Histoire de l'électricité au Québec - Définition

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Introduction

L'histoire de l'électricité au Québec a été marquée par trois grandes phases qui s'étendent des années 1880 à nos jours.

Les premiers tâtonnements de l'industrie sont marqués par une course au développement à Montréal, suivie d'une phase de consolidation nécessaire à des fins d'efficacité et de la création de monopoles régionaux qui vont graduellement étendre leurs réseaux électriques dans les principaux centres du Québec. Le développement de ces entreprises s'effectue par l'expansion des réseaux ou, tout simplement, par l'acquisition d'une firme voisine et potentiellement concurrente. Les grandes perdantes de ce mode de développement se retrouvent toutefois dans les régions rurales ; certaines municipalités s'organisent de manière autonome, pendant que dans certaines régions, des résidents forment des coopératives de consommateurs. Les deux principales compagnies présentes sur le marché, la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) et la Shawinigan Water and Power Company (SWP) s'imposeront comme les entreprises dominantes du secteur jusqu'aux années 1930, pendant qu'au Saguenay—Lac-Saint-Jean, l'Alcan s'implante solidement et développe son potentiel hydraulique en fonction de la croissance de sa production d'aluminium.

La domination des grands monopoles régionaux, « le trust de l'électricité », sera cependant contestée dans l'opinion publique. Cette contestation donnera lieu à une enquête publique, l'implantation d'organismes de surveillance et mènera en 1944 à la nationalisation de la MLH&P et à la création d'une société publique, Hydro-Québec, avec l'adoption de la loi 17, créant la Commission hydroélectrique de Québec.

Pendant presque 20 ans, l'entreprise publique exploite son monopole régional aux côtés des entreprises privées. Cependant, étant la seule à pouvoir exploiter de nouveaux bassins versants, Hydro-Québec devient le plus grand producteur d'électricité tout en ajoutant à son territoire les régions éloignées de la Gaspésie et de Chibougamau.

La Révolution tranquille au Québec tranchera le débat de manière définitive. En 1962, le gouvernement de Jean Lesage obtient le mandat des électeurs québécois afin de nationaliser les compagnies d'électricité partout sur le territoire du Québec et de confier le monopole électrique à l'entreprise publique Hydro-Québec.

L'histoire d'Hydro-Québec sera successivement ponctuée par la croissance soutenue des années 1960 et 1970 avec la construction du complexe Manic-Outardes sur la Côte-Nord, de la construction de la seule centrale nucléaire du Québec à Gentilly et de la première phase du Projet de la Baie-James. Cette période de développement tous azimuts est suivie d'une phase de consolidation, marquée de ratés et de crises pendant les deux décennies suivantes.

La signature de la paix des Braves de 2002, entre le premier ministre Bernard Landry et le chef du Grand Conseil des Cris, Ted Moses, marque une nouvelle phase de développement du potentiel hydroélectrique du Québec, avec l'inauguration d'une demi-douzaine de nouveaux aménagements au cours des années 2000 et le démarrage, en mai 2009, de la construction d'un nouveau complexe de quatre centrales sur la rivière Romaine, au nord de Havre-Saint-Pierre.

Origines

La centrale de Lachine, inaugurée en 1897.

Bien que relativement tardive, l'entrée du Québec dans le « nouvel industrialisme » est survenu à un moment propice dans l'évolution de l'économie continentale. l'historien économiste Albert Faucher défend la thèse selon laquelle l'industrialisation du Québec dépend surtout des États-Unis qu'il s'agisse de capitaux ou de techniques nouvelles, véhiculées au Québec par des ingénieurs américains ou formés aux États-Unis.

C'est notamment le cas pour l'électricité. Les premiers développements hydroélectriques répondaient au besoin croissants de sources d'énergies et de matières brutes des grandes villes américaines, et en particulier de l'industrie de l'édition, en phase de concentration autour de quelques grands propriétaires et de celle de l'affinage de l'aluminium.

Premiers pas de la Shawinigan

Constituée en 1897, la Shawinigan Water and Power Company (SW&P) ne perd pas de temps à tenter de capitaliser sur une source d'énergie qu'on croyait inépuisable. Sans attendre un contrat ferme, elle commence la construction d'une première centrale hydroélectrique sur le Saint-Maurice à une trentaine de kilomètres au nord de Trois-Rivières. Le jeune président de la SW&P, J.E. Aldred, recrute trois entreprises, la Carbide Company, la Northern Aluminum Company (qui deviendra plus tard l'Alcan) et la Belgo-Canadian Pulp and Paper Company (qui sera intégrée à Abitibi-Consolidated) qui forment le cœur industriel d'une nouvelle région. La signature de contrats de fourniture facilite la vente d'obligations de la compagnie sur les marchés de la City et de Wall Street.

En moins de 10 ans, une puissante centrale électrique et la ville de Shawinigan, qui pousse comme un champignon sur les rives du cours d'eau. La demande d'électricité croissait si rapidement à cette époque que la Shawinigan a cessé de signer des ententes fermes avec des grands clients industriels, tout en tentant de racheter les contrats déjà consentis. Par exemple, la Wabasso Cotton Company s'établit à Trois-Rivières en 1909. L'entreprise doit se résoudre à construire une deuxième centrale, qui sera mise en service dès 1911, afin de répondre à la demande toujours croissante.

Formation de la Montreal Light, Heat and Power

À Montréal, plusieurs entrepreneurs tentent de prendre le contrôle du lucratif marché de la métropole du Québec. L'industrie amorce une période de consolidation et les propriétaires de la Royal Electric Company, Rodolphe Forget et celui de la Montreal Gas Company, Herbert Samuel Holt, discutent de fusion dès 1900.

Après des négociations qui suscitent du scepticisme dans le monde des affaires, la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) est donc constituée le 28 mars 1901 par la fusion des deux entreprises et de leurs filiales, la Montreal and St. Lawrence Light and Power Company et la Chambly Manufacturing Company. L'entreprise sera présidée par Holt, qui en faisait une condition de la fusion. Forget, dont l'oncle Louis-Joseph Forget joua un rôle essentiel dans cette opération, devient vice-président.

La MLH&P prend le contrôle complet en achetant des concurrentes plus petites. L'entreprise, moins avantagée que sa concurrente mauricienne au chapitre des ressources hydrauliques, se rabat sur la production thermique, mais dépend de moins en moins des combustibles, surtout après l'ouverture d'une centrale aux rapides de Soulanges, en 1909. À cette époque, la MLH&P exploitait trois centrales hydroélectriques, y compris celle des rapides de Lachine, acquise en 1903.

Les deux concurrents se partagent le territoire

Après un début de relation houleux, les intérêts de la Shawinigan et la Montreal Light, Heat and Power tendent à converger dès les premières années de leur duopole. Au début du XXe siècle, la Shawinigan envisage de transporter son électricité jusqu'à Montréal, où la concurrence est vive entre les différents fournisseurs. Dès 1902, la compagnie d'Aldred signe un contrat de fourniture d'électricité avec la Lachine Hydraulic and Land Company — un concurrent direct de la MLH&P — pour alimenter une partie de la charge montréalaise à partir de Shawinigan. Une ligne de transport est construite et la SW&P est en mesure de livrer une puissance de 6 000 hp (4475 kW) à son poste d'arrivée situé dans la cité de Maisonneuve, aujourd'hui l'arrondissement montréalais de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.

La décision déplaît fortement à la compagnie de Holt et le sénateur Forget, membre des conseils d'administration de la MLH&P et de la SWP doit faire un choix. Il quitte l'entreprise shawiniganaise. Comme c'est d'usage en cette époque de rapide concentration dans tous les secteurs de l'économie, la MLH&P rachète la totalité des actions de la Lachine Hydraulic en 1903. Par la force des choses, la Shawinigan devient donc un important fournisseur d'électricité de l'entreprise montréalaise. La Shawinigan est rapidement débordée par la demande et doit construire une seconde ligne dès 1904.

La Shawinigan poursuivra sa sollicitation de nouveaux clients à Montréal. En 1907, l'entreprise d'Aldred négocie des contrats avec la Montreal Street Railway Company, qui distribuait de l'électricité au détail, et à Vulcan Portland Cement. Par ailleurs, les rapports entre les deux sociétés se modifient radicalement au cours de cette période. Entre 1904 et 1910, les ventes de la Shawinigan à sa rivale passent de 6 000 à 23 000 hp (17 150 kW) et les actifs de la SW&P passent de 10 à 20 millions de dollars.

Ce changement de situation donne lieu à une trêve entre les deux entreprises, qui prend une forme concrète en janvier 1909, alors que la Shawinigan emménage dans l'édifice de la MLH&P à Montréal. Quelques mois plus tard, J. E. Aldred, qui a reçu les pleins pouvoirs de son conseil d'administration, achète deux blocs de 5000 actions de son ancienne rivale en 1909 et 1910, un geste imité par la direction de la MLH&P, qui investit à son tour dans la Shawinigan. Les deux entreprises s'échangent aussi des administrateurs, J. E. Aldred devenant membre du conseil de la MLH&P, tandis que Herbert Samuel Holt prend place à la table de la Shawinigan.

Cette association entre la Montreal Light, Heat and Power et la Shawinigan Water and Power Company les conduit, en 1912, à mettre sur pied conjointement la Cedars Rapids Manufacturing and Power Company, pour construire la centrale des Cèdres, dans le sud de la Montérégie. La nouvelle centrale est mise en service à compter de 1915. Cette centrale hydraulique a été rendu possible par la signature d'un contrat de vente de 60 % de la production à l'aluminerie d'Alcoa à Massena, dans l'État de New York et la construction par Alcoa, d'une ligne de transport à 120 kV de 72 km en territoire canadien et 9,5 km en territoire américain.

Précurseurs de la nationalisation

Monteurs de ligne de la Montreal Light, Heat and Power.

Cette initiative est restée sans suite pendant plus d'un demi-siècle, en raison des contraintes reliées au transport de l'électricité sur de longues distances et de l'adoption en 1926, de la Loi sur l'exportation du pouvoir électrique. La Loi Taschereau, du nom du premier ministre Louis-Alexandre Taschereau, interdisait l'exportation de l'électricité ou la construction d'infrastructures destinées à l'exportation de l'électricité à l'extérieur du Canada, ce qui n'empêchera pas l'exportation de l'électricité de la centrale de Beauharnois — dont la première phase sera complétée en 1931 — vers l'Ontario.

Dans les années qui ont suivi la Grande Dépression des années 1930, des voix s'élèvent au Québec en faveur d'une intervention du gouvernement dans le secteur de l'électricité. Les reproches se multiplient à l'endroit du « trust de l'électricité » : leurs tarifs sont considérés abusifs et leurs profits excessifs. Inspirés par la nationalisation des producteurs et la municipalisation des distributeurs menée en Ontario par Sir Adam Beck au début du XXe siècle, des personnalités, comme Philippe Hamel et T.-D. Bouchard, proposent d'imiter la province voisine.

Une commission d'enquête, dirigée par Ernest Lapointe, est mise sur pied en 1934 afin de faire le bilan des agissements de l'industrie. La MLH&P tente de faire obstacle aux travaux de la commission Lapointe et ne remet pas l'ensemble de la documentation requise par les commissaires. Dans son rapport, la commission condamne l'absence de régulation du marché de l'électricité, recommande la création d'un organisme de régulation aux pouvoirs plus étendus que la commission des Services publics. Les commissaires refusent toutefois de se prononcer en faveur de la nationalisation, à moins que les agissements des compagnies ne la rende absolument nécessaire.

À la veille de l'élection de 1936, le gouvernement Taschereau met en place la Commission de l'électricité, présidée par Augustin Frigon. Cette commission est remplacée l'année suivante par la Régie provinciale de l'électricité, mise en place par le premier gouvernement de Maurice Duplessis. La nouvelle régie, présidée par l'avocat Joseph Gingras, met en œuvre plusieurs recommandations de la commission Lapointe. Alors que la Shawinigan se prête de bonne grâce aux demandes de la Régie, la MLH&P se fait tirer l'oreille.

Porté au pouvoir en 1939, le premier ministre du Québec, Adélard Godbout, dénonce l'inefficacité de ce système privé dominé par des intérêts anglophones, et les alliances entre les deux principales entreprises du secteur, la Montreal Light, Heat and Power (MLH&P) et la Shawinigan Water and Power, qui ralentissent le développement industriel. Godbout qualifie les agissements des monopoles de « dictature économique crapuleuse et vicieuse ».

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