Le principe anthropique (du grec anthropos, homme) est le nom donné à l'ensemble des considérations qui visent à évaluer les conséquences de l'existence de l'humanité sur la nature des lois de la physique ; l'idée générale étant de dire que l'existence même de l'humanité (ou plus généralement, de la vie) permet de déduire certaines choses sur les lois de la physique, à savoir que les lois de la physique sont nécessairement telles qu'elles permettent à la vie d'apparaître. Tel quel, ce principe pourrait être considéré comme une tautologie, cependant, l'étude détaillée des conséquences de cette affirmation a de profondes conséquences en physique et en particulier en cosmologie, où il apparaît que les lois de la physique sont sujettes à un nombre étonnamment important d'ajustements fins sans lesquelles l'émergence de structures biologiques complexes n'aurait jamais pu apparaître dans l'univers. Le principe anthropique dans sa formulation scientifique est à mettre au crédit du physicien Brandon Carter, bien que d'autres l'aient incomplètement discuté avant lui, comme Robert Dicke à la fin des années 1950 et le Prix Nobel de physique Paul Dirac dans le courant des années 1930.
Il n'existe pas qu'une seule formulation du principe anthropique, mais on peut schématiquement classer ses formulations en trois catégories :
Les idées liées au principe anthropique ont donné lieu à de nombreuses discussions. Le principe anthropique faible n'est guère contesté (si nous observons un univers, c'est que celui-ci doit avoir des caractéristiques lui permettant d'avoir des observateurs). D'autres, popularisées par John Barrow et Frank Tipler, ont donné lieu à des controverses, ces deux auteurs ayant été accusés par Brandon Carter d'interpréter de façon abusive son propos initial.
Dans ses variantes faible comme forte, le principe anthropique suppose l'intervention d'une sorte d'anti-hasard. Ce sont les hypothèses sur la nature de cet anti-hasard qui en distinguent ensuite différentes formes. Voir l'article Multivers.
Dans sa version évoluée, le principe anthropique faible remonte à un article de Robert Dicke de 1961. Dans cet article, Dicke fait remarquer que l'apparition de la vie, ou plus généralement de toute structure biologique complexe, nécessite la présence de carbone, et que celle-ci semble être le fruit d'une heureuse coïncidence.
Il était connu à l'époque que le carbone ne pouvait être produit lors de la nucléosynthèse primordiale, à l'époque du Big Bang, mais devait être synthétisé au sein des étoiles (voir nucléosynthèse stellaire). Cependant, même au sein des étoiles, le carbone est difficile à synthétiser. La raison en est que les deux constituants présents en quantité dans une étoile au moment de sa formation sont l'hydrogène et l'hélium, et qu'il n'existe aucun noyau atomique stable produit à partir d'une collision entre un noyau d'hydrogène et un noyau d'hélium ou entre deux noyaux d'hélium. Synthétiser des éléments plus lourds nécessite en réalité de faire intervenir une collision entre trois noyaux d'hélium. L'énergie de masse de trois noyaux d'hélium réunis est cependant supérieure à celle d'un noyau de carbone. La synthèse d'un tel noyau est ainsi défavorisée. Il se trouve cependant qu'elle est permise grâce au fait qu'il existe un état excité du noyau de carbone dont l'énergie totale (incluant l'énergie de masse du noyau) est égale à celle des trois noyaux d'hélium. C'est cette coïncidence, résultant a priori du hasard, qui permet la production d'éléments plus lourds que l'hélium dans les étoiles et par suite la vie. Du reste, l'existence d'un tel état excité pour le carbone avait été envisagée dès 1953 par Fred Hoyle sur base de ces mêmes constatations et découverte immédiatement après.
Fred Hoyle, à qui on devait l'expression, au départ péjorative, de Big Bang, introduisit à cette occasion une nouvelle expression qui connaîtra le succès : "ajustement fin des constantes universelles".
Ce point de vue n'est pas accepté par tous les chercheurs, des expérimentations très diverses sur différents types d'univers suggérant que des phénomènes d'émergence y sont plus souvent la règle que l'exception. Fred Adams, de l'université d'Ann Arbor (Michigan) estime par exemple que des objets assimilables fonctionnellement aux "étoiles" de notre univers pourraient se produire dans près d'un quart des univers qui nous sont concevables en variant trois paramètres physiques fondamentaux, dont la constante gravitationnelle G et la constante de structure fine α.