Hérigone ne doute pas
« que la meilleure manière d'enseigner les sciences est celle en laquelle la brièveté se trouve conjointe avec la facilité. »
et il ajoute :
« Ce que considérant en moi-même,... j'inventais une nouvelle méthode de faire les démonstrations, brève et intelligible, sans l'usage d'aucune langue. »
Le but d'Hérigone est alors de réduire tout raisonnement à un enchaînement de symboles. Membre de l'académie de Mersenne, il rédige un cours de mathématiques en cinq tomes et un supplément, qu'il publie entre 1634 et 1637, sous le nom de Cursus mathematicus, nova, brevi, et clara methodo demonstratus, per notas reales et universales, citra usum cujuscunque idiomatis intellectu faciles. Il s'agit d'une véritable encyclopédie avant l'heure. Hérigone y expose l'essentiel des connaissances scientifiques de son époque. On trouve dans ces cinq tomes :
Publié à Paris en six volumes entre 1634 et 1637, ce texte connaîtra un grand succès et une seconde édition de cet abrégé de mathématiques élémentaires rédigé en français et en latin sera réimprimé en 1644 (le texte est en latin et en français pour le Supplément proprement dit ; il est en français pour l'Isagoge (présentation de l'algèbre), mais aussi pour la théorie des planètes (distinguée selon les hypothèses de la terre immobile & mobile ) ou l'introduction de la chronologie). Dans ce livre, Hérigone propose de noter les raisonnements des Éléments d'Euclide avec un symbolisme logique nouveau, en partie hérité de l'algèbre spécieuse de François Viète. Le but est essentiellement de mieux faire ressortir les étapes du raisonnement. Pour l'historien des mathématiques Florian Cajori, Hérigone « prit complètement conscience de l'importance des notations et n'eut aucun scrupule à introduire un système symbolique complet. » Pour Bourbaki, il s'agit d'un excellent manuel de base pour les sciences de l'époque.
« le premier essai d'une écriture symbolique destinée à représenter des opérations logiques. »
Son système sera complété par Johann-Just Winckelmann, en 1648, puis par Gregor von Feinaigle vers 1813 et Aimé Paris entre 1820 et 1830.
Nombre | Lettre | Associations visuelles |
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1 | t, d | Un seul trait vertical |
2 | n | Deux traits verticaux |
3 | m | Trois traits verticaux |
4 | r | La lettre r se retrouve dans quatre en français, four en anglais, vier en allemand, etc. |
5 | l | La lettre L ressemble au chiffre romain L (50) |
6 | j, ch, sh | La lettre d ressemble à un 6 inversé |
7 | k, c, g | La lettre K ressemble à deux 7 accolés. G est phonétiquement proche de K. |
8 | f, v, ph | Deux lettres f ressemblent à un 8. V et ph sont phonétiquement proches de f. |
9 | p, b | La lettre P ressemble à un 9 inversé. P et b sont phonétiquement proches. |
10 | s, Z | Le chiffre 0, zéro, produit un son sifflant. |
Dans le tome 5 de son cours, Hérigone tente de palier les défauts de la méthode de Morin pour déterminer la longitude en mer et développe une méthode utilisant les occultations des satellites de Jupiter comme horloge. Cette méthode sera reprise trente ans plus tard par l'astronome-géomètre Cassini, pour tracer ces cartes et les côtes de France.
Clément Cyriaque de Mangin, connu sous le pseudonyme de Denis Henrion et parfois anobli comme baron, serait-il lui-même un des pseudonyme de Pierre Hérigone ? Ou l'inverse ? Hérigone serait-il le nom d'emprunt de Demangin ? La rumeur en a couru d'après une indiscrétion de Claude Hardy et les affirmations de l’écrivain chalonais Perry, tout heureux de tenir un grand homme de plus en la personne de ces 3 mathématiciens en 1. La carrière de Denis Henrion se termine en 1632, alors que commence celle d'Hérigone. Certains ont imaginé que le véritable auteur de leurs œuvres serait en réalité Demangin. Si cette identification était fondée, le mathématicien-poète Deangin-Hérigone aurait traduit quantité d'œuvres (dont un traité des Globes et de leur usage, traduit du Latin de Robert Hues, et augmenté de plusieurs notes et opérations du Compas de proportion), mais aussi publié deux pamphlets contre les élèves de Viète et des livres de récréations mathématiques qui n'ont rien en commun avec son algèbre et son encyclopédie de 1634. L'historiographie anglo-saxonne admet cette identification sans discuter et dans les sites d'influence anglo-saxone, Pierre Hérigone est présenté sans ambage comme le pseudonyme de Denis Henrion ou de Clément Cyriaque de Mangin.
On a nommé en son hommage un cratère (et cinq petits sous-cratères) de la Lune du nom d'Herigonius.