La fusion froide est une fusion nucléaire réalisée dans des conditions de température et de pression ambiantes, utilisant des techniques dérivées d'une expérience réalisée par Martin Fleischmann et Stanley Pons en mars 1989.
En 2010, la faisabilité de la fusion froide est fortement mise en doute par la plupart des scientifiques ; en effet, les seuls processus physiques permettant d'aboutir de façon avérée à des réactions de fusion nucléaire utilisables pour la production d'énergie nécessitent des pressions et des températures extrêmement élevées.
Fusion froide est un terme populaire pour désigner le domaine de recherche sur les « réactions nucléaires à basse énergie ». Il est devenu commun suite à la controverse entourant l'expérience de Fleischmann et Pons en mars 1989. Plusieurs équipes de recherche ont alors tenté de reproduire leurs résultats, sans y parvenir. Un comité organisé par le Département de l'Énergie des États-Unis a alors conclu qu'il n'y avait pas de preuves convaincantes qu'une source d'énergie utile pourrait résulter de ces recherches. Cinq ans plus tard, la plupart des gouvernements et des chercheurs considéraient que le phénomène n'était qu'une illusion.
Depuis, plusieurs chercheurs ont continué les recherches et participé aux conférences internationales sur la fusion froide. Ils ont publié leur travaux dans des revues scientifiques réputées, en annonçant la génération d'énergie anormale ou d'autres effets nucléaires. La sophistication des calorimètres a fait de grands progrès, conclut en 2004 un second comité du Département de l'Énergie des États-Unis, et les preuves de génération d'énergie anormale sont plus convaincantes qu'en 1989. Cependant, selon son rapport, de nombreuses expériences sont mal documentées, l'amplitude du phénomène n'a pas augmenté, il est difficile à reproduire, et une origine nucléaire est généralement exclue. Le comité s'est donc opposé au financement d'un programme de recherche majeur, et a identifié différents domaines de recherche susceptibles de résoudre la controverse scientifique.
Dans la nature, Louis-Nicolas Vauquelin a décrit en 1799 le phénomène de transmutation biologique, par lequel les poules transformeraient la silice en calcium lorsqu'elles vivent sur un terrain non calcaire afin de produire une coquille d'œuf dure. A partir de 1959, Corentin Louis Kervran, physicien, émet l'hypothèse que cette transformation de silice en calcium serait une manifestation du phénomène de fusion froide et publie 2 revues avec des phénomènes similaires.
Au début des années 1950, un docteur en physique autrichien appelé Ronald Richter avait persuadé le général Peron, président argentin, que l'énergie de fusion était maîtrisable à l'échelle de laboratoire. Il se basait sur le fait que sur une population d'atomes, il y avait statistiquement une fraction (très petite) d'atomes possédant une énergie suffisante pour obtenir la fusion.
Peron lui alloua un budget qui a permis à Richter de s'équiper avec le matériel le plus avancé de l'époque, et il lui a confié la construction de ses installations sur une île dans un lac des Andes Patagoniens, près de la ville de Bariloche, une colonie suisse fondée en 1904. Le projet a été appelé Projet Huemul, selon le nom de l'île.
Suite à une erreur d'interprétation dans une expérience de Richter, ce dernier annonça l'obtention de la fusion nucléaire. Malgré cette annonce, qui a suscité beaucoup de controverses, une commission d'enquête à la charge de physiciens argentins est arrivée à la conclusion que Richter n'avait pas obtenu de fusion, et Richter a dû quitter le pays. Le projet a été fermé en 1952.
En 1955, Peron a été remplacé suite à un putsch militaire. Le nouveau gouvernement a donné ce qui restait de l'équipement du laboratoire de Richter à un jeune physicien argentin formé en Angleterre et membre de la commission d'enquête, José Antonio Balseiro. Avec cet équipement, et une poignée de professeurs, il a créé en 1955 l'Institut de Physique qui porte aujourd'hui son nom.
Un livre du Dr. Mario Mariscotti narre comme dans un roman les faits dans son livre El secreto atómico de Huemul.
Le 23 mars 1989, la « Une » du Financial Times déclencha une onde de choc : deux électrochimistes, Stanley Pons et Martin Fleischmann de l'université d'Utah, y déclaraient avoir réussi à obtenir une réaction de fusion nucléaire lors d'une relativement banale expérience d'électrolyse effectuée avec une simple paire d'électrodes (dont une de palladium) reliées à une batterie et immergées dans de l'eau lourde…
Lors de cette expérience, ils auraient mesuré un important dégagement de chaleur excédentaire qu'ils interprétaient comme la résultante d'un phénomène de fusion nucléaire contrôlée. Ce type de réaction nucléaire, au cours de laquelle des noyaux atomiques fusionnent en générant une très grande quantité d'énergie, est en quelque sorte le Graal des physiciens qui s'efforcent depuis plus de cinquante ans de contrôler les mécanismes à l'origine du fonctionnement des étoiles, mais également des bombes thermonucléaires. La maîtrise de cette source d'énergie quasi-illimitée libérerait l'humanité des contraintes liées à l'exploitation de ressources énergétiques non renouvelables ou générant des déchets dangereux, comme c'est le cas actuellement pour le nucléaire « classique » reposant sur le principe de la fission des noyaux atomiques.
L'annonce du Financial Times arrivait dans un contexte bien particulier : trois ans auparavant, Tchernobyl avait rappelé à l'ensemble de la planète que l'énergie nucléaire de fission pouvait présenter des dangers considérables et les programmes électro-nucléaires engagés au lendemain du premier choc pétrolier de 1973 commençaient à être de plus en plus critiqués par l'opinion publique des principaux pays industrialisés.
Les travaux sur la fusion thermonucléaire contrôlée marquaient toujours le pas depuis 50 ans malgré les milliards de dollars investis et, après les chocs pétroliers des années 1970, les consommations énergétiques avaient repris leur progression. Enfin, même si on assistait à l'implosion du Bloc de l'Est, le contexte géopolitique restait incertain avec la montée des fondamentalismes religieux et du nationalisme dans les principaux pays producteurs de pétrole.
Dans ce contexte, la perspective ouverte par Pons et Fleischmann de produire des quantités d'énergie quasi-illimitées à partir de l'eau, semblait merveilleuse.
D'emblée, le débat dépassa donc le cadre feutré des publications scientifiques : l'information fut immédiatement reprise de par le monde par la plupart des quotidiens et chaînes de télévision et présentée comme ce qui pouvait être, à juste titre, une découverte scientifique majeure, mais également la promesse d'un nouvel âge pour l'Humanité.
Cependant, dès la publication de la découverte de cette « fusion froide », de nombreux scientifiques contestèrent, sinon la réalité du dégagement de chaleur décrit par les deux électrochimistes, du moins leurs conclusions concernant une fusion thermonucléaire. Ils rappelèrent qu'il n'est théoriquement pas possible de vaincre par des moyens « électro-chimiques » tels que l'électrolyse décrite par Pons et Fleischmann, les forces électriques qui font que deux noyaux atomiques se repoussent.
Selon les théories scientifiques admises depuis plusieurs décennies, deux noyaux atomiques ne peuvent en effet fusionner qu'au prix d'une dépense d'énergie très importante, permettant de franchir cette répulsion, la Barrière coulombienne. Actuellement on n'a imaginé que la fusion "à chaud" pour procurer cette énergie capable de rapprocher les noyaux.
Cependant, alors que la fusion froide semblait n'être qu'un pétard mouillé médiatique, on assista trois jours après la publication du Financial Times à un coup de théâtre : Steven Jones de la Brigham Young University n'observa pas de chaleur mais observa l'émission de neutrons qui pourrait indiquer une réaction nucléaire, confirmant indirectement la validité des travaux de Pons et Fleishmann.
Très rapidement, de nombreux scientifiques, dont quelques Prix Nobel de physique, déclarèrent confirmer également des dégagements inexplicables alors qu'ils tentaient de reproduire l'expérience des deux électrochimistes.
L'Energy Research Advisory Board du département américain pour l'énergie réunit ainsi une commission scientifique afin d'enquêter sur la fusion froide. Celle-ci ne put reproduire la fusion froide en question.
Le débat s'intensifia entre les tenants d'un phénomène encore inexpliqué mais devant faire l'objet de travaux approfondis, et les opposants pour lesquels, dans le meilleur des cas, le dégagement de chaleur était imputable à un mauvais protocole opératoire, et dans la pire hypothèse, à une vaste fumisterie orchestrée par des scientifiques de seconde zone à la recherche de notoriété et de budget.
Pour les gardiens de l'orthodoxie scientifique, la « fusion froide » devait être classée sans autre forme de procès dans la catégorie des « sciences pathologiques », au même titre que la mémoire de l'eau, l'homéopathie ou les mouvements perpétuels.
Sans se positionner sur le terrain de la validation expérimentale des affirmation de Pons et Fleischmann, les détracteurs leur reprochaient en effet d'avoir annoncé leur découverte par le biais de la presse grand public et non pas en premier lieu dans une revue scientifique avec évaluation par les pairs, procédure habituelle en matière de communication scientifique d'importance.
Il est en effet d'usage d'annoncer les résultats de travaux scientifiques dans des revues qui soumettent l'article en premier lieu à un ou plusieurs experts scientifiques chargés de vérifier que la description de l'expérience, l'analyse des résultats et les conclusions qui en découlent répondent aux critères de la démarche scientifique.
Les revues scientifiques d'audience internationale, telles que Nature, suivent cet usage, et les scientifiques qui espèrent obtenir pour leurs travaux une reconnaissance internationale se soumettent à cette règle si importante pour l'obtention de crédits et la suite de leur carrière professionnelle (c'est le fameux “publish or perish” qui conditionne aujourd'hui, avec la quête des fonds de fonctionnement, une grande partie de la vie quotidienne des chercheurs).
En insistant sur le fait que Pons et Fleischmann avaient pour ainsi dire « mis la charrue avant les bœufs » en donnant la primeur de leur découverte à la presse grand public, il fut possible à certains détracteurs d'insinuer que les auteurs de la découverte n'avaient pas souhaité se confronter au jugement de scientifiques reconnus et risquer de voir leur prétentions ridiculisées… Cet argument aurait eu quelque consistance si Pons et Fleischmann n'avaient effectivement pas soumis d'article à une revue scientifique à évaluation par les pairs. Non seulement ils avaient soumis à Nature un article relatant leur découverte mais le comité de lecture de la prestigieuse publication n'avait pas émis d'objection sur le caractère scientifique de la communication.
Dix ans après les faits, la « précipitation médiatique » dont ont fait preuve les deux scientifiques est encore citée comme argument définitif démontrant leur « manque de sérieux évident ». Il est néanmoins vrai que l'expérience décrite par Pons et Fleischmann souffrait d'un certain nombre de défauts susceptibles de remettre en question la validité de leurs conclusions. En particulier, ils ne précisaient pas s'ils avaient observé la formation de neutrons et d'hélium, normalement présents lors d'une réaction de fusion thermonucléaire (on les qualifie de « cendres » de la réaction de fusion), et les conditions mêmes de mesure des températures lors de l'expérience pouvaient engendrer un certain nombre d'erreurs.
Des équipes américaines, italiennes et japonaises continuent à travailler depuis plus de dix ans sur le sujet et elles estiment avoir obtenu des résultats confirmant qu'un tel phénomène existe (on ne le nomme toutefois plus « fusion froide », mais plus modestement : réactions nucléaires à basse température ou réactions nucléaires chimiquement assistées). Ces équipes revendiquent la réalité du dégagement de chaleur (supérieur de 25 % à 70 % à l'énergie fournie). Certaines affirment avoir mis en évidence la production d'hélium. Toutes soulignent le caractère transitoire et rare du phénomène. Certains physiciens, comme Peter Hagelstein du MIT (Cambridge, USA) en ont même proposé une théorie.
Sur une période de dix-neuf ans (1989-2008), pas moins de treize conférences internationales se sont réunies sur le sujet, sans compter une multitude de réunions moins solennelles tenues ici ou là soit sur la fusion froide proprement dite, soit sur le thème plus général des nouvelles énergies. Etant donné leur faible écho local, la presse scientifique les ignora. La première (ICCF1) se tint à Salt Lake City en mars 1990 et fut suivie de onze autres (de ICCF2 à ICCF13) successivement à Côme (Italie) en juin-juillet 1991, à Nagoya (Japon) en octobre 1992, à Hawaii (USA) en décembre 1993, à Monte-Carlo (Monaco) en avril 1995, à Sapporo (Japon) en octobre 1996, à Vancouver (Canada) en avril 1998, à Lerici (Italie) en mai 2000, à Pékin (Chine) en mai 2002, à Cambridge (USA) en août 2003, à Marseille (France) en novembre 2004, à Yokohama (Japon) fin novembre 2005 et à Moscou (Russie) en juin 2007.
En 2009, Pamela Mosier-Boss, chercheuse à la marine américaine, place des électrodes soit en nickel soit en or dans un électrolyte obtenu par co-déposition de chlorure de palladium et de deutérium. En quelques secondes, l'électrolyse produit des neutrons détectés par leurs traces dans du plastique CR-39.
En France, pays engagé dans une politique énergétique reposant très largement sur l'électronucléaire, le débat fut très vite clos : Jean Teillac, alors Haut-commissaire à l'énergie atomique (CEA), refusa d'engager des recherches sur la question.
On engagea cependant un rapide programme d'expériences à la centrale du Bugey, autant pour démontrer qu'en France il n'y avait pas d'interdit sur la fusion froide au CEA, que pour tenter de démontrer l'inanité de recherches en ce domaine. Peu de temps après, Michel Martinot, son directeur de cabinet, expliqua dans les colonnes du Figaro du 9 juin 1993 que rien ne s'opposait à ce que les chercheurs du CEA travaillent sur la question de la fusion froide, pourvu qu'ils le fissent chez eux, le week-end, et sur leurs propres ressources financières.
Fort de cet « encouragement » de leur hiérarchie, quelques scientifiques français, tel Jean-Paul Bibérian à Marseille, s'engagèrent de façon très discrète sur cette voie. D'autres purent bénéficier d'un financement de la part de certaines compagnies pétrolières attentives aux développements d'une possible découverte majeure pour l'humanité.
Si le CEA se désintéressait officiellement de la question et si d'éminents esprits n'hésitaient pas à déclarer que la fusion froide relevait de la « science pathologique » au même titre que la mémoire de l'eau, la France n'était donc pas totalement en dehors de la course à la fusion froide.
Ainsi, Jacques Dufour, du Laboratoire des Sciences Nucléaires du Conservatoire national des arts et métiers de Paris, aurait réussi à faire financer ses recherches sur le sujet par Shell.
Les « pères fondateurs » Pons et Fleischmann se sont vu offrir par Toyota la possibilité de poursuivre en France leurs travaux dans un laboratoire abrité au sein de l'Institut Minoru de Recherches Avancées (IMRA) de Sophia Antipolis et ce jusqu'à la retraite de Pons qu'il prit en France en 1999 (Fleischmann l'avait prise deux ans auparavant en Angleterre). Les enjeux industriels étant considérables, très peu d'informations ont filtré de ce laboratoire. Cependant, en 1993, à ICCF4 à Maui, les deux chercheurs annonçaient pouvoir produire vers la fin de l’année jusqu'à 200 kW ...
Malgré le scepticisme officiel de la communauté scientifique internationale, Science et Vie révèle en 2004 des expériences peu connues qui tentent d'obtenir de véritables réactions nucléaires à température ambiantes. Antonella De Ninno travaillant à l'ENEA affirme que son équipe a montré, dans une expérience qui s'est terminée fin 2002, qu'à partir d'une certaine concentration de deutérium dans le palladium, on observe un excès de chaleur et une production d'hélium 20 fois supérieure au "bruit de fond" lié aux contaminations extérieures. Selon Giuliano Preparata et Martin Fleischmann, il convient d'utiliser la théorie quantique des champs qui conçoit les interactions elles-mêmes en termes de particules.
Le magazine New Scientist a annoncé dans son édition en ligne le 27 avril 2005 qu'une réaction de fusion tiède aurait été obtenue par Seth Putterman, Brian Naranjo et James Gimzewski à l'Université de Californie. En utilisant des cristaux de tantalate de lithium et l'effet pyroélectrique (il faut réchauffer de -33°C à +7°C en quelques minutes ces cristaux plongés dans un bain de gaz de deutérium, afin de produire un champ électrique local), ils auraient réussi à produire un flux, faible mais mesurable, de neutrons.
Les auteurs soulignent à grands traits qu'ils n'ont pas mis au point une nouvelle source d'énergie: leur expérience produit quelques centaines de neutrons par seconde, alors qu'un réacteur nucléaire commercial aurait besoin d'en produire des dizaines de millions par seconde.
Le 22 mai 2008, Yoshiaki Arata, un physicien nucléaire Japonais, a fait publiquement une expérience de ce qu'il appelle la "fusion de la matière condensée" avec une méthode dérivée de Pons et Fleischmann.