Schizophrénie - Définition

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Modèle étiologique bio-psycho-social

Il s'agit d'une pathologie multifactorielle aboutissant à un désordre d'ordre neuropsychiatrique (altération du fonctionnement cérébral et relationnel). On estime que c’est un mélange de prédispositions génétiques (tendance familiale ou individuelle rattachée au génome) et de prédispositions environnementales (contamination par un virus, hygiène de vie, environnement ou situation récurrente stressante), un évènement significatif pour le sujet et éventuellement endogène ou d'apparence anodine va constituer une sorte de stress particulièrement aiguë et jouer alors rôle de déclencheur engendrant la crise.

On pense que les premières phases de développement de l'individu sont déterminantes, en particulier pendant le stade fœtal et à l'occasion des interactions précoces avec la mère (c'est une interprétation restrictive de ce dernier point qui a pu conduire à un discours fortement culpabilisateur à l'égard des familles). On notera, pour mémoire, la place de la dopamine dans le circuit mésolimbique cérébral. Le rôle de la dopamine dans cette maladie a été proposé à partir de l'observation de l'amélioration des symptômes délirants et de la dissociation avec l'utilisation des neuroleptiques au moment de leur découverte, ce rouage intervient mais n'est qu'un aspect d'une conjonction très complexe de facteurs. Ainsi sur le plan neurochimique bien d'autres neuromédiateurs jouent des rôles dans la schizophrénie comme par exemple la sérotonine. Chaque fois qu'un nouvel éclairage est porté sur l'un d'entre eux son implication dans la vie psychique est avidement explorée par les chercheurs dans tous les champs de la psychopathologie.

Anatomie du cerveau et schizophrénie

Il existe des anomalies du lobe temporal, retrouvée lors d'imagerie par résonance magnétique du cerveau d'adolescents schizophrènes (diminution de la surface du sillon collatéral), cette anomalie apparaissant lors des modifications du cerveau à l'adolescence. L'importance de ces modifications n'est apparemment liée ni à la durée de la pathologie ni aux doses de médicaments pris par les patients.

Facteurs génétiques et environnementaux

Génétiques

Statistiquement, on observe que chez la plupart des hommes la maladie se déclare cliniquement durant la fin de l'adolescence, alors que pour la plupart des femmes cela est parfois plus tardif, que les fils aînés ou uniques sont statistiquement plus affectés. Aucun de ces arguments ne plaide en faveur d'une origine génétique.

Une hypothèse est que le patrimoine d'un individu puisse prédisposer à cette maladie : sur de vrais jumeaux, dans le cas d'une personne schizophrène, son jumeau a 40 % de risque de l'être aussi. De même, la probabilité d'être atteint est supérieure en cas d'atteinte d'un cas dans la même famille, mais ceci n'implique pas obligatoirement ni toujours une cause génétique, car les jumeaux peuvent aussi avoir été ensemble exposés in utero aux conséquences immunitaires d'une infection virale de la mère ou d'un vaccin ou à un facteur ou co-facteur environnemental.

Certains gènes ont été identifiés comme marqueurs de risque, comme NRG1 ou DTNBP1.

Environnementaux

Certains facteurs environnementaux contribuent au déclenchement de la maladie en particulier dans les premières semaines du développement. À cela, on doit ajouter les facteurs individuels comme une naissance en hiver.

Les virus reviennent de manière récurrente sur le devant de la scène pour expliquer la schizophrénie ou les symptômes qui résulteraient de la combinaison schizophrénie/virus  : en particulier les infections à herpes virus de type 1 et le bornavirus.

Les schizophrènes consomment fréquemment des substances toxiques, ce qui complique l'évolution de leurs troubles. Cette consommation est en quelque sorte une recherche d'apaisement, bien souvent inefficace voire aggravante. Certaines intoxications chroniques donnent des tableaux pseudo-schizophréniques.

Selon le docteur Dolores Malaspina, directrice du département de psychiatrie de la New York University School of Medicine, le perchloroéthylène, substance toxique utilisée dans le nettoyage à sec, augmenterait de 3,5 fois le risque de développer des symptômes schizophréniques. Le tueur de Virginia Tech, Cho Seung-hui aurait pu être affecté par cette substance, ses parents ayant une entreprise de nettoyage à sec.

Le contexte peut représenter lui-même un facteur aggravant.

Lien entre schizophrénie et consommation de cannabis

Le lien entre consommation de cannabis et schizophrénie a mené à des recherches plus poussées afin d'en déterminer l'origine.

Deux directions contribuent à en comprendre l'impact, l'une considère que la consommation de cannabis est antérieure aux épisodes schizophréniques et donc les favorise, l'autre constate une consommation postérieure et donc sans lien direct sauf une sorte d'auto-médication des usagers.

Ainsi différentes études visent à établir une corrélation entre consommation chronique de cannabis et augmentation de la vulnérabilité aux épisodes psychotiques brefs et à la schizophrénie. Cela signifie que certaines personnes présentant une vulnérabilité à la schizophrénie (par exemple) mais qui n'auraient pas présenté de symptômes de cette maladie durant leur vie dans des conditions de stress habituelles, vont décompenser et entrer dans cette pathologie du fait de leur consommation de cannabis. Le risque relatif est de l'ordre de 4, ce qui signifie que a priori (sans connaître le degré de vulnérabilité d'une personne), une personne a quatre fois plus de risque de présenter une schizophrénie que si elle ne consommait pas de cannabis de manière régulière. Ce point de vue insiste sur le fait que ce n'est pas l'ordre dans lequel les symptômes apparaissent, ordre très difficile à prouver, mais le résultat qui peut être comparé : sans ingérence de cannabis, la personne a quatre fois moins de risque de se retrouver victime de schizophrénie.

Ces études sont complétées par d'autres études qui établissent une éventuelle relation entre schizophrénie et cannabis, sans définir au préalable le symptôme psychotique mais en énumère les symptômes pour ensuite les relier à la schizophrénie, ce qui peut constituer une forme de biais. D'autre part, on relève d'autres études contradictoires. Il est ainsi mentionné que l'usage du cannabis étant en grande augmentation depuis les années 1980, si une véritable corrélation existait avec la schizophrénie, on aurait dû voir la même courbe d'augmentation dans les diagnostics, ce qui n'est pas le cas.

Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle des recherches, selon l'Inserm « l’usage de cannabis apparaît donc comme l’un des très nombreux facteurs de causalité (ni nécessaire, ni suffisant) qui accompagne la survenue de la schizophrénie sans en affecter l'évolution de façon favorable, bien au contraire ces produits aggravent certains symptômes. Au regard des études analysées par les experts, il apparaît néanmoins que toutes les personnes exposées au cannabis ne deviendront pas schizophrènes. »

Neurobiologie

Anomalies neuro-développementales précoces

On considère également que des processus liés au développement précoce du système nerveux sont importants, en particulier au cours de la grossesse. Par exemple, des femmes qui étaient enceintes pendant la sévère famine de 1944 aux Pays-Bas présentaient un risque accru pour leur enfant de développer plus tard la maladie. De même, des études ont comparé des mères finnoises ayant appris la mort de leur mari à la Guerre d'Hiver de 1939-1940, alors qu'elles étaient enceintes, à des mères ayant appris la mort de leur mari après la grossesse. Ces études ont montré dans le premier cas un risque fortement accru pour l'enfant de développer la maladie, ce qui suggère que même un traumatisme psychologique chez la mère peut avoir un effet néfaste. En outre, il existe à présent des indications claires qu'une exposition prénatale à des infections virales ou bactériennes augmente le risque d'apparition de la schizophrénie, confirmant l'existence d'un lien entre une pathologie développementale et le risque de développer la maladie.

Certains chercheurs suggèrent que c'est une interaction entre des facteurs environnementaux lors de l'enfance et des facteurs de risque neurobiologiques qui détermine la probabilité de développer la schizophrénie à un âge ultérieur. On considère que le développement neurologique de l'enfant est sensible à des éléments caractéristiques d'un cadre social perturbé tels que le trauma, la violence, le manque de chaleur dans les contacts personnels ou l'hostilité. Chacun de ces éléments a été identifié comme facteur de risque. Des recherches ont suggéré que les effets favorables ou défavorables de l'environnement de l'enfant interagissent avec les déterminants génétiques et les processus de développement du système nerveux, avec des conséquences à long terme pour le fonctionnement du cerveau. Cette combinaison de facteurs jouerait un rôle dans la vulnérabilité à la psychose qui se manifeste plus tard à l'âge adulte.

La tomographie à émission de positron (TEP) lors d'une tâche de mémoire de travail indique que moins les lobes frontaux (en rouge) sont activés, plus on observe une augmentation anormale d'activité dopaminergique dans le striatum (en vert), qui serait liée aux déficits cognitifs chez le patient schizophrène.

Modèle dopaminergique

Les troubles schizophréniques sont fréquemment rattachés à un dysfonctionnement de la voie dopaminergique mésolimbique. Cette théorie, connue sous le nom d'« hypothèse dopaminergique de la schizophrénie », est basée sur le fait que la plupart des substances à propriétés antipsychotiques ont une action sur le système de la dopamine. C'est la découverte fortuite d'une classe de médicaments, les phénothiazines, qui est à l'origine de cette découverte. Les médicaments antipsychotiques ou neuroleptiques agissant entre autres sur le système dopaminergique ont fait l'objet de développements ultérieurs et restent un traitement courant de première indication.

Cependant, cette théorie est actuellement considérée comme trop simplificatrice et incomplète, notamment du fait que de nouveaux médicaments (les antipsychotiques atypiques), comme la clozapine, sont aussi efficaces que les médicaments plus anciens (ou antipsychotiques typiques), comme l'halopéridol. Or cette nouvelle classe de molécules a également des effets sur le système de la sérotonine, et pourrait être un bloquant un peu moins efficace des récepteurs à la dopamine. Selon le psychiatre David Healey, des compagnies pharmaceutiques auraient encouragé des théories biologiques trop simples pour promouvoir les traitements de nature biologique qu'elles proposent.

Rôle du glutamate et des récepteurs NMDA

L'intérêt s'est également porté sur un autre neurotransmetteur, le glutamate, et sur la fonction diminuée d'un type particulier de récepteur au glutamate, le récepteur NMDA. Cette théorie a pour origine l'observation de niveaux anormalement bas de récepteurs de type NMDA dans le cerveau de patients schizophrènes examinés post-mortem, et la découverte que des substances bloquant ce récepteur, comme la phencyclidine ou la kétamine, peuvent mimer chez le sujet sain des symptômes et des troubles cognitifs associés à la maladie.

L'« hypothèse glutamatergique » de la schizophrénie devient actuellement de plus en plus populaire, en particulier du fait de deux observations : d'une part, le système glutamatergique peut agir sur le système dopaminergique, et d'autre part, une fonction glutamatergique réduite a pu être associée à un faible niveau de performance à des tests qui nécessitent le fonctionnement de l'hippocampe et du lobe frontal, dont on sait qu'ils sont impliqués dans la schizophrénie. Cette théorie est également étayée par des essais cliniques montrant que des molécules qui sont des co-agonistes du complexe associé au récepteur NMDA sont efficaces pour réduire les symptômes schizophréniques. Ainsi, les acides aminés D-sérine, glycine et D-cyclosérine facilitent la fonction du récepteur NMDA grâce à leur action sur le site co-agoniste recevant la glycine. Plusieurs essais cliniques contrôlés par placebo, et visant à augmenter la concentration de glycine dans le cerveau, ont montré une réduction principalement des symptômes négatifs.

Données neurophysiologiques et imagerie cérébrale

Avec le développement récent des techniques d'imagerie médicale, beaucoup de travaux sont consacrés à des différences de structure ou de fonction dans certaines régions cérébrales chez des schizophrènes.

On a longtemps cru que le cerveau des schizophrènes était d'apparence essentiellement normale. Les premières indications de différences structurelles sont venues de la découverte d'un élargissement des ventricules cérébraux chez des patients dont les symptômes négatifs étaient particulièrement marqués. Toutefois, ce résultat ne s'avère guère utilisable au niveau individuel du fait de la grande variabilité observée entre les patients. Un lien entre l'élargissement ventriculaire et une exposition aux médicaments antipsychotiques a été suggéré.

Des études plus récentes ont montré qu'il existe de nombreuses différences dans la structure cérébrale selon que les personnes présentent ou non un diagnostic de schizophrénie. Toutefois, comme dans le cas des études antérieures, la plupart de ces différences ne sont détectables que lorsqu'on compare des groupes et non des individus.

Des études mettant en œuvre des tests neuropsychologiques combinés à des techniques d'imagerie cérébrale comme l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ou la tomographie par émission de positons (TEP) ont cherché à mettre en évidence des différences fonctionnelles d'activité cérébrale chez des patients. Elles ont montré que ces différences surviennent plus fréquemment au niveau des lobes frontaux, de l'hippocampe et des lobes temporaux. Ces différences sont fortement liées aux déficits cognitifs fréquemment associés à la schizophrénie, notamment dans le domaine de la mémoire, de l'attention, de la résolution de problèmes, des fonctions exécutives et de la cognition sociale.

Des enregistrements électroencéphalographiques (EEG) de personnes schizophrènes lors de tâches à dominante perceptive ont montré une absence d'activité dans la bande de fréquence gamma (fréquences élevées), qui indiquerait une faible intégration de circuits neuronaux critiques du cerveau. Les patients présentant des hallucinations intenses, des croyances illusoires et une désorganisation de la pensée avaient également la synchronisation de plus basse fréquence. Les médicaments pris par ces personnes ne permettaient pas de retour du rythme vers la gamme de fréquence gamma. Il est possible que les altérations de la bande gamma et de la mémoire de travail soient liées à des altérations des interneurones inhibiteurs produisant de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA). On a observé dans le cortex préfrontal dorsolatéral de patients schizophrènes une altération d'une sous-classe particulière d'interneurones GABAergiques caractérisés par la présence de la protéine parvalbumine.

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