Château d'Auberoche (Le Change) - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Le site dans l’histoire

Du début de la guerre de Cent Ans à nos jours

Le site d'Auberoche en Périgord est bien connu de tous les historiens de la guerre de Cent Ans pour le combat décisif qui s'y déroula en octobre 1345. La bataille d'Auberoche est le terme victorieux de la première campagne en Guyenne du corps expéditionnaire anglais, placé sous le commandement du comte Derby, qui avait débuté par la prise de Bergerac, dans la vallée de la Dordogne en août de la même année.

Maintes fois cité à la suite de Froissard par les chroniqueurs puis par les historiens contemporains, ce haut lieu de la lutte armée franco-anglaise, dans le Sud-Ouest du pays, n'a pourtant jamais fait l'objet d'une étude, ne serait-ce même d'une simple monographie d'érudit local au XIXe siècle, dont jouissent cependant presque tous les autres châteaux de Guyenne quelque peu remarquables. Les causes qui firent la renommée de ce lieu sont, paradoxalement, celles qui semblent avoir projeté dans l'oubli les structures qui l'occupèrent au Moyen Âge.

Vers la fin de ce long conflit qui désola le pays périgourdin de 1345 à 1453, la population de la ville de Périgueux exaspérée par les crimes et les exactions sans nombre commises par des soldats de la garnison de la forteresse d'Alba Rocca, réussit à la faveur de la conjoncture à démanteler pierre par pierre cette place forte qui, pendant près d'un siècle, l'a fit souffrir. Dans l'année 1430 le château fut donc véritablement rasé, rayé du paysage par les bourgeois en colère en mal de vengeance. Les tours, à l'exception d'une, sont abattues entièrement, ainsi que les bâtiments internes à l'enceinte qui, elle aussi, est arasée le plus bas possible partout où cela est réalisable. Seule, la chapelle castrale trouva grâce devant la pioche des démolisseurs et resta fièrement campée, à l'extrémité de l'éperon de roche blanche qui dicta le nom du site.

Privée du château qui en constituait le cœur, la châtellenie d'Auberoche fut progressivement démembrée jusqu'au XVIIIe siècle. Les ruines de la forteresse s'estompèrent doucement au point de ne plus être lisibles, sans avoir recours à un examen détaillé du lieu. L'oubli du site est total. Au XIXe siècle, des historiens en viennent même à le situer hors du Périgord faute d'avoir remarqué sur les rares cartes l'existence d'un petit lieu-dit portant encore le nom dans la commune du Change à l'est de périgueux. Il faut attendre l'étude sur les chroniques de Froissard de Monsieur Bertrandy (1870), pour que la juste localisation de la châtellenie soit rétablie, mais cet historien semble encore ignorer l'emplacement exact du castrum. Par contre, la population campagnarde du lieu en a gardé la mémoire. Ainsi, le soir à la veillée, dans les maisons groupées au pied du site déserté on racontait jusqu'au début du siècle, la légende selon laquelle une vieille femme guida l'anglais pour prendre le château par surprise.

Origine de la fondation castrale

Le château d'Auberoche

Comme nous venons de le voir, il sera assez facile de reconstituer l'histoire du castrum d'Auberoche, du début de la guerre de Cent Ans à nos jours. Les documents sont abondants, fiables et précis.

Par contre, il n'en sera pas de même lorsque l'on souhaitera traiter des périodes antérieures au XIVe siècle. Les sources deviennent beaucoup plus rares, imprécises, fragmentaires et d'utilisation délicate.

Toutefois, l'inventaire des documents touchant de près ou de loin Auberoche, nous permet de commencer à établir une sorte de trame, d'ossature chronologique dans laquelle se dessine les contours essentiels de l'histoire du castrum, de ses origines au XIVe siècle.

En se référant à des sources scriptuaires anachroniques établies vers 1180, le relief rocheux d'Auberoche aurait été édifié en rocca fortis par l'évêque du diocèse de Périgueux entre 976 et 991. Auberoche apparaît alors comme l'une des articulations majeures de la stratégie épiscopale à la fin du Xe siècle, et constitue avec ses homologues (La Roque St-Christophe, Agonac, Corniac, Bassillac), une composante de cette "cotte de maille" tissée par le pouvoir temporel épiscopal du centre diocésain. On entrevoit quelques uns des mobiles placés à l'origine de cette structuration politique de l'espace épiscopal. Elle peut résulter du choc psychologique provoqué par les incursions dévastatrices et sporadiques des IXe-Xe siècles qui touchèrent le Périgord. Cela expliquerait la volonté des évêques de s'assurer la maîtrise du bassin hydrographique du Périgord central (cours de l'Isle et son chevelu d'affluents, Beauronne, Auvézère, Vézère) et par là même d'exercer un contrôle intégral de ses couloirs naturels de circulation dont les grandes orientations ont déterminé très tôt le tracé des axes routiers médiévaux. Dans ce contexte, le relief rocheux d'Auberoche prenait toute sa valeur. Il offrait un site défensif naturellement privilégié, placé en contact immédiat de la vallée de l'Auvézère, dans le circonvoisinage du chef-lieu de diocèse. À sa fonction d'observatoire et de verrou, s'ajouta peut-être celle de refuge pour la population rurale de la paroisse du Change, cadre d'accueil du castrum. Cette paroisse semble d'origine ancienne et d'inspiration épiscopale (VIIe-VIIIe siècles).

Le successeur de l'évêque Frotaire, fondateur du castrum, aurait procédé à l'inféodation de la place en faveur du vicomte de Limoges, probablement vers 1037, 1059, afin d'acquérir la protection de ce potentat laïque contre ses oppresseurs du moment ou potentiels. L'histoire évènementielle de la région recèle les signes annonciateurs de cette initiative épiscopale. Elle nous rapporte les rivalités latentes qui opposèrent le comte de Périgord et l'évêque du diocèse se traduisant par deux périodes de friction dès le milieu du XIe siècle. Ces affrontements trouvèrent leur prolongement dans les prétentions du vicomte de Limoges, Archambaud le Barbu, mû par le jeu des préoccupations expansionnistes concurrentes à celles du comte de Périgord dans une zone de marche mal définie et soumise encore à des fluctuations jusqu'au début du XIIe siècle. Cette conjoncture donnait une nouvelle fois à Auberoche et son terroir une place importante au plan stratégique, politique et économique.

Le vicomte de Limoges reconnaît, pour Auberoche, l'évêque de périgueux comme son suzerain dès le dernier tiers du XIIe siècle (1154-1157). Par l'inféodation épiscopale, le vicomte de Limoges étendait sa domination jusqu'aux portes du siège épiscopal et comtal Périgourdin. C'est sur cette base d’appui que s'instaura une seigneurie châtelaine de première origine. Que s'établit ainsi un centre de diffusion métrologique et d'où s'exerça et se maintint aux portes de Périgueux le pouvoir politique et économique des vicomtes de Limoges. Le château devint le centre d'une unité féodale, en même temps que l'élément générateur de l'ossature, du paysage et de l'espace qui l'entoure. La réalité de l'existence de l'unité territoriale engendrée par le castrum se manifeste dans les textes à partir du XIIIe siècle, mais il n'est pas improbable que la châtellenie ait pris corps au siècle précédent. Elle englobait dans son ressort 16 paroisses en 1365 et contrôlait dans ses extrémités deux grands courants de circulation convergents vers la ville Périgueux, par la vallée de l'Auvézère et par la vallée du Manoir.

Le pouvoir judiciaire et administratif était assuré sur l'étendue du district par un agent du vicomte de Limoges, prévôt, attesté dès septembre 1257. La rocca castri devint un chef-Iieu de circonscription de poids et mesures, attesté dès 1289 et le lieu de perception d'un péage pour le sel au XIVe siècle. Elle engendra également une agglomération villageoise vers la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle, comme commencent à l'indiquer les premières fouilles archéologiques. L'indigence de la documentation ne permet pas de connaître le statut de ce bourg subcastral. Il semblerait que certains privilèges furent accordés très tardivement (2e moitié du XIVe siècle) à la population. Mais la communauté ne semble pas avoir franchi le stade embryonnaire de son affranchissement avant la disparition du castrum au début du XVe siècle. L'état des résidents et leurs qualités restent dans l'ombre. Le terme générique de villa qualifiant alors en Périgord les conglomérats d'habitats n'est pas mentionné dans les sources manuscrites de la fin du Moyen Âge pour Auberoche ; cela semble surprenant en comparaison de ses homologues des environs (bourgs castraux d'Anse, d'Exideuïil, de Montignac, de Thiviers, du Puy Saint-Front). Quand les textes citent ces lieux, ils discernent distinctement leurs entités : castrum (château) ; villa (ville, peuplement de bourg castraI) ; castellenia (châtellenie). Par contre, les documents mentionnent à Auberoche une structure religieuse bipolaire au XIIIe siècle. Il existait deux chapelles sur le site, l'une castrale, l'autre apparemment villageoise. Il y a eu semble-t-il, création d'une paroisse nouvelle, obtenue par le démembrement partiel de la paroisse mère (du Change), dans laquelle la forteresse s'était implantée. En effet, en 1324, un domicellus est qualifié de parochianus d'Auberoche. En 1365 la paroisse est annexée à celle du Change, et en 1524 la paroisse n'existe plus. L'occupation villageoise a dû être relativement importante pour que se forme une nouvelle paroisse découpée dans l'ancienne.

La rocca castri semble aussi avoir joué un rôle important dans la structuration du pays environnant. Elle constitua un point d'ancrage pour un contingent de miles dont la présence à l'intérieur de ses murs est signalée dès le début du XIIe siècle siècle. Ils sont les probables ancêtres de ces lignages chevaleresques qui seront à l'origine d'une éclosion de semis d'habitats, autour de leurs maisons fortes, dans le ressort de la châtellenie. L'implantation de ces résidences de damoiseaux ou chevaliers de paroisses, résulte sans doute d'une politique de concession de fiefs à charge d'hommage-lige. Ces tenures féodales prirent un caractère héréditaire et se transmirent par la règle de la primogéniture. Elles constituèrent l'unité de base de l'habitat et de la mise en valeur du sol du terroir.

Page générée en 0.362 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise