Laurent Schwartz (5 mars 1915, Paris - 4 juillet 2002, Paris) est l’un des grands mathématiciens français du XXe siècle, le premier à obtenir la Médaille Fields, en 1950, pour ses travaux sur la théorie des distributions. Ancien élève de l’École normale supérieure, il est pendant de nombreuses années professeur à l’École polytechnique. Intellectuel engagé, il s'est distingué par ses nombreux combats politiques.
Laurent Schwartz est issu d’une famille juive d’origine alsacienne, imprégnée de culture scientifique. Son père, Anselme, est un chirurgien renommé. Son oncle maternel, le pédiatre Robert Debré est le fondateur de l'Unicef. Son grand-oncle par alliance, Jacques Hadamard est un célèbre mathématicien. Sa mère, passionnée par les sciences naturelles lui transmet son goût pour l'entomologie. Il cultivera cette passion toute sa vie et plus particulièrement pour les papillons. Sa collection personnelle, léguée au Muséum national d'histoire naturelle, au Musée de Lyon, au Musée de Toulouse et au Musée de Cochabamba (Bolivie) comportait de l'ordre de 20 000 spécimens, collectés au cours de ses divers voyages. Plusieurs espèces, découvertes par lui, portent son nom.
De l'avis de ses professeurs, la scolarité de Laurent Schwartz est brillante. Il excelle en latin, en grec et en mathématiques. Son professeur de 5e disait à ses parents : « Méfiez-vous, on dira que votre fils est doué pour les langues, alors qu'il ne s'intéresse qu’à l'aspect scientifique et mathématique des langues : il faut qu'il devienne mathématicien ». En 1934, il entre à l’École normale supérieure. En 1937, il est reçu second à l’agrégation de mathématiques.
Après avoir quitté l’ENS avec de très bons résultats, il part accomplir son service militaire (deux ans 1937-1939) comme officier. Ce service est prolongé d'un service actif d’un an pendant la guerre (1939-1940). Il devient ensuite officier de réserve. Démobilisé en août 1940, Schwartz se rend à Toulouse où ses parents habitent. Son père, alors colonel de réserve du service médical des armées, travaille comme chirurgien à l'hôpital. Schwartz devient à cette époque membre de la Caisse nationale des sciences (l'ancien CNRS). Une bourse financée par Michelin lui permet de vivre de 1943 jusqu’à la fin de la guerre. La chance intervient alors pour le sauver du désert scientifique dans lequel il vit : Henri Cartan vient à Toulouse pour faire passer des oraux d'entrée à l’ENS. L'épouse de Schwartz, Marie-Hélène Lévy, qui avait traduit quelques années plus tôt des travaux de Cartan, prend l'initiative de le rencontrer. Ce dernier les invite fortement à déménager pour Clermont-Ferrand où est repliée l'université de Strasbourg. Le changement fut très bénéfique. Ce fut à Clermont qu'il rencontra le groupe de mathématiciens « Nicolas Bourbaki ». Ces derniers le stimulèrent suffisamment pour qu'il finisse sa thèse de doctorat en deux ans. En 1943, il soutient sa thèse « Étude des sommes d'exponentielles ».
La vie de Schwartz pendant la Seconde Guerre mondiale est très « mouvementée ». Juif, il doit se cacher et changer d'identité pour éviter la déportation, mais il découvre le monde de la recherche mathématique et commence sa thèse à Clermont-Ferrand, où l'université de Strasbourg est délocalisée. Pendant que ses recherches progressent, la guerre bat son plein. Sa santé fragile l'empêche de rejoindre la résistance. L'inefficacité du mouvement trotskiste le remplit de frustration. Deux étudiants sont en même temps que Schwartz à Clermont : Felbau, un étudiant juif d'Ehresmann et Gorny, un étudiant juif réfugié politique qui avait passé une thèse avec Szolem Mandelbrojt. Feldau fut déporté à Auschwitz en novembre 1943 et Gorny en septembre 1942. On ne les revit jamais. Schwartz risquait la déportation à cause de ses origines juives et comme trotskiste : le couple dut donc adopter une fausse identité.
Après une année à Grenoble (1944), Schwartz rejoint l'université de Nancy (1945) sur l'initiative de Delsarte et de Jean Dieudonné. Il restera pendant sept années sur ce poste, prolifique à la fois au niveau de la recherche mais aussi au niveau des cours. Les cours de Laurent Schwartz attirent ainsi des étudiants comme Bernard Malgrange, Jacques-Louis Lions, F. Bruhat et Alexandre Grothendieck. Sur l'initiative de Denjoy, il passe de Nancy à la faculté des sciences de l'université de Paris en 1952. En 1958, il devient professeur à l'École polytechnique. Ayant tout d'abord refusé de briguer ce poste, il change d'avis au dernier moment, motivé par son désir de refondation de l'enseignement mathématique à Polytechnique. Il y a cependant été interdit d'enseignement, de 1961 à 1963, après avoir signé le manifeste des 121, geste peu apprécié de l'encadrement militaire de cette institution. Il y modernise les programmes et y conçoit un centre de recherche mathématique. Il est élu correspondant de l'Académie des sciences le 2 mai 1973, puis membre le 24 février 1975, section mathématiques.