier, préside la Fondation Martin Bodmer, une des plus belles bibliothèques privées du monde ayant son siège à Cologny.
Le 23 mars 1892 le comte et la comtesse de Guichen reçoivent la Reine Victoria qui choisit Hyères comme lieu de villégiature sur la Côte d'Azur. La souveraine réside d’abord à la Villa des Palmiers avant d’occuper l’hôtel de Costebelle et l’hôtel de l’Ermitage. La souveraine arrive chez ses hôtes accompagnée de la Princesse Béatrice et du chapelain de l’église anglicane de Costebelle « All Saints Church », le Révérend Archibald Knollys. Victoria offre, pour remercier les propriétaires de la Villa des Palmiers, une variété particulière de tulipes, importées de l’Inde, qui fleurissent toujours dans le parc. La presse anglo-saxonne de l’époque suit pas à pas le séjour de sa reine sur la Côte d’Azur et relate ses moindres faits et gestes. Ainsi précise-t-on que Victoria s’est rendue plusieurs fois chez les Guichen et qu’un chemin spécial a été aménagé dans la Villa des Palmiers pour accueillir la reine et son attelage puisqu’elle se déplace souvent en compagnie de Jacquot, le célèbre petit âne gris qui la promène dans sa voiturette sur les sentiers odorants des pinèdes de Costebelle :
« (...) The Villa des Palmiers of the Count de Guichen has also been visited twice since I last wrote. A spécial path has also been made to this résidence for the use of the Queen and her small donkey-carriage. (...) »
— The Daily Graphic, « life », mardi 12 avril 1892.
Lors de ses déplacements dans le petit cabriolet attelé à Jacquot, Lady Balmoral (pseudonyme de la souveraine lors de ses déplacements privés), se rend dans les propriétés voisines qui lui ouvrent leurs portes, toujours escortée de son célèbre valet de pied, un highlander écossais en kilt qui apparaît (ci-contre à droite) en fonds de gravure (barbe et calot) ainsi que d’une dizaine de lanciers du Bengale, véritable garde rapprochée, coiffés de leurs turbans. Les villas mises à la disposition de la Cour d’Angleterre, du Prince Henri de Battenberg, du duc et de la duchesse de Rutland ou du duc et de la duchesse de Connaught sont nombreuses à Costebelle : la Villa des Palmiers en premier lieu mais aussi la Villa Costebelle (comte de Léautaud), la Villa Sylvabelle (duc Decazes), la Villa Montclair (duchesse de Grafton), la Villa Sainte Cécile (Ambroise Thomas), la Villa des Oiseaux (appartenant au flutiste Taffarel), le château de Saint Pierre des Horts (le botaniste Germain de Saint Pierre), la Villa La Boccage (Lady Charlotte Smith-Barry), le château de San Salvadour (Edmond Magnier), la Villa Almanarre (Mr and the Hon. Mrs Clowes), la Villa Luquette (Major Ellis), ou chez M. Arène à la Font des Horts.
« (...) The most interesting feature of the Queen's life at Costebelle will doubtless be her daily drives in the pine woods around the hotel. All the proprietors of villas in the neighbourhood have placed their grounds at her disposal and some of them have gone to the expense of repairing their pathways and making them smooth for the passage of the small donkey-carriage. The fact that these walks are only intersected by one main road make the guarding of them easy and the greatest privacy is secured. Yesterday, the Royal party visited the Villa des Palmiers, belonging to the count de Guichen and went to see the English church. (...) »
— Pall Mall Gazette, « The Queen's drives in the Pine Woods », 24 mars 1892.
En avril 1892, alors qu’elle achève son séjour hyérois, la Reine Victoria fait transmettre ses remerciements au comte de Guichen par le général Sir Henry Ponsonby, secrétaire particulier de Sa Majesté. Les Guichen ont en effet adressé, comme tous les propriétaires de villas du district de Costebelle, un bouquet de fleurs à la Princesse Béatrice pour son anniversaire, le 14 avril 1892.
En 1896, la comtesse de Guichen, veuve depuis deux ans, se sépare de la Villa des Palmiers et se retire dans son château de Cirey-sur-Vezouze où elle meurt en 1910.
Le maître du roman psychologique achète la Villa des Palmiers à Berthe de Guichen en 1896, et jusqu’à sa mort en 1935 y reçoit de nombreuses personnalités. C’est lui qui donne à la propriété son nom actuel : « Le Plantier de Costebelle ».
À l’époque, la saison d’Hyères est l’hiver. Devenu un hivernant fidèle, le romancier reçoit au Plantier des personnalités célèbres (littéraires, politiques, médicales, militaires) telles : Maurice Barrès, Edmond Jaloux, le professeur Grasset, Pierre Benoit, Jean-Louis Vaudoyer, Henry Bordeaux, Charles Maurras, Francis Carco, Mathilde Sérao, André Beaunier, Gabriel Hanotaux, alors ministre des Affaires étrangères, le professeur Charles Richet, Émile Ripert, William James, en 1900, José-Maria de Heredia, André Gide, le maréchal Joffre, le général Robert Georges Nivelle, Henry James, Gérard Bauer, Gaston Jollivet ou même Lady Randolph Churchill et le cardinal Anatole de Cabrières. En 1898, Luigi Gualdo, poète et ami milanais, lègue à Paul Bourget certains meubles que l’auteur du Disciple conserve au Plantier de Costebelle. Mais l’hôte la plus assidue chez les Bourget est Edith Wharton (propriétaire de la villa Sainte-Claire-du-Château depuis 1927) rencontrée à Newport en 1893 alors que l’écrivain avait reçu de James Gordon Bennett junior la commande d’une série d’articles sur les États-Unis.
Très proche de la haute société parisienne de la Troisième République que l’auteur du Disciple fréquente au travers des salons littéraires, l’académicien poursuit ces relations mondaines en hiver à Costebelle en rendant souvent visite aux voisins immédiats du Plantier, le comte et la comtesse de Léautaud Donine qui possèdent la Villa Léautaud, ou les Arène qui habitent le domaine de la Font des Horts (« source des jardins »). Géographiquement, les cinq hectares du Plantier sont d’ailleurs enclavés dans ces deux vastes propriétés, sur le plateau de Costebelle.
Durant l’hiver 1925, Minnie Bourget se casse le col du fémur en descendant de voiture sur l’esplanade du Plantier. Les Bourget y sont immobilisés pendant une grande partie de l’année 1926. Bourget y écrit Le Danseur Mondain. À cette chute succède une dégénérescence mentale (Minnie, depuis toujours, était d’une santé fragile ; elle avait vécu sa situation d’épouse dans l’ombre adorée de l’illustre maître, ajoutant à sa fragilité nerveuse et aux fatigues psychosomatiques, une culpabilisation constante, un complexe d’infériorité dans un univers sans enfant).
La propriété du Plantier de Costebelle avait été acquise par la communauté de biens ayant existé entre Paul Bourget et Minnie David auprès de Marie Catherine « Berthe » Husson de Prailly, veuve de M. Alphonse Luc Maxime du Bouëxic, le comte de Guichen, suivant acte reçu par Me Patteson, notaire à Hyères, le 29 janvier 1896. Le prix était de 75 000 francs, dont moitié payée comptant et le surplus payable dans un délai de cinq ans.
Minnie, décédée le 12 octobre 1932, laissait Paul Bourget commun en biens acquêts aux termes de leur contrat de mariage reçu par Me Hussenot-Desenonges le 28 juillet 1890. Il devenait légataire universel de son épouse (testament olographe de Minnie Bourget 21 décembre 1927).
En 1935, Paul Bourget ne laissait aucun héritier ayant une réserve légale dans sa succession ainsi qu’il résulte d’un acte de notoriété dressé par Me Hussenot-Desenonges, notaire à Paris, les dix et quatorze janvier 1936. Mais aux termes de ses testament et codicille olographes en date à Paris des 25 janvier et 14 août 1935, déposés judiciairement aux minutes dudit Me Hussenot-Desenonges, le 26 décembre 1935, l’homme de lettres avait institué pour ses légataires universels, conjoints, à savoir : M. le général Marius Daille (1878 † 1978), originaire de Savoie (Chambéry, Les Mollettes) et son épouse, madame Daille, née Marie « Germaine » Eugénie Persinette-Gautrez (1886 † 1959), nièce de Paul Bourget.
Dès le début des hostilités, les autorités locales s’inquiètent du sort réservé à la propriété de Paul Bourget, alors que son neveu, le général Daille est à la tête du 45e corps d’armée loin des côtes varoises. Le préfet propose de préserver de toute réquisition la maison de l’illustre écrivain en l’affranchissant de toutes servitudes. Mais le 10 octobre 1943, la villa est réquisitionnée. Par précaution, les archives de l’écrivain et sa bibliothèque sont déménagées à proximité, à la villa La Coualo chez le colonel Beaugier. Les durs combats de Hyères qui suivent le débarquement de Provence sur la côte des Maures en août 1944 n’épargnent pas la propriété qui est saccagée par les pilleurs d’épaves qui suivent les troupes libératrices.
Le 28 septembre 1952, le général Marius Daille, neveu par alliance et héritier de l’académicien Paul Bourget, réunit au Plantier de Costebelle les amis de l’écrivain pour célébrer le centenaire de sa naissance et apposer deux plaques commémoratives en ce lieu qui inspira le romancier puisque certains sites hyérois, proches du Plantier de Costebelle, ont servi de décor à quatre de ses romans : Lazarine (1917), Laurence Albani (1919), Le Danseur Mondain (1926) et à une partie du roman Le Fantôme (1901). De plus, le Roman des quatre (1923), écrit en collaboration avec Henri Duvernois, Pierre Benoit et Gérard d’Houville se déroule à Hyères, plus précisément à Giens. Plusieurs nouvelles ont également pour cadre les environs du Plantier de Costebelle : Voyageuses, Les Pas dans les pas, L’Eau Profonde ou Le Justicier. La cérémonie est présidée par Gérard Bauer, secrétaire général de l’Académie Goncourt et le maire Joseph Clotis. Elle est suivie d’une exposition de photographies à la salle des fêtes du Park Hôtel.
Héritier des biens de Paul Bourget et sans descendance, le général Marius Daille, qui réside à temps plein au Plantier de Costebelle depuis le début des années 1960, prend contact en 1972 avec le maire de Chambéry (ses racines familiales sont en effet savoyardes), M. Pierre Dumas, en vue d’envisager une éventuelle donation de la collection de tableaux primitifs siennois exposée dans sa maison varoise, notamment, le polyptyque du Retable de La Trinité de Bartolo di Fredi. Le Conservateur en chef du département des peintures du musée du Louvre, Michel Laclotte, se rend au Plantier de Costebelle en février 1973 pour étudier cet ensemble unique. Sous l’impulsion du conservateur du musée de Chambéry, Jean Aubert, les négociations s’orientent de la donation simple avec réserve d’usufruit vers une dation en paiement assortie d’une mise en dépôt au musée de Chambéry.
Emmanuel de Margerie, directeur des Musées de France, se rend aussi au Plantier de Costebelle le 30 décembre 1975 pour examiner la collection et envisager la soumission de certaines pièces à la Commission interministérielle d’agrément.
Le général associe à ces négociations son petit-neveu et héritier, l’amiral Gérard Daille, qui prend en main la conduite du dossier à la mort de Marius Daille en 1978. Le 14 novembre 1980, l’arrêté de dation est signé et quatre œuvres de l’école siennoise provenant de la collection Paul Bourget entrent au département des peintures du musée du Louvre pour être déposées au musée des beaux-arts de Chambéry.
Nom | Photographie | Date | Peintre | Dimensions | Matériaux, technique | Numéro d’inventaire | |
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1 | Retable de la Trinité | | 1397 | Bartolo di Fredi (1330 – 1410) | H.160 L.228 | Ensemble de quatre panneaux, tempera sur bois | RF 1980-200 |
2 | Fuite en Égypte | | XVIe | Beccafumi (1486 – 1551) | H.64 L.53 | Huile sur bois | RF 1980-206 |
3 | Sybille ou Vestale | | XVe–XVIe | Girolamo di Benvenuto (1470 – 1524) | H.96 L.52 | Huile sur bois | RF 1980-205 |
4 | Vierge à l’Enfant entre deux Saints | | XVe | Neroccio di Landi (1447 – 1500) | H.58 L.43 | Huile sur bois | RF 1980-204 |
L’arrivée des œuvres siennoises du Plantier de Costebelle dans les collections nationales permet d’engager une restauration générale de ces panneaux entre 1981 et 1987 par les soins du service de restauration de l’Inspection générale des musées classés et contrôlés. Un des panneaux de La Trinité qui apparaissait être un saint évêque, était recouvert de repeints importants qui masquaient sa véritable identité, il s’agit en fait d’un Saint Dominique.
C’est un petit-neveu du général Daille, l’amiral Gérard Daille, né le 6 février 1916 à Chambéry et mort à Arcachon le 6 janvier 2000, qui vient aux droits de son grand-oncle Marius Daille et qui s’installe au Plantier entre 1978 et 1996. Il vend en 1996 la propriété du Plantier qui est scindée entre deux propriétaires distincts : d’une part, la maison principale du Plantier, la chapelle, le parc botanique, la conciergerie et 3,8 hectares de terrains et d’autre part, la ferme et les écuries (ancienne maison des hôtes de Paul Bourget) avec 1,2 hectares.
Lorsque Le Plantier quitte la famille en 1996, de nombreuses archives intègrent le musée d'Hyères : les masques mortuaires et empreintes de mains, l'habit d’académicien mais également un bas-relief en plâtre de Paul Bourget par Roussel, des photographies, des objets (un trophée de chasse provenant de l’équipage de Chantilly, Mgr le duc de Chartres, 1897), des archives de la famille Gautrez.