Schizophrénie - Définition

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Quelques idées reçues

  • Le terme schizophrénie, introduit initialement par Bleuler, signifie littéralement « esprit coupé » ou clivage. Associée à la fréquente représentation dans le cinéma anglo-saxon de personnages présentant des personnalités multiples, cette étymologie peut générer une confusion dans le grand public entre schizophrénie et trouble dissociatif avec personnalités multiples.
  • Il a longtemps été cru que la schizophrénie était due à des dysfonctionnements dans la formation de la personnalité au cours de l'enfance. On sait aujourd'hui qu'il s'agit d'une maladie polyfactorielle et que le développement psychologique de l'enfant n'influence aucunement le développement de la maladie : les prédisposition génétique et infections virales en seraient les principaux déterminants.

Schizophrénie et génie artistique

Certains des plus grands artistes du monde, les écrivains et les théoriciens ont également eu une maladie mentale - le peintre néerlandais Vincent Van Gogh et mathématicien américain John Nash (interprété par Russell Crowe dans le film A Beautiful Mind).

Génies « troublés » : L'écrivaine Virginia Woolf, le peintre Vincent van Gogh, le peintre Salvador Dali, le peintre Edvard Munch, l'écrivain Antonin Artaud, le compositeur Robert Schumann, le mathématicien John Nash, le pianiste David Helfgott.

La créativité est connue pour être associée à un risque accru de dépression, la schizophrénie et le trouble bipolaire.

Certaines entreprises (américaines) ont sécurisé les laboratoires secrets Skunk Works de leur personnel hautement créatif où ils peuvent librement s'expérimenter sans perturber les opérations commerciales quotidiennes.

Diagnostic

Le diagnostic d'une schizophrénie repose sur la constatation par le psychiatre et/ou le psychologue de signes indirects essentiellement liés à la dissociation, et donc leur mise en perspective avec le vécu psychique rapporté par le patient. Ce diagnostic peut éventuellement être complété par des tests neuropsychologiques. Il n'existe pas de test de dépistage biologique ou d'imagerie médicale permettant d'émettre un diagnostic positif de schizophrénie. La réalisation de bilans complémentaires notamment somatiques est indispensable, en particulier au début de la pathologie, afin de poser le diagnostic, mais aussi au cours de l'évolution de la maladie.

Schizophrénie, une maladie ?

Georges Lanteri Laura dans ses textes sur la sémiologie psychiatrique explique que, d'abord la maladie est un concept opératoire et pas une chose dont l'histoire en médecine se trace ainsi : au XVIIe siècle, Thomas Sydenham autonomise une maladie lorsque les mêmes symptômes évoluent de façon typique et prévisible chez tous les patients (goutte, chorée, par exemple). Puis avec Jean-Baptiste Morgagni et Rudolf Virchow, le concept de maladie se formulera ainsi : groupes de signes physiques corrélés à une altération macroscopique, puis microscopique, spécifique. L'œuvre des Pastoriens décentrera la notion de maladie de la lésion observée à la causalité. Puis la médecine expérimentale, avec Claude Bernard, inclura dans la définition de la maladie sa physiopathologie. En ce qui concerne la schizophrénie, il faut bien reconnaître que l'on est dans une période « pré-sydenhamienne » : nous ne disposons pas à l'heure actuelle d'examens complémentaires ayant une valeur diagnostique fiable.

Diagnostic catégoriel

Les critères diagnostiques utilisés peuvent être ceux des classifications internationales : DSM et Classification internationale des maladies CIM-10. Dans ce cas le diagnostic repose sur le recueil d'une liste de symptômes cliniques qui doivent être réunis pour qu'une personne soit « qualifiée » de schizophrène : tout dépend à la fois de la présence et de la durée de certains signes ou symptômes. Y interviennent également des éléments subjectifs dans un contexte relationnel donné, ainsi la bizarrerie « s'interprète » dans un contexte relationnel où le ressenti subjectif du clinicien intervient.

L'estimation des symptômes des schizophrénies comme des autres affections mentales est toujours à mettre en perspective avec le contexte social, familial et culturel du sujet. En effet certaines bizarreries, ou discours, peuvent par exemple connaître une variabilité sociale.

À noter aussi, le fait que ces classifications ne prennent pas en compte (CIM-10) ou très peu (DSM) les troubles cognitifs liés à cette maladie.

Dans le DSM-IV, ces critères sont :

  • A) Symptômes caractéristiques :

Ces symptômes peuvent être présents de façon isolée ou associée, et une évolution de plus de six mois de la symptomatologie permet de proposer un diagnostic qui nécessite par ailleurs d'éliminer une organicité.

Les troubles cognitifs sont souvent les premiers symptômes qui apparaissent chez le schizophrène. On les appelle aussi symptômes annonciateurs. Ce sont ces troubles qui entraînent les difficultés de socialisation chez une personne atteinte.

  • Troubles d’attention, de concentration, manque de tolérance à l’effort : le schizophrène prend du temps à répondre aux questions, à réagir aux situations demandant une réponse rapide ; il n’est plus capable de suivre ses cours, de se concentrer sur un film.
  • Troubles de mémoire : le schizophrène oublie de faire des tâches de la vie quotidienne (faire ses devoirs, aller à ses rendez-vous), a de la difficulté à raconter ce qu’il lit, à se rappeler ce que les autres disent ou à suivre une conversation. Sa mémoire autobiographique est affectée : il oublie plusieurs moments de son histoire personnelle. Sa mémoire de travail fonctionne plus difficilement : il est incapable d'effectuer plusieurs tâches en même temps en se souvenant où il en est dans chacune d’elles.
  • Troubles des fonctions exécutives : les fonctions exécutives sont essentielles à tout comportement dirigé, autonome et adapté, comme préparer un repas. Le schizophrène a de la difficulté à conceptualiser les gestes nécessaires à la réalisation d’une tâche, à anticiper les conséquences ; il manque de planification, d’organisation des séquences d’actions pour réaliser un but et manque également de flexibilité, de discernement, de vérification, d’autocritique.

Alors qu’ils se présentent en premier, ces symptômes annonciateurs persisteront plus longtemps que les symptômes aigus.

Les symptômes aigus (positifs) se manifestent habituellement au début de l’âge adulte, entre 17 et 23 ans chez les hommes et entre 21 et 27 ans chez les femmes. Ils sont dits « positifs » parce qu’il s’agit de manifestations qui s’ajoutent aux fonctions mentales normales. C’est leur présence qui est anormale.

  • Hallucinations : ce sont des perturbations des perceptions le plus souvent auditives (le schizophrène entend une voix qui fait des commentaires ou profère des insultes, des menaces), mais parfois aussi visuelles, olfactives ou tactiles.
  • Délires : ce sont des erreurs de jugement logique. Le schizophrène s’imagine que la personne qui le regarde dans l’autobus ou qui le croise dans la rue est là pour l’espionner ; il se sent surveillé, persécuté, en danger ou croit que la télévision lui envoie des messages ; il est convaincu d’avoir le pouvoir d’influencer les évènements dans le monde, qu’il est contrôlé par une force ou qu’on peut lire dans ses pensées, etc.
  • Langage incohérent : le schizophrène peut dire des phrases sans suite ou incompréhensibles et inventer des mots.
  • Agissements bizarres : par exemple fermer les stores de la maison par crainte d’être espionné ; collectionner des bouteilles d’eau vides etc.

Les symptômes déficitaires (négatifs) s’observent par un manque ou une absence de comportements spontanés, attendus.

  • Isolement, retrait social : le schizophrène perd plaisir à ses activités de loisirs. Il délaisse ses amis, se retire dans sa chambre, devient même irritable si on tente de l’approcher. Il se coupe peu à peu de la réalité.
  • Alogie ou difficulté de conversation : le schizophrène ne trouve plus ses mots, donne des réponses brèves et évasives et ne réussit plus à communiquer ses idées ou ses émotions.
  • Apathie, perte d’énergie : le schizophrène passe ses journées devant la télé sans vraiment être capable de suivre ce qui s’y passe, il néglige son hygiène ou son apparence personnelle et manque de persistance ou d’intérêt pour commencer ou achever des tâches routinières (études, travail, ménage). Cette attitude donne une impression d’insouciance, de négligence, de manque de volonté et de paresse.
  • Diminution de l’expression d’émotions : le visage du schizophrène devient inexpressif, ses inflexions vocales diminuent (il parle toujours sur le même ton), ses mouvements sont moins spontanés, ses gestes, moins démonstratifs.
  • B) Dysfonctions sociales ou d'occupation professionnelle :
Si pendant une durée significative depuis le commencement des troubles, l’un des domaines liés aux relations sociales comme l’activité professionnelle, les relations interpersonnelles ou l’hygiène, sont nettement réduites par rapport à la situation antérieure.
  • C) Durée :
Les signes continus du trouble persistent pendant au moins six mois : cette période doit inclure au moins un mois de symptômes (ou moins en cas de traitement réussi) correspondant aux critères de type A.
Lorsque les symptomes délirants sont apparus massivement et de manière brutale, et qu'ils durent en moyenne moins d'un mois, les anglo-saxons parlent de schizophrénie aigue quand les francophones parlent de bouffée délirante.

On peut commencer à dénombrer, par exemple, cinq sous-types de schizophrénie :

  • type catatonique (avec des mouvements rares ou déréglés) ;
  • type hébéphrénique ou hébéphréno-catatonique (où le repli autistique prédomine) ;
  • type paranoïde (où les hallucinations et/ou le délire plus ou moins mal structuré prédominent) ;
  • type dysthymique (avec troubles majeurs de l'humeur) ;
  • type héboïdophrénique (pseudo psychopathique).

Modèle dimensionnel

On peut penser, comme récemment Richard Bentall dans son livre Madness explained : psychosis and human nature, paru en 2003, que la schizophrénie est seulement une limite du spectre de l'expérience et du comportement, et que tous ceux qui vivent en société peuvent en avoir quelques expériences dans leur vie. Cela est connu comme le modèle continu de la psychose.

Présentation clinique

Les schizophrénies sont caractérisées cliniquement par la dissociation psychique et la présence, en proportion variable, de symptômes dit « positifs » et « négatifs ». Cette classification a été introduite par Andreassen dans les années 1980. Les symptômes positifs, ainsi dénommés car s'ajoutant à l'expérience de la réalité et aux comportements habituels, comprennent les éléments sémiologiques communs aux états psychotiques aigus : idées délirantes, hallucinations, déréalisation (impression d'étrangeté du monde, qui paraît irréel, flou, qui manque de sens), dépersonnalisation (impression de sortir de son propre corps), ainsi que les troubles cognitifs regroupés sous le terme de désorganisation ou troubles du cours de la pensée (phénomène du « coq à l'âne » quand le discours passe d'un sujet à un autre complètement différent). Les symptômes négatifs sont ainsi dénommés car ils reflètent le déclin des fonctions normales et se traduisent par une altération des fonctions cognitives complexes d'intégration : altération des fonctions mnésiques, difficultés de concentration, pauvreté du langage spontané, du comportement moteur : aboulie, amimie, apragmatisme, mais aussi du fonctionnement social ou émotionnel : altération de la vie de relation, un abrasement des affects et de la motivation (athymhormie). Du fait du grand nombre de combinaisons différentes possibles entre ces symptômes, aboutissant ainsi à des formes cliniques variées, certains considèrent la schizophrénie comme un syndrome, traduction clinique de pathologies multiples et non comme une pathologie unique.

Le psychiatre Kurt Schneider a essayé de répertorier les formes particulières des symptômes psychotiques que pouvaient produire les psychoses. Ils sont appelés symptômes de premier rang et comprennent l'impression d’être contrôlé par une force externe, de ne plus être maître de sa pensée, le vol de la pensée, l'écho et les commentaires de la pensée, l'impression que la pensée est transmise à d’autres personnes, la perception de voix commentant les pensées ou les actions du sujet, ou d'avoir des conversations avec d’autres voix hallucinées en somme ce qui relève de l'automatisme mental de G. G. de Clérambault.

Diagnostic différentiel

On peut noter que plusieurs des symptômes positifs ou psychotiques peuvent intervenir dans de nombreux désordres et pas seulement dans les schizophrénies. Les schizophrénies se différencient des autres psychoses chroniques par le relâchement associatif, la diffluence des processus psychiques et le relâchement de la pensée, le délire est lui-même souvent flou et mal organisé.

Pour poser le diagnostic, il importe de rechercher les manifestations de la dissociation. À ne pas confondre avec le terme de dissociation introduit par les classifications anglo-saxonnnes pour tenter de supprimer l'hystérie car la description « objective » de cette dernière pose problème.

Il convient également d'éliminer des causes organiques par exemple : notamment toxiques (par exemple : l'intoxication chronique au cannabis et ses conséquences amotivationnelles…), l'épilepsie, la présence d'une tumeur au cerveau, les troubles endocriniens thyroïdiens, de même que d'autres affections physiques qui provoquent des symptômes apparemment analogues à ceux de la schizophrénie, telles l'hypoglycémie et la maladie de Wilson. Il faut également établir clairement qu'il ne s'agit pas d'un trouble bipolaire ou de toute autre psychose ou syndrome démentiel. Enfin, certains troubles de la personnalité peuvent être trompeurs pour les profanes ou en début d'évolution.

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