Bien des inconnues persistent concernant le rôle (positif ou négatif) des animaux proches de l'homme en matière d'épidémie
Si les premiers avis d'experts se veulent rassurants en annonçant un risque nul à très faible, ceux-ci ne cachent pas qu'ils manquent de données virologiques et éco-épidémiologiques pour fonder une évaluation plus complète du risques.
Les données récentes et les auteurs des dernières études invitent :
1) à inclure le virus H5N1 dans le diagnosticdifférentiel d’une gamme plus large de manifestations cliniques que ce qui est fait aujourd’hui.
2) à élargir l’approche diagnostique (diagnostic différentiel) et peut-être les stratégies de soins à une plus large gamme de manifestations cliniques, en raison de la nature systémique (attaque de nombreux organes) de la grippe aviaire.
3) à repenser l’écologie du virus et en particulier les voies possibles de contagion chez les mammifères dont l’Homme.
- Le crachat, la toux, l’éternuement restent des sources de diffusion de la maladie à gérer en cas de pandémie, mais l’urine et les excréments, y compris des chats pourraient aussi jouer un rôle important en cas de pandémie humaine, en augmentant considérablement les itinéraires possibles de la transmission entre mammifères et entre oiseaux et mammifères.
-On sait aussi que rats et souris sont sensibles au H5N1 Or ces espèces comme les oiseaux peuvent être un chaînon de contagion entre le milieu naturel et l'Homme, ou entre des hommes, éventuellement via le chat.
- Il faut affiner notre compréhension des mécanismes de diffusion et contagion, y compris en considérant une possible transmission fécale-orale chez l'homme (⇒ voir aussi boues d’épuration, système égout-rats, excréments-mouches, gestion des couches-bébé, de certains déchets hospitaliers, etc. / Rappel : Une étude indonésienne a montré que des mouches pouvaient transporter le virus
- Une meilleure compréhension des itinéraires de contagion permettrait de diminuer les impacts d’épidémies ou pandémies, notamment dans les pays ou régions pauvres.
- Le compostage ou la méthanisation de certains excréments, lisiers et déchets agroalimentaire serait peut-être à recommander plutôt que leur utilisation directe comme engrais forestiers, agricoles ou piscicoles, mais avec quelques éventuelles précautions concernant les oiseaux, insectes, souris et rats qui ne devraient pas y avoir accès.
Source principale pour les données récentes
Article de Rimmelzwaan et al. "Influenza A virus (H5N1) infection in cats causes systemic disease with potential novel routes of virus spread within and between hosts", paru dans le nº de janvier The American Journal of Pathology.
Dans la plupart des pays européens, notamment en Suisse et en Belgique, l’avis des experts est le même que celui de l’Union Européenne, le risque est nul ou minime que le chat soit facilement victime du H5N1 et encore plus faible qu’il le transmette à l’Homme.
En France, l'AFSSA a validé le 2 mars 2006 un avis relatif au risque sanitaire représenté par les chats, en tant que vecteurs du virus Influenza aviaire H5N1 HP (hautement pathogène) asiatique pour d’autres espèces animales et pour l’Homme après contact avec le chat
Le chat peut-il être infecté par le H5N1 HP ?
Le chat peut être infecté par le H5N1 hautement pathogène, tant en condition expérimentale que dans la nature.
L’avis de l’AFSSA (du 3 mars 2006) cite le cas allemand de l’île de Rügen et s’appuie notamment sur deux publications (Rimmelzwaan et al., Kuiken et al.) décrivant l’infection expérimentale récente de six chats par une souche H5N1 HP d’origine asiatique dans des conditions jugées par l’AFSSA « très favorables à l’expression de l’infection et à la mise en évidence de sa traduction anatomo-pathologique ». Les chercheurs néerlandais avaient dans cette expérience infecté 2 groupes de 3 chats,
par voie orale pour le premier groupe (consommation de poussins d’un jour contaminés contenant des titres infectieux jugés par l’AFSSA très élevés : 109 TCID50/g de tissus)
par voie intra-trachéale (avec une dose « plus modérée » : 2,5 x104 TCID50) pour les 3 autres chats.
Résultats : Tous les chat ont été infectés. Ils sont donc - dans ces conditions - sensibles au virus.
Dans ce contexte expérimental, le tractus respiratoire des chats infectés présentait une charge virale importante. Les chats inoculés par voie intra-trachéale ont excrété le virus en quantité suffisante pour transmettre l’infection à deux chats « contacts » (= transmission secondaire horizontale). La charge virale mesurée sur les écouvillons ayant servi aux prélèvements trachéaux réalisés sur les chats « contacts » était toutefois inférieure à celle des chats préalablement infectés relève l’AFSSA.
L’AFSSA (le 3 mars 2006) estime que cette expérience n’a pas produit assez de données pour évaluer la capacité des chats « contacts » à pouvoir eux-mêmes infecter d’autres chats et conduire à une transmission inter-individuelle pérenne. De la même façon ajoute l’AFSSA, la durée très brève (7 jours) de l’expérience ne permet pas d’apprécier l’évolution spontanée de l’infection (vers la mort ou la guérison) (Ndr : des chats ont-ils survécu ? ont-ils tous été euthanasiés et autopsiés ?).
L’AFSSA note que les conditions de l’étude ne sont pas celles du milieu naturel : les chats de laboratoire étaient tous « exempts d’organismes pathogènes spécifiques » (EOPS, en anglais : SPF) et ont subi plusieurs anesthésies générales au cours de l’étude.
L’AFSSA (le 3 mars 2006) estime que dans les pays touchés par l’épizootie à H5N1 HP, là ou le virus circule dans l’avifaune domestique, il n’y a pas d’éléments épidémiologique montrant une grande sensibilité du chat à la maladie. On n’a pas mis non plus « en évidence une circulation du virus H5N1 HP dans l’espèce féline ». (Ndr : Mais a-t-on vraiment cherché ?).
Selon l’AFSSA (le 3 mars 2006), le cas du chat infecté par le H5N1 en Allemagne en février 2006 montre que le chat peut être infecté naturellement par le virus Influenza aviaire H5N1 hautement pathogène, mais ne prouve pas un quelconque rôle de cette espèce dans le développement et le maintien de l’épizootie actuelle, ou alors il serait « probablement extrêmement limité ».
Quel risque sanitaire les chats peuvent-ils présenter en termes de santé animale ?
Le chat peut-il être vecteur passif ou actif (c’est-à-dire infecté par le virus H5N1 HP et capable de l’excréter dans les conditions naturelles) ?
L’AFSSA (le 3 mars 2006) a envisagé deux risques/probabilités
de la probabilité qu’a le chat de se trouver en contact avec le virus (contamination),
de sa réceptivité (capacité à multiplier le virus).
La réceptivité du chat dans les conditions naturelles est maintenant avérée (cf. cas thaïlandais ou allemand), mais le degré de cette réceptivité reste difficile à évaluer en l’absence :
de données scientifiques additionnelles confirmant les conclusions de Kuiken et al.,
de données de terrain suffisantes.
Probabilité de contamination des chats sur le terrain
1) En présence de foyer(s) chez les volailles domestiques ;
Les restriction de mouvements des chats (cf. directive 2005 /94/ EEC) en zones de protection et de surveillance, et des mesures de police sanitaire au niveau du foyer, devraient limiter le risque de contact chat-volaille infecté.
2) En présence de foyer(s) dans l’avifaune sauvage ;
les restrictions d’accès des personnes aux zones où des oiseaux sauvages contaminés ont été trouvés morts, ont une efficacité limitée chez le chat.
En conclusion, le risque d’infection du chat est d’autant plus important que la possibilité de contact direct chat-oiseau infecté (en particulier malade ou mort) est élevée.
Le risque est donc nul, selon l’AFSSA (le 3 mars 2006), dans les zones exemptes d’oiseaux infectés par le virus.
Probabilité de transmission du chat (de manière active ou passive) à d’autres espèces
La possibilité d’une transmission du chat aux volailles n’est pas démontrée. Elle dépend selon l’AFSSA (le 3 mars 2006) de la possibilité de contacts des chats avec les volailles (quasi-inexistante pour les élevages industriels) et de leur fréquence. En l’état actuel des connaissances et compte-tenu de l’importance avérée des autres sources de transmission de l’infection, elle peut être estimée, pour les volailles, comme nulle à négligeable. Pour les autres espèces animales, l’AFSSA ne se prononce pas sur le risque, étant donné le manque de connaissances virologiques et épidémiologiques.
Risque de transmission du chat à l’Homme ?
L’homme est très peu réceptif aux variants connus du H5N1, même lorsqu’exposé à des volailles contaminées. Il semble qu’il faille un contact rapproché avec la volaille malade. Aucune contamination liée à une exposition à des carnivores domestiques ou sauvages n’a été rapportée mais elle est théoriquement possible, sans qu’on puisse en l’état actuel des connaissances en préciser la probabilité… Selon l’AFSSA (le 3 mars 2006), en combinant la probabilité d’émission de virus par le chat, la probabilité de contact efficace et la réceptivité de l’Homme au virus H5N1 HP, le risque d’infection de l’Homme par le chat, peut être estimé comme nul à négligeable…
Conclusions et recommandations de l'AFSSA
L’AFSSA (le 3 mars 2006) reprend les conseils du groupe d’expertise collective d’urgence « Influenza aviaire » validés le 2 mars 2006 après une réunion le 22 février, le 28 février et le 2 mars 2006 :
mesures de restriction des mouvements des chats dans les zones réglementées mais aussi dans les zones de protection et de surveillance autour des foyers d’Influenza H5N1 touchant les oiseaux domestiques.
les chats domestiques doivent être maintenus sous le contrôle effectif de leur propriétaire ;
toute mortalité anormale de chats doit faire l’objet d’une investigation vétérinaire approfondie afin d’en déterminer la cause et d’objectiver une éventuelle intervention du virus H5N1 HP ;
les chats errants ne doivent pas être attirés à proximité des exploitations par la présence de cadavres, de déchets organiques ou d’aliment en libre accès (ce qui contribuera aussi à ne pas attirer d’autres carnivores errants ou sauvages).
Remarque : Cet avis de l'AFSSA (du 3 mars 2006) n’évoque pas d’autres possibilités :
1. le chat pourrait peut-être, comme le porc, servir de creuset pour une recombinaison virale, puisqu’il semble pouvoir être infecté par des virus de grippe humaine saisonnière.
2. la souris ou le rat qu’il est plus difficile d’éloigner des volailles et qui sont parfois nombreuses dans les poulaillers comme l’a rappelé un document de la FAO sont-ils sensibles à ce virus, en conditions « naturelles » ? et ne pourraient-ils pas être un vecteur intermédiaire entre la volaille et le chat ?
3. le chat se lèche soigneusement et souvent, y compris le dessous des pattes. Des chats peuvent se lécher entre eux. Quelle est la dose infectieuse chez le chat ? (marcher dans des fientes fraîches de volailles malades peut-il suffire à l’infecter ?)
4. Lorsqu’ils peuvent sortir et que leur mort approche, les chats se cachent généralement très soigneusement pour mourir. Il est très fréquent qu’on ne trouve pas leur cadavres, même en les cherchant. Est-ce aussi le cas lorsqu’ils sont tués par un virus H5N1 HP ?
L’AFSSA ne reconnaît dans son avis que 3 voies de propagation au virus.
1. les transports et échanges d’oiseaux domestiques vivants, sensibles à l’Influenza aviaire HP, ainsi que de denrées ou produits en dérivant quand ils sont issus d’animaux infectés ou malades. Les contacts infectants pouvant être directs ou indirects ;
2. les oiseaux sauvages d’espèces sensibles (migrateurs ou non, représentant des sources de contacts indirects vis-à-vis des oiseaux domestiques) ;
3. tout support physique pouvant être contaminé par les excrétions ou sécrétions issues d’oiseaux contaminés, en particulier dans le cadre de l’activité humaine au sein des élevages ou des zones infectées. (Moyens de transport, de contention (cages, véhicules), de litières, de déchets, équipements en contact direct ou indirect avec les oiseaux, ou tout support (chaussures, vêtements,…) spécifiquement associé à l’être humain. Plus rarement, de nombreuses espèces animales pourraient jouer le rôle de transporteurs passifs, en l’absence d’infection active, si elles entrent en contact avec un environnement infecté.