La Cissoïde de Dioclès est une courbe construite par Dioclès au IIe siècle av. J.-C. dans le but de résoudre graphiquement le problème de la duplication du cube. Elle fut étudiée plus complètement au XVIIe siècle par Fermat, Huygens et Sluse.
Le terme cissoïde vient du grec (kissos, lierre) et signifie en forme de lierre. Il est emprunté à Proclus qui en parle comme d'une courbe présentant des Points de rebroussement
La cissoïde de Dioclès fait partie de la famille des cissoïdes. Elle est appelée aussi cissoïde droite car elle est engendrée par un cercle C et une droite (d) tangente au cercle en A. Si O est le point diamétralement opposé à A sur le cercle, la cissoïde est l'ensemble des points M tels que
où M1 et M2 sont deux points alignés avec O situés respectivement sur (C) et (d).
Cette courbe possède l'axe (OA) comme axe de symétrie et la droite (d) comme asymptote
Il en existe plusieurs équations. On appelle a le rayon du cercle (C), et on se place dans un repère orthonormal direct , dans lequel A a pour coordonnées (2a,0).
L'aire comprise entre la courbe et son asymptote est finie et vaut 3πa²
La cissoïde est une courbe algébrique car son équation est polynomiale de degré 3. D'après Kempe, on peut donc lui associer un système traceur mécanique. Artobolevski en propose une version.
La cissode est l'image de la parabole d'équation x = y² par l'inversion de pole O et de rapport 2a
La cissoïde est la podaire d'une parabole par rapport à son sommet
La cissoïde est une sorte de roulette obtenue en faisant rouler une parabole sur une parabole qui lui soit symétrique et en observant le lieu de son sommet.
Dans un ouvrage aujourd'hui disparu Sur les miroirs ardents, Diocles construit cette courbe point par point pour obtenir un outil permettant de dupliquer le cube. On dit que la cissoïde de Diocles est une duplicatrice. Diocles ne construit qu'une demi-portion de la cissoïde située dans le cercle et s'en sert pour construire un cube dont le volume doit être dans un rapport k avec celui d'un cube donné. Il ne se sert pas de la tangente pour sa construction. Il construit deux diamètres perpendiculaires [OA] et [BB']. Pour tout point P de l'arc BA, il construit le symétrique P' de P par rapport à la droite (BB'). Le point d'intersection M entre la droite (OP) et la perpendiculaire à (OA) passant par P' est un point de la cissoïde. Si H est le projeté orthogonal de P' sur (OA), K le point d'intersection des droites (OP) et (BB') et I le centre du cercle, Dioclès démontre, en utilisant le théorème de Thales et des propriétés sur les triangles semblables que
par produit, il en déduit que
enfin si N est le point d'intersection de (AM) et (BB')
Pour connaitre le côté d'un cube dont le volume serait k fois le volume du carré de côté a (k<1), il suffit alors de construire une cissoïde à partir du cercle de rayon a. de construire sur (BB') le point N tel que IN=k×IA. La droite (AN) rencontre la cissoïde en M et la droite (OM) rencontre alors (BB') en K vérifiant
En prenant par exemple k=1/2, on construit deux cubes dont les volumes sont dans un rapport 2. Dioclès fait ensuite remarquer que par le jeu des proportionnalités, la construction peut s'effectuer grâce à la cissoïde associée au cercle de rayon 1.
Dioclès montre ensuite que cette même figure permet de résoudre le problème de la double moyenne proportionnelle : a et b étant donné, comment trouver x et y tels que
Sa méthode a probablement inspiré Sporus et est reprise par Eutocius quand celui-ci fait l'inventaire des duplicatrices.
Selon Jean Itard , à cette époque, le nom de cissoïde de Dioclès n'est pas utilisé et le terme semble apparaître pour la première fois dans des textes du XVIe siècle.
Au XVIIe siècle, la cissoïde est étudiée par Pierre de Fermat dans ses ouvrages Doctrine sur les tangentes et De Cissoide Fragmentum (1662) où il en détermine les tangentes et une quadrature. C'est à cette époque (1658) que la cissoide se prolonge hors du cercle, se complète par symétrie et que son asymptote apparait . Elle fait l'objet d'un échange de lettres entre Sluse, Huygens et Wallis. Utilisant la méthode des indivisibles, Sluse calcule le volume du solide engendré par la rotation de la demi-cissoide autour de son asymptote et prouve qu'il est égal à la moitié celui du solide engendré par la rotation du cercle directeur autour de sa tangente en O. Il trouve ainsi un volume de π²a³. Utilisant la même méthode des indivisibles, Huyghens calcule l'aire comprise entre la cissoïde, le diamètre du cercle et son asymptote et prouve qu'elle est égale à trois fois l'aire du demi-cercle directeur, soit 3πa²/2. Peu confiant en cette méthode, il demande à Wallis de confirmer son calcul par sa méthode Arithmética infinotorum, ce que celui-ci fait en 1659. Grâce au théorème de Guldin, en complétant la courbe par symétrie, Huygens trouve la posïtion du centre de gravité G de la surface comprise entre la courbe et son asymptote (AG=1/3 a). Toujours en utilisant le théorème de Guldin, Sluse en déduit le volume du solide obtenu par rotation de la surface comprise entre l'asymptote, le diamètre (OA) et la cissoïde, autour de la tangente au cercle en O. (V=5π²a³). Sluse se réjouit d'avoir ainsi trouvé un solide aussi bizarre que la trompette de Gabriel : un solide de volume fini pouvant contenir un volume infini: il parle alors dans une lettre à Huygens de « meansura vasculi, pondere non magni, quod interim helluo nullus ebibat » - .