À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie avait perdu la moitié de sa flotte marchande du fait des destructions et des réquisitions par les Alliés. Les pertes incluaient le Rex, ancien détenteur du ruban bleu. En outre, l’économie du pays était dévastée. Pour montrer au monde que le pays avait récupéré de la guerre, et pour rétablir la fierté nationale, la compagnie italienne de navigation commanda deux nouveaux navires de conception semblable au début des années 1950. Le premier devait être appelé Andrea Doria et le deuxième, lancé en 1953, Cristoforo Colombo en référence à Christophe Colomb.
La construction de l’Andrea Doria a débuté au chantier naval d’Ansaldo à Gênes. Le 9 février 1950, la quille du bateau a été posée sur la cale de lancement numéro 1, et le 16 juin 1951, l’Andrea Doria a été lancé. Pendant la cérémonie, la coque du bateau a été bénie par le Cardinal Siri, archevêque de Gênes, et baptisée par Signora Giuseppina Saragat, épouse de l’ancien ministre de la marine marchande. Cependant, compte tenu des problèmes de machines rencontrés pendant les essais à la mer, le voyage inaugural a été repoussé du 14 décembre 1952 au 14 janvier 1953. Pendant ce premier voyage, le bateau a essuyé de gros orages à l’approche finale de New York et a été retardé. Néanmoins, il est arrivé à New-York le 23 janvier et a reçu une importante délégation de bienvenue, à laquelle participait notamment le maire de New York, Vincent R. Impellitteri. Par la suite, l’Andrea Doria est devenu l’un des transatlantiques les plus populaires et les plus réussis de l'Italie, et il navigua toujours au maximum de sa capacité.
Au soir du mercredi 25 juillet 1956, l’Andréa Doria, sous les ordres du commandant Piero Calamai, faisait route à l’ouest vers New York. Il transportait 1 134 passagers, et l’équipage se composait de 572 hommes et femmes. Ce devait être le dernier jour d’un voyage transatlantique en provenance de Gênes, qu’il avait quitté le 17 juillet ; l’accostage était prévu le lendemain matin.
Le même soir, le vapeur Stockholm, un petit paquebot qui avait quitté New York vers midi, était en route à l’est à destination de Göteborg en Suède. Le Stockholm était sous les ordres du commandant Harry Gunnar Nordenson, et le lieutenant Johan Ernst Johannsen était de quart à la passerelle. En route à 18 nœuds par ciel clair et une visibilité estimée à 6 milles, le Stockholm suivait une route habituelle vers le bateau-feu de Nantucket.
Alors que le Stockholm et l’Andrea Doria suivaient des routes directement opposées, l’Andrea Doria se trouvait depuis quelques heures dans un brouillard épais. Le commandant avait réduit l’allure (de 23 à 21,8 nœuds), faisait entendre les signaux de brume réglementaires et avait fait fermer les portes étanches, mesures de routine lors de la navigation par temps de brume. Le Stockholm quant à lui, allait tout juste entrer dans ce même banc de brume qu’il n’avait pas prévu. On rencontre fréquemment dans ces parages, au sud de l’île de Nantucket, des bancs de brume causés par la rencontre du courant du Labrador et du Gulf Stream.
Chacun des navires avait détecté l’autre au radar, se rapprochant avec une vitesse relative de l’ordre de 40 nœuds. Aucune des deux navires n'a cherché à entrer en communication radio avec l'autre, et ils ont apparemment fait une mauvaise interprétation de la situation.
Les résultats de l’enquête ont établi que l’Andrea Doria a graduellement modifié sa route sur son bâbord, envisageant d’effectuer un croisement tribord-tribord, pendant que le Stockholm lui, avait effectué un changement de route d’approximativement 20 ° sur son tribord, dans l’intention de s’écarter de la route et, pour effectuer un croisement bâbord-bâbord. En fait au lieu d’agrandir la distance qui les séparait, les deux navires se sont placés sur des routes de collision. En raison du brouillard épais qui les enveloppaient, les navires n’ont pu s'apercevoir qu’au dernier moment, la distance qui les séparait étant alors très faible. Malgré des manœuvres d'urgence, la collision n’a pu être évitée.
Au dernier moment, le Stockholm a mis la barre toute à droite et ordonné la machine en arrière toute, essayant de casser son erre, tandis que l’Andrea Doria, conservant sa vitesse de 22 nœuds, avait entamé un virage, la barre toute à gauche, son commandant espérant passer devant le Stockholm. Les navires se sont abordés à 23h10.
L’Andrea Doria et le Stockholm se sont heurtés sous un angle d’environ 90 degrés. Le flanc droit de l’Andrea Doria fut transpercé par l’étrave tranchante du Stockholm, conçue pour briser la glace, pénétrant dans trois des cabines sur une profondeur d’environ 12 mètres.
La collision a détruit des cabines passagers occupées et, dans les ponts inférieurs, endommagé les compartiments étanches de l’Andrea Doria. L’entaille lui a percé cinq ballasts à combustible tribord, qui se sont remplis de 500 tonnes d’eau de mer, tandis que les ballasts de bâbord restaient vides, provoquant ainsi une forte gîte sur tribord. La plupart de ces soutes étaient alors vides, puisque le bateau s’approchait de la fin de son voyage.
Quarante-six personnes parmi les 1 706 passagers et membres d’équipage de l’Andrea Doria ont été tués dans la collision, alors que seuls la mort de cinq membres d’équipage était à déplorer à bord du Stockholm. Après la collision, les membres d’équipage du Stockholm ont découvert Linda Morgan, une jeune fille de 14 ans, passagère de l’Andrea Doria, cabine 52. Elle reposait en bonne santé, sur l’étrave du Stockholm derrière la zone détruite. Elle avait miraculeusement survécu au choc tandis que sa demi-sœur, qui partageait sa cabine sur l’Andrea Doria, avait, elle, été tuée sur le coup.
Juste après la collision, l’Andrea Doria a commencé à prendre l’eau et à gîter sévèrement sur tribord, d’au moins 18 degrés. Alors que l’eau montait, on découvrit qu’une des portes étanches de la salle des machines manquait. Cependant, en raison de l'envahissement des ballasts tribord par de l’eau de mer, la gîte s’est accrue au cours des minutes suivantes à 20 degrés ou plus. Le capitaine Calamai a alors réalisé qu’il n’y avait plus aucun espoir de sauver son bateau. Les deux bateaux ont dérivé lentement dans le brouillard.
Sur l’Andrea Doria, la décision d’abandonner le bateau a été prise 30 minutes après l’impact. Cependant les moyens de sauvetage étaient difficiles à mettre en œuvre puisque la moitié des chaloupes de sauvetage étaient inutilisables du fait de la gîte.
Un message de détresse a été transmis par radio à d’autres bateaux, et des passagers incapables de trouver place sur les bateaux de sauvetage de l’Andrea Doria furent par la suite sauvés par le Stockholm et d'autres navires venus à la rescousse.
Un tournant important dans ce désastre fut la décision prise par le capitaine du paquebot Île-de-France, un bateau de la French Line que l’Andrea Doria avait croisé quelques heures plus tôt ; il commande de faire demi-tour pour venir en aide aux survivants. L’Île-de-France est parvenue à sauver la majeure partie des passagers restants en faisant la navette avec ses dix bateaux de sauvetage. Quelques passagers de l’Île-de-France ont renoncé à leurs cabines pour les céder aux survivants trempés et fatigués. Plusieurs plus petits bateaux ont également répondu à l'appel de détresse et ont rejoint les lieux.
En conséquence, les pertes humaines ont été limitées aux personnes tuées lors de la collision — et à un enfant décédé pendant les opérations d’abandon.
L’Andrea Doria a finalement chaviré et a coulé onze heures après l'abordage, à 10 h 09 le 26 juillet. L’évènement fut largement couvert par des médias locaux. La photographie aérienne spectaculaire du transatlantique en détresse, chavirant et coulant, valut le prix Pulitzer de 1957 à Harry A. Trask (du Journal du voyageur de Boston).
Quand il annonça la collision, Edward P. Morgan, commentateur radio à l'ABC, basé à New York, ne dit rien au sujet de sa fille de 14 ans qui était à bord de l’Andrea Doria. Il ne savait pas que Linda Morgan, la « miraculée », était vivante et se trouvait à bord du Stockholm — fortement endommagé, mais qui put toutefois rejoindre New York par ses propres moyens. Après l’annonce de la bonne nouvelle, son émotion fut telle que c’est devenu un des moments les plus mémorables de l’histoire de la radio.
Parmi les passagers de l’Andrea Doria se trouvaient l’actrice Ruth Roman, de Hollywood, et son fils âgé de quatre ans. Dans un film des années 1950 Three Secrets, Roman avait interprété une mère dans l’attente de savoir si son enfant avait survécu à un accident d’avion. Sauvée, mais séparée de son fils pendant la collision et l’évacuation, Roman a dû attendre pendant plusieurs heures des nouvelles de son enfant. Cette situation provoqua une frénésie des médias, qui prirent quantités de photos d’elle attendant son fils sur un ponton de New York.
Le naufrage eut aussi une conséquence annexe dans l’histoire automobile, du fait de la perte d’un prototype, le Chrysler Norseman qui avait été construit par Ghia en Italie pour le compte de Chrysler. Ce prototype, qui n’avait jamais été présenté en public avant la catastrophe, était annoncé comme l’attraction principale des expositions automobiles de l’année 1957 aux États-Unis.