Insuffisance cardiaque canine - Définition

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Pour en savoir plus

  • Bomassi E. Vade-mecum de cardiologie vétérinaire. Med’Com, Paris, 2001. 145 p.
  • Bomassi E. Guide pratique de cardiologie vétérinaire. Med’Com, Paris, 2004. 255 p.
  • Chetboul V, Lefebvre HP, Tessier-Vetzel D, Pouchelon JL. Thérapeutique cardiovasculaire du chien et du chat. Masson, Paris, 2004. 229 p.
  • VetGo Cardiology
  • Pimobendan

Traitements

A l’exception de certaines cardiopathies congénitales traitables chirurgicalement, les cardiopathies rencontrées chez le chien sont irréversibles, progressives, et aucun traitement n’existe à l’heure actuelle pour entraîner une régression des lésions cardiaques. Cependant, on a vu que les signes cliniques étaient liés à l’activation croissante des mécanismes compensateurs (augmentation de la précharge et de la postcharge) consécutifs à la baisse de la performance cardiaque, et que ces mécanismes entraient pour une part importante dans le dégradation continue de la fonction cardiaque. Le traitement de l’insuffisance cardiaque devra donc viser d’une part à diminuer l’hyperactivation des mécanismes compensateurs (diminution de la précharge et de la postcharge, diminution de la fréquence cardiaque) et d’autre part à augmenter l’efficacité cardiaque (amélioration de la contractilité et de la relaxation).

Les modificateurs de la performance cardiaque

De nombreuses molécules sont utilisables en cardiologie canine, même si relativement peu sont enregistrées dans cette espèce. On ne s’intéressera par la suite qu’aux classes thérapeutiques d’usage courant en cardiologie canine. On peut les classer en fonction de leur action sur les 6 déterminants de la performance cardiaque (fréquence cardiaque, contractilité, relaxation, synergie de contraction, précharge, postcharge).

Le pimobendane

Seul représentant sur le marché de la classe des inodilatateurs, le Pimobendan (Vetmedin®, Boehringer Ingelheim) semble devoir devenir le traitement de choix de première intention de l’insuffisance cardiaque congestive.

Par ses mécanismes d’action (sensibilisateur calcique et inhibiteur de la phosphodiestérase III), il est inotrope positif (augmentation de la contractilité), lusitrope positif (amélioration de la relaxation), chronotrope positif (augmentation de la fréquence cardiaque) et vasodilatateur artériel (diminution de la postcharge), veineux (diminution de la précharge) et coronarien (amélioration de l’oxygénation du myocarde). C’est le seul produit disponible avec une action aussi large sur les déterminants de la fonction cardiaque.Son action inotrope positive (liée à une augmentation de l’affinité de la troponine pour le calcium) s’exerce sans augmentation de la consommation énergétique du myocarde.L’effet vasodilatateur est intense et direct (par inhibition de la dégradation de l’AMPc dans la cellule musculaire lisse des vaisseaux).

Le pimobendane est enregistré en Europe, au Canada et aux Etats-Unis pour le traitement de l’insuffisance cardiaque congestive liée à une MVD ou à une CMD. C’est actuellement la seule molécule inotrope positive utilisable au long cours.

À ce jour, au moins 4 études étudiant l’intérêt du pimobendane chez le chien atteint de cardiopathie spontanée symptomatique ont été publiées dans des revues internationales à comité de lecture. L'étude QUEST, en particulier, démontre très clairement la supériorité du pimobendane en termes de prolongement de la vie des animaux par rapport au traitement par un IECA. L’effet clinique est marqué et visible très rapidement (30’ à 90’) ; la qualité de vie est fortement améliorée et la survie prolongée. De plus, il a été montré que le pimobendane permettait de réduire les doses de diurétiques nécessaires pour le contrôle des phénomènes congestifs. Il permet également de réduire la taille du cœur et de ralentir la progression de la cardiomégalie.

On ne sait pas actuellement si il y a un intérêt à utiliser le pimobendane dans les stades précoces (asymptomatiques) mais des publications récentes montrent que le pimobendane est bien toléré qu'il réduirait la régurgitation mitrale dans les stades asymptomatiques de MVD, ce qui pourrait avoir des effets potentiels bénéfiques à long terme et permettrait d’envisager une utilisation plus précoce de la molécule.

Sa rapidité d’action en fait également un médicament de choix dans les décompensations aiguës.

Les inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine (IECA)

Les IECA ont permis un progrès considérable dans le traitement de l’hypertension et de l’insuffisance cardiaque chez l’homme dans les années 80. Leur enregistrement en médecine vétérinaire dans les années 90 a également permis une avancée très importante en termes de qualité de vie et de survie. Les IECA, comme leur nom l’indique, inhibent l’enzyme de conversion de l’angiotensine, bloquant ainsi la formation d’angiotensine II ; ils entraînent donc indirectement un effet vasodilatateur artériel et veineux et diminuent la précharge et la postcharge. Leur action indirecte (dépendant de la saturation progressive de l’ECA et de la disparition de l’angiotensine II) et leur absence d’effets cardiaques fait que leur action est relativement lente à s’installer (de l’ordre de1 à 3 semaines). Quatre molécules sont actuellement enregistrées en médecine vétérinaire en Europe : l’Enalapril (Enacard®, Mérial ; Prilenal®, CEVA), le Benazepril (Fortekor®, Novartis), le Ramipril (Vasotop®, Intervet) et l’imidapril (Prilium®, Vétoquinol). L’efficacité des IECA a été bien démontrée lors d’insuffisance cardiaque congestive liée à une MVD mais n’est pas aussi clairement prouvée dans les cas de CMD. Différents essais menés en insuffisance cardiaque asymptomatique ont par contre tous conclu à l’inefficacité des IECA à prolonger le temps avant décompensation où la durée de survie.

Les diurétiques

Les diurétiques restent actuellement le traitement de choix de la congestion : en favorisant l’élimination de l’eau, ils diminuent la volémie, limitent l’œdème pulmonaire et facilitent le travail du cœur. Cependant, de par la baisse de la volémie, ils contribuent à l’activation du SRAA. Le chef de file des diurétiques utilisés en cardiologie est le Furosemide, diurétique de l’anse, commercialisé en médecine vétérinaire par de nombreux laboratoires. Quelques autres molécules sont plus rarement utilisées, diurétiques de l’anse (bumétanide, torasémide) ou thiazidiques. Les diurétiques sont utilisés en cas de signes congestifs marqués (œdème pulmonaire, ascite…), à la dose la plus faible nécessaire. Ils représentent une véritable « variable d’ajustement » du traitement de l’insuffisance cardiaque, toujours utilisée en complément d’une thérapeutique de fond, pimobendane ou IECA.

La spironolactone

La Spironolactone est un antagoniste des récepteurs de l’aldostérone. Longtemps considérée à tort comme un diurétique, elle est maintenant utilisée pour ses propriétés anti-aldostérone (limitation de la fibrose cardiaque et rénale). Si son efficacité a été parfaitement prouvée chez l’homme, aucune étude n’a encore cependant été publiée chez le chien. Cependant, son enregistrement récent par l’EMEA en procédure centralisée (Prilactone®, CEVA) tend à démontrer que son efficacité a enfin été prouvée. On attend actuellement la publication des résultats d’essai pour mieux préciser les résultats obtenus et les conditions d’emploi. La spironolactone semble être un complément intéressant à un traitement classique pimobendane + diurétiques ou IECA + diurétiques.

La digoxine

La digoxine a été très longtemps considérée comme un inotrope positif. En fait, ses propriétés inotropes sont faibles, en particulier chez l’insuffisant cardiaque. La digoxine reste cependant le traitement de choix des arythmies supraventriculaires, en particulier de la fibrillation atriale. Avec l’arrivée du pimobendane et ses réelles propriétés inotropes positives, l’indication de la digoxine s’est d’ailleurs réduite à ces arythmies. La marge thérapeutique de la digoxine est relativement faible et il faudra parfois doser la digoxinémie pour équilibre le traitement.

Insuffisance cardiaque et polythérapie

Le principe même du traitement de l’insuffisance cardiaque congestive repose sur une polythérapie raisonnée : un traitement associant des molécules aux propriétés complémentaires assurera un meilleur contrôle de la pathologie. Cependant, la multiplication des médicaments entraîne des contraintes multiples pour le propriétaire, de temps, de facilité d’administration et de coût, qui peuvent avoir tendance à faire baisser l’observance du traitement. Le mieux étant l’ennemi du bien, il conviendra donc de choisir les traitements utilisés pour essayer de maximiser l’efficacité en minimisant les contraintes, et de ne passer d’une monothérapie à une polythérapie que lorsqu’il n’est plus possible de faire autrement.

Dans ces conditions, le traitement de première intention pourra s'appuyer sur le pimobendane, les avantages du pimobendane étant  :

  • Un mode d’action complet (action cardiaque et vasculaire)
  • Une efficacité démontrée dans plusieurs essais cliniques publiés (niveau d’évidence A),
  • Une efficacité très rapide est vite perçue par le propriétaire, ce qui favorise l’observance,
  • Une plus grande efficacité que les IECA en termes de survie,
  • Il a été montré qu’il permet de diminuer les doses de diurétiques nécessaires.

On pourra également se tourner vers les IECA, dont l'efficacité a également été démontrée dans plusieurs essais cliniques publiés (niveau d’évidence A). Cependant, depuis la publication de l'étude QUEST, le pimobendane apparaît clairement comme une meilleure alternative.

En plus du traitement de fond avec le pimobendane, on associera en fonction des signes cliniques observés :

  • un diurétique en cas d’œdème pulmonaire marqué, à la dose la plus faible possible et pour la durée la plus courte possible ;
  • de la digoxine en cas de troubles du rythme supraventriculaires ;
  • éventuellement de la spironolactone ;
  • dans les cas avancés, l’association IECA + pimobendane peut être recommandée : cette association est parfaitement tolérée et l'utilisation d'une polythérapie avec molécules ayant des cibles différentes et complémentaires se justifie parfaitement sur un plan théorique. Cependant, les bénéfices cliniques d'une telle association n'ont pas été étudiés à ce jour.

Le Collège Américain de Médecine Interne (ACVIM) a publié en septembre 2009 son Consensus sur la prise en charge et le traitement de la Maladie Valvulaire Dégénérative chez le chien et confirme ces principes :

  • lors de la phase initiale de décompensation, le traitement de base est le pimobendane associé aux diurétiques. Si certains auteurs préconisent d'introduire également un IECA dès ce stade, il n'y a pas de consensus sur l'utilisation des IECA à ce stade.
  • en traitement chronique, la recommandation est de continuer pimobendane et diurétiques, et d'introduire les IECA (s'ils ne l'ont pas été dès le début). Aucun consensus sur l'utilisation de la spironolactone à ce stade, les preuves disponibles au moment de la parution du consensus étant considérées comme insuffisantes.
  • lors d'insuffisance cardiaque congestive réfractaire, le panel recommande de rajouter aux traitements déjà en place du furosémide par voie intraveineuse, de l'oxygénothérapie, de la spironolactone, éventuellement des vasodilatateurs artériels. Certains auteurs recommandent d'augmenter la dose de pimobendane.

Doit-on traiter les stades asymptomatiques ?

C’est une question qui revient souvent et qui repose sur des bases physiopathologiques : lors de cardiopathie, on sait maintenant que la fonction systolique est altérée précocement et que c’est la stimulation des mécanismes compensateurs qui permet d’éviter pendant un temps l’apparition de symptômes congestifs. Il peut donc paraître judicieux d’essayer d’intervenir avant la décompensation (en stade 1) pour soutenir la fonction systolique et limiter les mécanismes compensatoires, en espérant donc avoir un bénéfice d’une part sur le temps jusqu’à la décompensation (en la retardant) et d’autre part sur la survie globale.

L’intérêt d’un traitement « précoce » chez l’animal atteint de maladie valvulaire mitrale est toujours à considérer avec précaution, en raison ;

  • Des divers paramètres pris en compte dans les études consacrées aux animaux asymptomatiques. On ne doit jamais perdre de vue le véritable objectif d’un traitement chez un animal asymptomatique : ce traitement doit soit :
    • retarder la date d’apparition des symptômes.
    • diminuer la gravité des symptômes lors de leur apparition
    • prolonger la durée de vie « globale » des animaux (incluant la période asymptomatique et symptomatique). Pour des raisons pratiques, certaines études se sont intéressées à l’effet d’un traitement sur des paramètres échocardiographiques, notamment la taille du cœur ou l’importance de la fraction de régurgitation. Si ces résultats sont intéressants, ils ne doivent pas faire perdre de vue les véritables objectifs du traitement. Le traitement doit prolonger et améliorer la vie de l’animal et non « guérir » une image échographique.
  • De la difficulté d’extrapoler les observations réalisées chez l’être humain : chez l’homme, un traitement précoce est souhaitable car il diminue le risque de complication (principalement à long terme), mais le traitement appliqué est la réparation ou la prothèse de valve, encore difficilement réalisable (pour des raisons techniques, physiologiques et surtout financier) chez l’animal de compagnie. L'intérêt de l'administration de substances à action inotrope chez l'être humain asymptomatique n'a jamais été étudié.
  • De la grande « hétérogénéïté » de l’animal asymptomatique, avec une importance variable de la fuite mitrale et de ses conséquences (présence d’une dilatation cavitaire, d’une hypertension artérielle pulmonaire secondaire, d’une ruptures de cordage. On observe de ce fait des durées d’évolution de cette phase très variables. Une étude comparant des animaux asymptomatiques doit donc inclure un grand nombre d’animaux, et/ou des animaux chez qui l’importance de la maladie a été évaluée de manière très précise.
  • De la durée parfois très importante de cette phase asymptomatique, qui implique des études longues (et couteûses) dont les résultats peuvent être décevants, par exemple, lorsqu’un grand nombre d’animaux suivis « quittent » l’étude (soit par absence de suivi, soit lorsque l’animal décède de cause « non cardiaque »).
  • Du fait qu'un très grand nombre d'animaux ne présenteront jamais de signes cliniques; on peut alors se poser la question de l'intérêt de traiter pour prévenir une maladie qui ne surviendra jamais.
  • Enfin, de l’interêt « financier » que représentent ces animaux, qui sont à la fois beaucoup plus nombreux que les animaux symptomatiques et chez qui le traitement durera plus longtemps.

Mais qu’en est-il de l’efficacité démontrée des différentes thérapeutiques en stades asymptomatiques ? Les essais publiés actuellement chez le chien en MVD asymptomatique (compensée) montrent :

  • que les IECA (énalapril) ne retardent pas la décompensation et n’augmentent pas la survie
  • que les IECA (énalapril) ne diminuent pas la fraction de régurgitation
  • que les IECA (bénazépril) n'augmentent pas la fraction de régurgitation
  • que le pimobendane augmente la régurgitation mitrale (1 étude expérimentale sur 6 chiens)
  • que le pimobendane diminue la régurgitation mitrale (1 étude expérimentale sur 4 chiens et une étude clinique présentée sous forme d'abstract sur 20 chiens par une équipe canadienne)
  • que le pimobendane ne modifie pas la régurgitation mitrale sur une période de 6 mois (selon une étude clinique présentée sous forme d'article par la même équipe canadienne sur 24 chiens)
  • que la milrinone (un autre inotrope positif) diminue également la régurgitation mitrale

Il existe une controverse sur les effets du pimobendane sur la régurgitation mitrale lors de MVD asymptomatique. Les preuves semblent plutôt s'équilibrer vers une absence d'effet sur l’insuffisance mitrale compensée, avec 2 études d’équipes différentes sur un modèle expérimental démontrant simultanément une diminution de la régurgitation mitrale par les inotropes contre une étude montrant le contraire, et une ne montrant aucun effet. Si un effet bénéfique apparaît en adéquation avec la notion démontrée maintenant de dysfonction systolique précoce (bien que n'ayant été démontrée que chez des animaux déjà symptomatiques), il manque toujours une étude contrôlée long terme évaluant l’influence d’un traitement pimobendane en stade asymptomatique sur le temps de décompensation et/ou la survie pour atteindre un niveau d’évidence suffisant. En effet, le seul véritable objectif, la survie, n'a pas encore été étudié dans aucune des études s'intéressant à la MVM asymptomatique, à la différence de ce qui a été publié avec les IECA (sans démonstration d'un bénéfice net).

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