En mathématiques, la décomposition de Dunford s'inscrit dans la problématique de la réduction d'endomorphisme. Cette approche consiste à décomposer l'espace vectoriel en une somme directe de sous-espaces stables où l'expression de l'endomorphisme est plus simple.
Ce n'est pas une réduction dans le sens où elle n'est pas maximale. C'est-à-dire qu'il est parfois possible de pousser la décomposition en sous-espaces vectoriels stables plus petits.
Elle suppose comme hypothèses que l'espace vectoriel est de dimension finie et que le polynôme minimal est scindé, c'est-à-dire qu'il s'exprime comme produit de polynômes du premier degré. C'est toujours le cas si le corps est algébriquement clos, comme par exemple celui des nombres complexes. Dans le cas ou la propriété n'est pas vérifiée, alors il est possible d'étendre le corps à sa clôture algébrique, et l'espace vectoriel à ce nouveau corps et dans ce contexte d'appliquer la décomposition de Dunford. Le corps des nombres réels se voit par exemple très généralement étendre pour permettre une application de cette décomposition.
La décomposition de Dunford prouve que tout endomorphisme est la somme d'un endomorphisme diagonalisable et d'un endomorphisme nilpotent, les deux endomorphismes commutant et étant uniques.
Cette décomposition est largement appliquée. Elle permet un calcul matriciel souvent rapide. C'est néanmoins souvent sous la forme de la réduction de Jordan qu'elle est utilisée.
Le théorème de diagonalisabilité permet de déterminer la structure de u quand il admet un polynôme annulateur scindé à racines simples. La décomposition de Dunford s'applique à un cas plus général.
Théorème de la décomposition de Dunford — Soit u un endomorphisme d'un espace vectoriel E. Si u admet un polynôme minimal scindé, alors il peut s'écrire sous la forme u=d+n avec d un endomorphisme diagonalisable et n un endomorphisme nilpotent tels que d et n commutent (c'est-à-dire dn=nd). De plus d et n sont des polynômes en u et sont uniques.
En dimension finie le théorème de Cayley-Hamilton assure que χu(u) = 0 où χu désigne le polynôme caractéristique de u. Si χu est scindé alors u est décomposable.
C'est en particulier le cas pour tout endomorphisme d'un espace de dimension finie sur un corps algébriquement clos ( notamment).
L'idée initiale de cette approche est donnée par la proposition suivante, démontrée dans l'article sur les polynômes d'endomorphismes dans le paragraphe sur les polynômes minimaux :
Or, si le polynôme minimal est scindé, il peut s'écrire sous la forme:
Si l'on note le noyau de l'endomorphisme , alors le paragraphe précédent nous indique que la suite forme une somme directe de l'espace E de sous-espaces non réduits à 0 et stables par l'endomorphisme. On appelle ces sous-espaces les sous-espaces caractéristiques. Nous avons alors les trois propriétés suivantes:
Ces considérations permettent de démontrer la décomposition de Dunford. Elle permettent de plus de démontrer les propriétés suivantes :
Le polynôme minimal est scindé, donc il s'écrit sous la forme de produits des éléments de la suite . La proposition précédente nous indique que la suite forme une somme directe de sous-espaces stables. Par définitions des sous-espaces caractéristiques, nous venons de démontrer la proposition.
Considérons le polynôme . Ce polynôme n'est pas minimal. Donc la somme directe n'est pas l'espace entier. Cela démontre de n'est pas réduit au vecteur nul.
La restriction de u à s'écrit le premier terme est bien une homothétie, la définition du sous-espace caractéristique nous garantit que le deuxième terme est nilpotent.
Montrons que est une valeur propre. Considérons le noyau de l'endomorphisme nilpotent de la dernière proposition. Par construction d'un endomorphisme nilpotent, il n'est pas réduit au vecteur nul. La restriction de u à ce noyau est une homothétie de rapport , ce qui démontre qu’elle est valeur propre et que l'espace propre associé est inclus dans l'espace caractéristique.
Considérons alors une valeur propre tout vecteur propre associé a pour polynôme minimal . Or ce polynôme minimal divise . Nous venons de démontrer que est une racine de .
Considérons l'endomorphisme d sur E, qui pour tout vecteur de associe . Comme la somme des est directe et est égale à E, cet endomorphisme est bien défini et il est diagonalisable.
Considérons l'endomorphisme n sur E, qui pour tout vecteur de associe . Comme la somme des est directe et est égal à E, cet endomorphisme est bien défini et il est nilpotent sur tous les espaces caractéristiques,donc il est nilpotent.
La somme d + n est égal à u et d et n commutent entre eux sur chaque espace caractéristique. La somme des espaces caractéristiques est égal à E. L'égalité et la commutativité sont donc vraies sur E.
Il suffit de remarquer que est l'indice de l'endomorphisme nilpotent qu'est la restriction de à l'espace caractéristique associé.
Il suffit de calculer le polynôme caractéristique dans une base de Jordan.
Il suffit de calculer le déterminant dans une base de Jordan.
Il suffit de calculer la trace dans une base de Jordan.
Un résultat notoire de l'approche par les polynômes d'endomorphismes réside dans le fait que la connaissance du polynôme minimal permet de définir une algorithmique fournissant à la fois les projecteurs sur les espaces caractéristiques mais aussi la composante diagonale et nilpotente de l'endomorphisme.
C'est une conséquence directe de la dernière proposition du paragraphe sur les idéaux annulateurs. En effet, la famille des polynômes est bien une famille de polynômes premiers deux à deux.
L'égalité suivante montre que la composante diagonale est bien un polynôme en u.
L'égalité suivante est vérifiée , n est donc aussi un polynôme en u.