Eugène Enriquez - Définition

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Bibliographie

Eugène Enriquez :

  • L'inadaptation, phénomène social (1964) - ouvrage collectif -
  • La formation psychosociale dans les organisations (1971) - ouvrage collectif -
  • Évolution, transformation, signification du travail et perspective psychosociologique (1978) - publié dans "Que va devenir le travail ?" -
  • De la horde à l'État (1983)
  • Le sexe du pouvoir (1986) - ouvrage collectif -
  • Les trois métiers impossibles (1987) - ouvrage collectif -
  • Les coopératives de production et de consommation (1989) - publié dans les "Cahiers de la FEN" -
  • l'Inconscient et la Science (1991) - co-auteur-
  • L'Institution et les institutions (1991) - ouvrage collectif -
  • O mal estar nas organizaçoes (1991) - publié au Brésil -
  • Les figures du maître : essai (1991)
  • L'organisation en analyse (1992)
  • L'analyse clinique dans les sciences humaines (1993)
  • Analise social e intervençao (1994) - ouvrage collectif publié au Brésil -
  • Mudança e sobrevivencia (1995) - publié au Brésil -
  • Psychanalyse et sexualité (1996) - ouvrage collectif -
  • Les jeux du pouvoir et du désir dans l'entreprise (1997)
  • Le goût de l'altérité (1999) - co-auteur et colloque universitaire consacré à l'auteur -
  • Domaine privé sphère publique (2001) - co-auteur -
  • La face obscure des démocraties modernes (2002) - co-auteur -
  • Violences - De la réflexion à l'intervention (2004) - co-auteur -
  • Vocabulaire de psychosociologie (2006) - co-directeur et co-auteur d'ouvrage collectif -
  • Inventaire en clinique du travail (2006) - co-auteur -
  • Désir de penser, peur de penser (2006) - directeur d'ouvrage collectif -
  • Les pratiques sociales au regard de l'éthique (2007) - co-auteur publié dans "Nouvelle Revue de Psychosociologie" -
  • Clinique du pouvoir - Les figures du maître (2005/2007).


Michel Crozier / Erhard Friedberg :

  • L'acteur et le système (1977/1986).

Paul Watzlawick :

  • La réalité de la réalité (1976).

Sigmund Freud :

Didier Anzieu :

  • Le groupe et l'inconscient (1975).

Max Weber :

  • Économie et Société (1921).

Jean-Pierre Boutinet :

  • Psychologie des conduites à projet (1993)

La problématique spécifique du changement - L'apport d'Eugène Enriquez

La finalité du changement

La relation de pouvoir comme obstacle et comme finalité du changement

Le problème du changement c’est le pouvoir car lui aussi doit être sujet au changement. Or le pouvoir est l’instance qui résiste le plus de par sa nature :

  1. le pouvoir n’est ni un besoin ni un désir mais une nécessité irréductible en soi à partir duquel il faut raisonner
  2. le pouvoir est réparti de manière informelle en réalité au niveau des zones d’incertitudes plus ou moins cruciales, en réalité tout le monde détient une zone plus ou moins grande de pouvoir

Les rapports de jeux de coopération qui en découlent sont fondamentalement conflictuels, ambigus et manipulateur. L’organisation idéalisée harmonieuse, vertueuse et non conflictuelle est impossible. La difficulté vient que certaines catégorie de personnes accaparent le pouvoir (savoirs cruciaux) résultat normal de jeux dont le but est de réduire la marge de l’autre précisément, les détenteurs de pouvoirs accaparés se rendent difficile d’accès. Les pouvoirs (tout niveau) devront être impérativement la première cible des politiques de changements.

Finalités vécues et finalités choisies

C’est au niveau des relations concrètes de pouvoirs que se joue le changement parce que relations vécues et non pas seulement au sommet ni selon l’organigramme officiel. Un changement par l’organigramme aboutirait à recréer une nouvelle bureaucratie.

La réponse viendra de la (re)distribution des marges d’incertitudes et de reconnaître à chaque détenteur leurs prérogatives réelles en amenant à faire assumer leur responsabilité réelle ni dépossédée ni accaparée.

Il sera alors nécessaire de redéfinir les objectifs de chacun de manières concrètes ainsi qu’un apprentissage et une découverte de modes de relation nouveaux qui vont progressivement effacer les situations de déséquilibres : ceci est le sens profond et l’objectif réel du changement.

Cependant il est impératif que les participants assument totalement ce choix et d’accepter les prérogatives du rôle conféré : il doivent donc être amener en position de choisir et d’en assumer les contraintes nouvelles.

Le cas particulier de l’autogestion : un problème et non une solution

L’autogestion est-elle la solution nécessaire et suffisante à tout problème de changement ? Malheureusement le changement n’est pas un problème de choix de valeur idéologique, l’autogestion reviendrait à redistribuer le pouvoir au plus grand nombre tout en contraignant selon un modèle donné a priori, c’est à la fois contradictoire et illusoire : l’autogestion ne se décrète pas. Elle ne peut se réaliser ni par la contrainte ni par l’adhésion idéologique.

Le projet autogestionnaire est fondamentalement un problème car derrière la générosité du projet il masque en réalité une perspective à la fois vaine et dangereuse : la suppression de tout pouvoir c'est-à-dire l’éviction d’une composante essentielle de la coopération (fin des jeux). Même si l’autogestion est instituée démocratiquement et égalitairement, les manipulations les plus diverses continueront à proliférer pour se cristalliser autour des points clefs du système (direction, orientation, vision etc.).

Ce que révèle le problème de l’autogestion c’est qu’il est impossible d’imposer un modèle effectif d’en haut dans la mesure où une société vertueuse n’existera jamais. Ce sont les individus concrets réels qui porte la responsabilité du changement et non pas un modèle en soi : il s’agit d’amener chacun à découvrir sa marge de liberté dont il dispose vraiment et ainsi la véritable responsabilité qu’il souhaite assumer.

La conduite du changement : la dualité agents de changement et analystes

Rappel historique sur la question du changement et de son idéologie

L’arrivée de Darwin au XIXe siècle a transformé l’étude des Êtres en problématique de l’évolution et la mutation des espèces. Cette idée a fini par atteindre l’étude des rapports sociaux toutefois pour cette dernière approche tout semble s’être arrêté net dans la mesure où certaines conclusions étaient désagréable à entendre. Au XXe siècle l’idéologie de substitution a été : l’évolution c’est le progrès.

Or en réalité, c’est la question du changement au lieu de l’évolution ont il s’est agi en réalité ; le changement c’est la rupture, la désorganisation, la recherche d’un nouvel équilibre et la mutation non finalisée ou perçue comme telle.

Le passage de l’idéologie de l’évolution (« le progrès ») à une réflexion sur le changement n’est pas reçue ni par les groupes sociaux ni par les individus car cette idée débouche sur des questionnements trop anxiogène.

Ces dernières années on assiste à un retour des théories du changement dans le but d’anticiper et maîtriser les changements à venir, celle-ci induit une idéologie de changement perpétuelle et curieusement les individus se sentent prêts aux changements a priori, on remarque que :

  1. le changement est devenu une valeur en soi,
  2. le changement est surtout le changement des autres.

On assiste à la venue de méthodes agissant sur les structures, les techniques le social etc. mais jamais portant sur l’acteur « sujet et objet ». Ceci n’est pas le hasard : même en prônant le changement les individus désirent fondamentalement ne pas changer.

Cette posture s’explique : la résistance au changement est explicable dans la mesure où on impose le changement sans se demander si les individus sont enclins à changer dans le sens proposé et surtout si on ne leur indique pas pourquoi : pour les individus le mode de comportement en cours n’a a priori aucune raison d’être remis en cause.

Typologie du changement

Les deux sous-systèmes concrets réels : organisation et individu

Il n’existe que deux sous-systèmes concrets réels: les individus et les groupes organisés temporaires ou non. Les institutions sont transcrites dans les organisations effectives : l’organisation masque et exprime à la fois ce qui a été réellement institué : le lieu de changement ne peut être que les individus et les organisations pas les institutions directement.

Le changement individuel

En dehors de la psychanalyse qui vise la cure analytique et qui ne s’applique pas ici, il s’agira de faire vivre, se faire représenter des situations « imaginaires » en en levant certains interdits et complexes que la personne a structuré dans son rôle d’acteur surtout vis-à-vis de l’exercice de ses responsabilités bien assumées ou non.

Cependant comme dans la psychanalyse l’individu va se défendre en détournant, en développant une dialectique visant à se déresponsabiliser : ceci est typique de l’inconscient qui nie en permanence historicité, doute, questionnement, souffrance, le temps etc. Or l’analyse est le lieu privilégié du déploiement de l’imaginaire et/ou est entretenu un mélange entre imaginaire et réalité. Toutefois la situation d’analyse permet de lever les conditionnements institués dans le rôle social de la personne. L’analyse n’a pas de puissance absolue le résultat est toujours relatif car résulte d’un rapport de force entre répétition/conservation et force de vie, créativité et savoir : c’est ce dernier qui est l’enjeu réel et doit remplacer la place laissée vide par la répétition/conservation une fois celle-ci révoquée. Il faut donc parvenir à créer un vide.

L’analyste va travailler sur des composants : des manifestations, des désirs, des symptômes et ne seront jamais totalement circonscrits – c’est pourquoi une démarche qui favorise le questionnement et l’interrogation est fondamentale. Il s’agit de profiter des mouvements de liaisons (désirs latents) dont on sait qu’ils peuvent ne pas être stoppés malgré les résistances et les orienter sur des nouveaux objets sociaux et ainsi vaincre la conservation/répétition devenue soudainement terne et obsolète par l’individu.

Le changement organisationnel

Les organisations sont à la fois closes et ouvertes : elle fait tout pour se maintenir sa cohérence et sa permanence par la répétition et l’autorégulation et se défendre contre l’inconnu ; et en même temps elle va changer pour s’adapter par rapport à son environnement extérieure : là subsiste un problème, soit on applique les critères des dirigeants (changement fonctionnel ou fonctionnaliste) soit on prend un posture inverse (changement dysfonctionnel = rupture totale).

Fondamentalement il n’existe que deux types de changement en réalité : le changement fonctionnaliste où l’agent de changement fera sienne les directives des dirigeants et exige les attitudes « fonctionnels » qu’il l’arrange par un changement programmé et normatif et en imposant un modèle de changement, et le changement dysfonctionnel prenant fait et cause pour les dominés allant de la démarche revendicative au renversement révolutionnaire :


A. Le changement fonctionnel : le changement fonctionnaliste où l’agent de changement fera sienne les directives des dirigeants et exige les attitudes « fonctionnelles » qu’il l’arrange par un changement programmé et normatif, en imposant un modèle de changement

B. Le changement dysfonctionnel : le changement dysfonctionnel ou militant qui reprend non pas le point de vue des dominants mais ceux des dominés pour provoquer un changement en créent un maximum de dysfonctionnements – cette position est irréaliste –. Il se présente comme un renversement et provoque des crises dures (une des variantes est la restructuration où là sont prônés les valeurs des conquérants ayant acquis l’entreprise).

On constate toutefois qu’il existe des similitudes entre les deux types de changements : dans les deux cas l’agent de changement est militant et est aveuglé par l’idée que les individus n’ont pas de question à se poser – il prend les individus pour des individus compacts « non divisés » et où l’inconscient est secondaire voire n’existe pas – la communication seule suffirait : c’est une erreur. Il faut impérativement adjoindre à l’agent de changement un tiers analyste devant faire le travail « opposé » c'est-à-dire qu’il va être attentifs aux discours naissants et conduites naissantes apparus sous l’impulsion de l’agent de changement (interrogations, conflits, contradictions mais aussi désirs d’investissements etc.).

Aussi l’analyste va réinvestir la problématique des jeux, stratégies et nouvelles zones de pouvoir en fonction des nouveaux discours et assister, accompagner, élucider, prolonger les changements spontanés apparaissant dans les groupes et individus dans l’apprentissage des nouvelles formes de responsabilité à choisir et à assumer. Il sera le complément indispensable au discours d’induction de l’agent de changement.

Enfin, plus tôt sera mis en place le dispositif d’encadrement de changement (agent et analyste), plus tôt sera effectif le changement; en effet, un changement durable est assez long et ne peut être artificiellement accéléré sous peine d’échec.

Le rôle du psychosociologue

Champ d’observation du psychosociologue

Il ne s’agit pas de l’étude d’une réalité sociale ni d’une psychothérapie : les gens ne sont pas malades ; il s’agit seulement d’interpréter les phénomènes apparents « à la lettre » :

  1. accepter et recueillir ce que les acteurs expriment comme vécu tels qu’ils les formulent,
  2. rétablir la chaîne de signifiants par la l’identification de l’influence des sept instances (quand c’est possible) s’exprimant par des contradictions et des hésitations etc. et de reconstituer le sens.

Il s’agit donc de recueillir « au pied de la lettre » les discours de ressentis et de vécus et ne doit pas ni censurer ni tenter d’influencer les acteurs interviewés, le vécu des acteurs : il s’agit de faire confiance à l’expression consciente des désirs et des volontés. Il faut poser le postulat que les acteurs se livrent à des stratégies, luttes etc. et le savent consciemment ou non. En s’exprimant il manifeste leur attachement à certaines significations sociales et/ou psychologiques centrales (signifiantes) pour chacun d’entre eux.

La chaîne signifiante exprime la contradiction/congruence c'est-à-dire le décalage entre le discours et le faire effectif expression de l’imaginaire collectif de l’organisation qu’il faut cerner avant d’agir et de préconiser une action de changements ou de poser un quelconque diagnostic concernant les conduites pathologiques. Le psychosociologue doit dégager le contexte imaginaire effectif réel à l’œuvre dans l’organisation.

Le problème des conduites pathologiques des projets et des groupes

La structure particulière du projet

La polarisation spécifique à la structure de projet :

La description restent ici dans la partie sociologie de projet et sociologie de groupe, le projet exprime inconsciemment un volontarisme de tout vouloir maîtriser cela implique :

  1. une philosophie (référentiel) de la volonté et de l’action,
  2. une philosophie de la connaissance

Le projet va dans l’inconscient osciller entre 4 pôles :

  1. Pôle créatif (pulsion de vie)
  2. Pôle normatif (normes – pulsion de mort)
  3. Pôle existentiel (répétitivité – pulsion de mort)
  4. Pôle pragmatique (anticipation – pulsion de vie)

Le projet fixe donc un cadre imaginaire qui lui est spécifique auxquels les acteurs vont se référer le projet est un sous-ensemble particulier de l’inconscient de l’organisation. Aussi les conduites pathologiques seront propres au projet, on notera les plus fréquentes :


A. Le projet divisé ou le déni de projet.

D’un point de vue de son organisation un projet sépare rôle de conception et rôle de réalisation Dans une représentation pathologique le projet devient incantatoire pour mieux masquer une division sourde et masquée d’une division du travail (dominant = conception et dominé = réalisation). C’est une illusion de projet pour justifier une exploitation plus ou moins directe.


B. Le technicisme et le « technologisme ».

Le technicisme des procédures et l’apologie de la technologie traduisent des conduites perverses manipulatrice de type « maîtrise totale » ou « excellence par la performance ». Cette apologie cache en fait un désordre des dominants qui tend à se retrancher derrière une structure formelle (sûreté de fonctionnement pour la sûreté de fonctionnement) mais vise en fait à limiter les stratégies et jeux normaux (informels des acteurs) pour mieux les soumettre – il ne s’agit donc pas du projet dont le but est ici détourné.


C. Le totalitarisme de la fonction planificatrice.

Il s’agit d’une idéalisation négatrice de la réalité : il introduit une fausse continuité temporelle c’est-à-dire une redéfinition illusoire du temps pour mieux masquer un trop grand morcellement du projet Il nie les imprévus de la réalité pour mieux imposer un discours idéologique. En réalité cette conception des projets conduit à l’échec par improvisation au dernier moment et conduit à l’effondrement du projet.


D. Le culte de l’auto satisfaction.

Cela vise le narcissisme des individus qui prennent leur travail (c'est-à-dire eux-mêmes) pour leur propre idéal. Cela conduit à une sorte d’enfermement sur le projet entre narcissisme et idéalisation C’est un fétichisme qui conduit à des aberrations comme des sur dépenses, voyages d’agrément, standing, rien n’est trop beau etc.…) C’est une conception infantile des projets qui doit être rectifiée sous peine de voir le projet ne jamais finir et de coûter très cher pour un résultat moyen.


E. Le leurre.

Il s’agit de laisser entrevoir des perspectives audacieuses mais dont les réalisations seront en réalité médiocres ou inconséquentes (l’architecture peut fournir un bon exemple). Le « texte » produit est abscons et « jargonne » dans une langue de bois. Il faut se réinterroger sur le fondement réel d’un tel projet.


F. L’activisme hypo maniaque.

Il s’agit d’une conduite concernant les individus ou groupe qui abandonnent un projet à peine ébaucher pour en prendre un autre ; créant une « obsolescence » de sa personne et/ou groupe. L’activiste vit dans la superficialité et l’éphémère et traduit des problèmes de représentations du lien social, l’individu ou groupe se prend pour une sorte de héros/dissident qui ne veut rendre de compte à personne ; elle est particulièrement fréquente dans les projets technologiques.

Le cas particulier des groupes

La spécificité du groupe se caractérise comme lieu de réalisation des individus, lieu des projections donc lieu privilégié de la manifestation de l'inconscient ; on notera les formes pathologiques qu'il faudra traiter promptement si elles émergent :


A. Le phantasme du groupe « machine » séducteur et persécuteur (Didier Anzieu).

Les participants ont le sentiment d’être emporté dans un processus inexorable et usant psychologiquement (burn-out dont le symptôme est l’absence d’idées nouvelles et un début d’apathie) Les chefs sont perçus comme des démiurges et on est très proche de l’instance mythique (héroïsme et surtout sacrifice) : le prix pour le renoncement est toujours hors d’atteinte ou sans cesse reculé. Ils ont le sentiment d’être la proie d’une force qui les dépasses et les « dévorent » - c’est extrêmement anxiogène et même potentiellement dangereux pour les individus (dépression nerveuse voire suicide) - c’est une pathologie de groupe très grave : il faut intervenir au plus vite. Le groupe va vite de toute façon s’effondrer.


B. La communication pathogène ou l’injonction paradoxale et/ou la désillusion - le double lien (Paul Watzlawick).

Il s’agit de délivrer un message qui a un double sens : le projet confondu avec le destin du groupe (et réciproquement) devient une obligation pour tous les acteurs c'est-à-dire qu’ils sont mis en demeure soit d’en avoir un soit d’y participer « pour leur bien ». En réalité le message masqué est inverse il vise à asservir et contrôler davantage tout en prônant l’idée inverse (épanouissement, prise de responsabilité, reconnaissance etc.). Il masque en réalité l’irresponsabilité de l’organisation qui ne sait pas créer les conditions de fonctionnement efficace d’un projet et déporte sa responsabilité sur les acteurs du projet qui s’en pendront qu’à eux-mêmes. C’est une figure de la pulsion de mort.


C Le groupe massifié – polarisation sur le désir de reconnaissance (Eugène Enriquez).

A un extrême de l’instance groupale : désir de reconnaissance seule domine : le groupe sera massifié c'est-à-dire c’est la notion de groupe qui surplombe totalement l’individu, les symptômes d’une intolérance à cette situation va se traduire par des conduites pathologiques comme les conduites émotionnelles et perturbées, délations, violence, méfiance, la paranoïa va s’y installer avec émergence de discours passionnels. Si cette position s’installe trop (si les aspirations des individus y sont trop déniées et forcloses - forclusion de système symbolique - alors c’est l’explosion assurée).


D. Le groupe différencié – polarisation sur la reconnaissance du désir (Eugène Enriquez).

A un extrême de l’instance groupale : reconnaissance du désir seule : le groupe est différencié c'est-à-dire surplombé par les individus (à la limite le groupe n’existe pas ou est un prétexte) alors c’est la lutte de tous contre tous qui s’instaure dans le but d’en prendre le contrôle voir de d’en fonder un ; en un mot de venir le chef, on voit ressurgir le héros et l’instance mythique avec l’exacerbation des conduites perverses et manipulatrices de l’instance organisationnelle. Si cette situation perdure trop le groupe implose par conflit généralisé entre ses membres.

Les deux leviers fondamentaux du changement : idéalisation et sublimation

A. L’idéalisation.

L’idéalisation est un mécanisme imaginaire qui consiste en :

  1. identification à une instance supérieure comme une religion ou une société
  2. aujourd'hui les "nouveaux sacrés" : l'Argent, l'État, l'Entreprise...
  3. ces institutions essaient de se montrer comme sacrées et totalement indiscutables, sorte de puissances absolues au-dessus de tous et créatrices d'un lien prétendument incontestable.
  4. idéalisation sociale, réinterprétation des faits (ne parlons même pas des faits cachés).
  5. besoin d'un amour envers le chef, un héros.
  6. idéalisation qui cache quelque chose, défense contre un ennemi potentiel.


La perte de l'idéalisation ou idéalisation floue peut devenir dangereuse pour la société, en effet, l’idéalisation à un rôle protecteur en fournissant des repères par rapport au deuil et à la souffrance ; un individu sans idéal serait capable de tout, autant du "bien" que du "mal", ne connaissant pas les limites de la société qu'il habite. L’idéalisation fournit un cadre social à l’individu.


B. La sublimation.

La sublimation est un phénomène imaginaire qu’on oppose à idéalisation : l’opposition idéalisation / sublimation existe mais les deux phénomènes peuvent être aussi complémentaires à l’instar des pulsions de mort et de vie qu’elles sous-tendent. La sublimation correspond au désir du développement de soi, en effet la sublimation est aussi la condition de l’existence sociale : si on en était resté aux pulsions jamais de société n'aurait pu exister.

Sublimer est un processus normal de la société, rien que de parler est un acte de sublimation : c’est l’abstraction des choses pratiques en mots etc. La sublimation donne la possibilité de discuter, de tisser des liens et constitue le levier de la socialisation effective, en conséquence la sublimation n'est pas forcément toujours un contraire de l’idéalisation.

La sublimation donne le droit à l'inconscient de s'exprimer pour le bien de la société c’est-à-dire à l’individu d’utiliser ses pulsions pour atteindre un but socialement valorisé par la culture et donner satisfaction à son narcissisme en même temps.

A priori il y a assez de métiers pour que chacun d'entre nous puisse assouvir ses "pulsions", toutefois les gens sont souvent contraints à faire un travail qui ne leur convient pas. Cet écart amène un certain nombre d'individu (peut-être une majorité) a ne pas pouvoir se sublimer. Aussi, la sublimation doit s'aider de l'idéalisation pour obtenir et maintenir un équilibre acceptable : dans ce cas les deux concepts de ne rejettent pas mais au contraire ont tendance à se compléter.

La sublimation est une intellectualisation : appropriation des concepts, la dérive pathologique consiste phantasme du contrôle absolue, besoin destructif, dérive de tout mettre dans des boîtes de tout classer de penser tout savoir. Dans le cas de la création, expression de la sublimation, mais en même temps charge émotionnelle, aussi elle devient douloureuse et difficile à supporter en permanence. Une forme de sublimation serait justement le partage de cette envie d'investigation que constitue la création.

Sublimation et idéalisation sont unies, ne peuvent exister l'une sans l'autre. Il n'existe pas de société purement individuelle comme purement collective. Les repères des deux côtés sont indispensables, les hommes ont besoin de faire partie d'un groupe autant qu'ils ont besoin d'exister individuellement comme être unique. La question devient vers quoi et vers quelle culture faut-il tourner l’individu et les groupes.

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